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« Connais-toi, toi-même ». Qui ne connaît pas cette célèbre
maxime que nos mentors se plaisent à nous bassiner dès notre
enfance !
Faut croire que j’ai la tête dure puisque au bout d’un quart
de siècle, je ne suis toujours pas fichu de me situer parmi
la gent cyclo. Un rapide tour d’horizon aura tôt fait de
fixer le lecteur.
Il est notoire auprès de la dite gent que le P.B.P.
constitue le point d’orgue d’une carrière de randonneur. Je
n’y ai jamais participé. Oh ! Il m’est bien arrivé de
parcourir 450 bornes en 24h. mais, ça n’est pas mon truc.
Exit donc mon bâton de maréchal de randonneur. Les «
diagonales » ne sont pas mal en soi non plus. Mais comme les
diagonales, les
« flèches » qu’elles soient en France ou en Belgique,
elles ne me tentent guère. Exit. Les longues nationales du «
chemin de Compostelle » vont à l’encontre de l’idée que je
me fais du cyclotourisme. Exit. Ni le « Tour de France », ni
les « Relais de France » ne m’ont jamais flashé. Trop de
platitude à mon gré entre les massifs montagneux. Exit. Le «
Raid Pyrénéen », programmé en son temps, capota quelques
heures avant le départ. Contre toute attente, mon coéquipier
fit faux bond. Le raid fut remis aux calendes grecques.
Exit. Les « Randonnées Alpines » ont toujours fait baver
l’Ange que je ne serai jamais. Ayant pourtant déjà emprunté
les tronçons les plus critiques, aucune réalisation de
Georges Rossini n’est reprise dans mes annales coliteuses.
Exit. Bref, excepté les classiques belges, aucune des
randonnées citées plus haut ne figurent à mon tableau de
chasse. Probité oblige, il me faut renoncer sur ma carte de
visite aux grandes pompes du « Randonneur Complet ».
Suis-je alors un cyclo occasionnel ? Un promeneur qui cycle
aux rares heures où Phébus pointe le bout de son nez ! Pas
du tout. Le virus est trop profondément ancré et les
moyennes démontrent la non-vraisemblance de cette hypothèse.
En effet ! Annuellement, mon compteur enregistre un
kilométrage au-delà des 5200 km. Soit une moyenne
hebdomadaire supérieure à 100 km. Pour une dénivelée moyenne
frôlant les 900m. En résumé, en extrapolant les statistiques
des 5 dernières années, cela revient à dire que je me tape
toutes les semaines de l’année un brevet à dénivellation !!!
Et pourtant, je ne me sens pas plus dans la peau d’un
cyclo-montagnard que dans celle d’un cyclo-sportif. Pour
preuve. Les raidillons, les côtes et les cols se
franchissent au rythme d’un asthmatique qui ne risque pas
d’exploser. Quant à tourner toute une randonnée contre le
chrono, oublions ce petit jeu ! Je n’en ai plus les moyens.
Il est possible que l’un ou l’autre compagnon de fortune me
fourre dans la légion des contemplatifs. Hélas, il fait
fausse route car ma prose ne fait pas toujours la chanson.
Mon débit n’est pas constamment le reflet de ma « petite »
personne et il m’arrive d’avoir de beaux restes, de me
métamorphoser en couraillon éphémère. L’espace d’un coup de
gueule ou bien à l’occasion quand une horde sauvage me
dépasse et décoiffe le rare poil de mon cuir chevelu.
Serais-je un hypocondriaque qui se soigne par le vélo ? Un
malade imaginaire en mal de sa cure d’oxygène hebdomadaire?
Non, ça non plus ne tient pas la route puisque mon péché
mignon consiste à accrocher des fontes à mon biclou pour
m’échapper une ou deux semaines à l’étranger. En solitaire
ou en duo mais toujours en totale autonomie.
Mais bon sang, c’est bien sûr ! « Cyclo-voyageur », voilà
l’étiquette qui me colle le mieux à la peau. Hé ! Hé ! Il y
a un hic ! En voyage, je ne raisonne qu’en terme de montagne
et la chasse aux cols et aux monts prime sur toutes les
autres priorités. Le contemplatif et le touristique s’efface
devant la performance musclée. Comme l'itinéraire et les
objectifs sont toujours scrupuleusement respectés – sauf
rare accident – mes coéquipiers savent que mes escapades
sont loin d’être des cures de repos ! Là à nouveau, je me
trouve en porte-à-faux avec des principes élémentaires du
cyclotourisme quoique…concocter un itinéraire, le réaliser
et ensuite le traduire, en tout ou en partie, sur papier
m’est une source intarissable de plaisirs. A y réfléchir à
deux fois, l’étiquette ça ne veut rien dire. L’important
n’est pas l’apparence mais ce que l’on ressent. Or, à vélo,
je prends toujours mon pied quelles que soient les
fantaisies qui me passent par la tête.
Somme tout, l’éclectisme n’est-il pas une des valeurs les
plus sûres pour assurer la pérennité du cyclotourisme ?
Qu’en pense le cyclo de la base ?
Hiver 1999
bruffaertsjo@skynet.be

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