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LE PUY-DE-DÔME
Un jour de printemps pas
comme les autres. C’est la fête attendue par beaucoup de
cyclotouristes depuis des mois. La route à péage qui
conduit au sommet du Puy-de-Dôme est ouverte à tous les
cyclistes. Aux cyclos de plus de 18 ans. La seule et unique
fois de l’année. Ce rendez-vous s’impose petit à petit
comme une classique cycliste incontournable du calendrier.
Aussi n’est-il pas exceptionnel de voir pointer des
ribambelles de cyclistes ce jour-là sur les pentes de
l’ancien volcan !
Après une soirée conviviale en compagnie de quelques amis
sous les lampions de Clermont-Ferrand, nous voilà de bonne
heure à pied d’œuvre dans les faubourgs de la cité
épiscopale. Plus précisément à Royat au pied de
l’épouvantail qui impose le respect et force l’humilité.
Parc des Volcans
Dès les dernières bâtisses de Royat, la pente s’accentue et
se stabilise autour des 7 % en décrivant de beaux lacets
dans un cadre verdoyant. Cet itinéraire présente
l’avantage d’éviter la circulation particulièrement dense de
la nationale.
A la hauteur de La Font de l’Arbre, nous côtoyons les
premiers cyclos qui ont pris la voie directe pour gravir les
pentes du géant. Julien et Renaud, les deux jeunes en herbe
de l’équipe, se catapultent en tête. Ils roulent au train
et se voient dans l’obligation d’attendre la vieille garde
au pied de la route à péage. Comme ce sont des mineurs
d’âge, il est impératif de recourir à la tangente via le col
de Ceyssat. La route, de plus en plus raide, serpente dans
une végétation où les verts et le jaune se marient en une
parfaite harmonie. Sous un soleil qui se manifeste sans
retenue, les jeunes poursuivent l’ascension à tout berzingue
abandonnant les aînés à leur crapahutage.
Comme
de bien entendu, je me présente bon dernier au col où
mes compères ont déjà repéré le sentier qui assure la
liaison entre le col et la route à péage. A maintes
reprises, des énormes rochers obstruent le passage.
Ca ne pose pas problème. D’autant moins qu’il faut
rendre les honneurs du pied sur cette piste où les silex
tiennent le haut du pavé. Le poussage m’en fait baver
plus que la grimpette à vélo. En effet ! Très vite, ça
me tire dans les mollets au point où je préfère me
remettre en selle quoique la roue arrière patine sans
arrêt. Epreuve de courte durée car le sentier débouche
rapidement sur la voie officielle. Les éclaireurs du
peloton, naviguant souvent au bord du paroxysme de
l’effort, ne prêtent absolument pas attention à notre
apparition inopinée. Il reste un peu moins de trois
bornes pour le sommet. Dominique donne les ultimes
consignes à ses fistons qui s’empressent d’écraser les
pédales afin de se payer le scalp des chaloupeurs.
Dominique monte à sa main ; je mouline à une poignée de
mètres. Un couraillon, vêtu d’un habit de lumière (plus
fluo que ça, ça n’existe pas) se hisse à ma hauteur. Il
me dépose aussitôt. Les sublimes paysages du parc des
volcans défilent sous mes yeux sur des dizaines de
lieues à la ronde. J’en prends plein les mirettes.
Soudain, au détour d’une courbe, j’aperçois le gros bras
qui défie les lois de l’équilibre, toujours en selle, la
main plaquée contre la paroi rocheuse. Dès qu’il voit
poindre ma casquette, il relance rageusement les
mécaniques. Va-t-il rendre les honneurs du pied au
géant ? Jamais devant un touriste de mon acabit,
doit-il se dire ! Pourtant ! Une fois de plus, il est
obligé de s’appuyer à un parapet pour reprendre son
souffle. Pour lui éviter une éventuelle explosion, je
me résous à mettre un braquet d’asthmatique et le martyr
disparaît de mon horizon. Heu-reux qu’il est ! Et moi,
et moi, et moi !
Quelques
instants plus tard…
Après
les Jacquemin, c’est à mon tour de découvrir le vaste
cratère du Puy de Dôme qui est aménagé pour accueillir
une caravane de Tour de France. Une médaille pour les
fistons. Une ascension hors catégorie et une série BIG
(Brevet International du Grimpeur) complète pour le
crabe. Quelques clichés pour immortaliser les lieux et
une courte balade à pied dans les herbages de cette
montagne qui est un haut lieu légendaire. Ce mont
majestueux qui, depuis des siècles, inspire un effroi
superstitieux aux hommes. Les Gaulois venaient y prier
leur dieu Lug. Les Romains y bâtirent un temple à la
gloire de Mercure ; les chrétiens y élevèrent une
chapelle dédiée à St Barnabé. Quant aux cyclistes, ils
le vénèrent autant que le Ventoux. Nous écourtons ce
moment de quiétude bien que nous soyons en avance sur
notre timing. Comme il nous reste encore pas mal de
pain sur la planche, c’est à tombeau ouvert que nous
dévalons la pente. La vigilance est de mise car un
régiment débandé de cyclos crapahute encore sur les
flancs de l’ancien volcan. Il occupe toute la largeur
de la route. Chaloupant dans tous les sens. Frisant à
chaque instant la collision de face.
Ouf !
Voilà les premières maisons de Royat et sans nous
attarder, nous mettons le cap sur Jaligny s/ Besbre où
au Puy St Ambroise, une autre ascension nous attend.
Printemps 1996
bruffaertsjo@skynet.be
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