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La Madone d’Utelle
Les Alpes Maritimes. Trente-cinq km au nord de Nice. Une
madone domine les Gorges de la Vésubie. C’est la Madone
d'Utelle, un sanctuaire (1180m) perché sur une montagnette
qui développe 855m de dénivelé pour une distance supérieure
à 15 km. Déclivité honorable puisque la moyenne est
supérieure à 5.5%.
Je n’irai pas par quatre chemins pour lui coller une
appréciation. Si par malheur, le grand Ordonnateur de
l’univers ne devait m’accorder plus qu'une ultime ascension,
mon choix se porterait sans hésitation sur la Madone. Pas
pour métamorphoser l’agnostique que je suis en grenouille de
bénitier. En effet, le sommet abrite un sanctuaire qui est
un centre de dévotion à Notre-Dame des Miracles, la Vierge
aux étoiles qui fait pleuvoir ses grâces sur ceux qui la
demandent. La légende rapporte que deux ou trois navigateurs
ibères perdus dans la tempête au large de Nice aperçurent
une lumière surnaturelle qui les dirigea vers la côte. Ils
installèrent un oratoire au sommet de la montagne
salvatrice. Mon objectif à moi est malheureusement beaucoup
plus prosaïque.
La grimpette prend son envol dans le hameau de St
Jean-la-Rivière après le pont qui enjambe la Vésubie. Le
petit village est blotti au pied d’un immense adret rocheux.
Le moindre carré de paysage est exploité et tout à tour,
prés de fauche, olivaies, figuiers isolés et arbrisseaux
jalonnent ce parcours verdoyant. Une suite de lacets
successifs précipite le regard dans la profonde entaille des
Gorges de la Vésubie. Il faut grimper au ciel pour saluer la
Vierge aux étoiles. Il n’y a pas de miracle ! L'accès pentu
n’a d’ailleurs rien à envier à son illustrissime voisin le «
Turini ». C’est un large lacet qui s’enroule autour du vieux
village d’Utelle, juché sur un promontoire à la cote 800,
qui met fin à la première partie de l’ascension. Le paysage
change d’aspect. La route épouse alors le flanc d’une
montagne couverte de marnes arides.
Clin d’œil pour les rats de bibliothèques qui s’intéressent à
l’histoire du « Petit Caporal » ! Utelle se situe dans un
haut lieu de l’époque napoléonienne. Le général Masséna y
fit hisser une pièce de canon jusqu’au col de Castel Ginesté
pour déloger les Austro-sardes.
Cet accès doit être fort fréquenté en saison puisque le
service voyer vient de couler un bitume extra lisse allant
du village jusqu’à une encablure au-delà du col de la
Madone. Un revêtement qui ferait baver plus d’un manager de
vélodrome. Autant vous dire que le tempo s’accéléra tout
naturellement. Au-delà de l’intérêt historique, la traversée
des olivaies et les troupeaux de moutons apportent une
connotation agropastorale au parcours.

La végétation change. Des châtaigniers et une forêt de
chênes filtrent maintenant les rayons du soleil. De temps en
temps, au détour d’un lacet, apparaît la tour du centre de
télécommunication qui encourage le grimpeur à écraser les
pédales. Petit à petit, la forêt se fait plus clairsemée et
elle disparaît bientôt en vue du sommet. Un sommet bien
dégagé qui s’étend sur une large calotte herbeuse de plus
d’un kilomètre de long où se succède, tout à tour, oratoire
et annexes, table d’orientation sous abri et centre de
télécommunication. Panorama unique sur le Parc du Mercantour
et le Haut Pays des Alpes Maritimes. Il n’y en a pas que
pour les routiers. Tout un réseau de chemins muletiers relie
Utelle à la vallée et fait le bonheur des vététistes. Le
contemplatif trouve également son compte dans ce lieu de
ressourcement et de réflexion. Quant au dévot, il peut
s’acquitter à l’oratoire de sa BA quotidienne en offrant un
lumignon à la Madone aux étoiles. Au cœur de la chapelle, le
pèlerin est accueilli par un véritable bataillon illuminé
constitué d’une myriade de cierges offrandes. Dans le porche
de l’édifice religieux, des présentoirs proposent des
bondieuseries, des cartes illustrées, des prospectus et
livrets divers en échange de quelques sous. Je prélève 3
cartes représentant le paysage environnant. Toutefois,
l’absence d’un responsable m’embarrasse car je ne sais pas
comment m’acquitter de ma dette. En effet, j’avais laissé
toutes mes affaires dans ma voiture qui était garée dans la
vallée. Donc, pas la moindre piécette à glisser dans le
tronc. Or, un gros billet en contre valeur de 3 cartes était
un marché tout à fait inéquitable. Même un martyr de
l’époque romaine aurait reculé devant un tel sacrifice.
Sincèrement contrit de cette situation, je m’adresse à
l’unique âme qui rôde à proximité du sanctuaire. Chou blanc
! De deux choses l’une, soit je remets les cartes dans le
présentoir, soit je prends le risque d’encourir des foudres
du ciel. Optant pour la seconde solution, il faut
reconnaître que le ciel ne m’en a pas tenu rigueur. En
effet, un rien plus tard, j’échappais de justesse à une
collision frontale dans la vallée du Var.
Raison suprême de placer l’ascension de la Madone d’Utelle
en tête au hit parade de mes grimpettes.
Allé-vélo-luia !
Septembre 99
bruffaertsjo@skynet.be

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