José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 


Le MONT du CHAT



(version épurée en fin de texte)



Un matin d'été, dès que les chats furent chaussés ou dès potron-minet, j'ai démarré de la place communale de Yenne comme un chat maigre me portant à l'assaut du col du Chat qui ne m'a pas impressionné puisque il n'a rien de quoi fouetter un chat. Il pleuvait comme vache qui pisse. Un camion, en me dépassant dans la montée, me cracha ses noires fumées en pleine poire. A la suite de ce bain de suie, je me présentai propre comme une écuelle de chat devant la chapelle du col. Rassurez-vous, mon état crasseux ne me jeta pas un chat dans les guibolles puisque ce détail fut aussitôt soufflé dans l'oreille d'un chat. Il n'y avait pas un chat à la ronde. Impossibilité de faire l'achat d'un chat dans un sac. Embarrassant, même quand la faim vous tenaille. L'espace d'un éclair, j'affichai la tronche d'un chat fâché parce que mes "cha-cha" avaient disparu du fond de mon sac de guidon. Un régal visuel me fit oublier les petits tracas de Maître Gaster. En effet, le chatoiement des eaux du lac du Bourget me transporta au royaume paisible de la contemplation.
Au lieu-dit "Le Caton", mon épigastre éveilla une fois de plus le chat qui dormait. Je fus contraint d'avaler un en-cas au pied de "La Dent du Chat" qui me narguait du haut de son perchoir. Un vent glacial se mit à remonter la montagne. Je fus forcé de gravir le Mont du Chat avec un chat dans la gorge tout en ayant un œil à la poêle et l'autre à mon chat. Un couinement agaçant se fit entendre à chaque pédalée. A la sortie du hameau, Natacha, une muchacha qui avait du chien, enfuie des rives lointaines du Tchad, exécuta un entrechat à mon intention. Ou bien était-ce une figure de cha-cha-cha ? Bof ! Passons sur ce prêchi-prêcha. Elle portait les stigmates d'un chaton. Il ne faisait pas l'ombre d'un pli qu'elle avait joué avec le chat. Son attitude me fit entendre "chat sans qu'on dise minon" qu'elle laisserait son chat aller sans façon au fromage. Or, je n'avais nullement envie d'aller pêcher les chats car comme chat échaudé craint l'eau froide, je m'empressai de retomber sur mes panards comme un chat en lui tirant ma révérence. Sans être chatte manière, j'avoue mon désintérêt pour les dames qui monnayent leur petit chat. De toute manière, je n'avais pas que de quoi payer en chats et en rats. Je vous vois venir : "La nuit, tous les chats sont gris" me rétorquerez-vous. D'accord ma "cha" ne veut pas dire charrette et je vous propose de courir dessus comme un chat sur la braise. Finalement, ce n'est qu'après une débauche d'efforts que je pus inscrire un nouveau mont de France au relais ORTF du Mont du Chat (1490m). Sans perdre de temps, j'emportai mon chat dans la vallée. Entre chat, chien et loup. Par un temps de chien.

Si après toutes mes chatouilles bébêtes, vous n'êtes pas malade comme un chien ou bien vous avez loupé le trépas du chat, je vous donne ma langue au chat. Il est une vérité qu'il vous sera difficile de réfuter. Au moins, vous ne pourrez pas taxer mon coup de plume d'écriture de chat puisque au préalable il aura été traité par les soins de l'ordinateur. Toutefois, comme je ne désire pas prendre congé de vous comme chien et chat, je vous livre ci-dessous le mode d'emploi à ma bouillie pour chats.

 


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"Un matin très tôt, j'ai démarré de la place communale de Yenne sur les chapeaux de roues vers le col du Chat qui m'a laissé indifférent puisque ce n'était qu'une difficulté mineure. Il pleuvait à torrent. Un camion, en me dépassant dans la montée, me cracha ses noires fumées en pleine figure. Du coup, je suis arrivé tout sale au sommet. Rassurez-vous, cela ne m'a fait ni chaud ni froid puisque je n'y prêtai aucune attention. Pas une âme à l'horizon. Impossibilité d'acheter de la becquetance dans un sachet surprise. Embarrassant, quand la faim vous tenaille. J'ai râlé un instant car mes biscuits avaient disparu de mon sac de guidon. Un régal visuel me fit oublier les ennuis d'estomac. En effet, les jeux de lumière dans les eaux du lac du Bourget me transporta au septième ciel. Au lieu-dit "Le Caton", mon estomac se mit une fois de plus à gronder. Je fus contraint à manger au pied de "La Dent du Chat" qui me narguait du haut de la montagne. Un vent glacial se mit à remonter la montagne. C'est enroué que je fus forcé de gravir le Mont du Chat tout en surveillant deux choses à la fois. Un bruit énervant se faisait entendre à chaque coup de pédale. A la sortie du hameau, Natacha, une jolie femme, venant du Tchad, exécuta un pas de danse pour moi. A moins que ce ne fût une danse sud-américaine ? Bof ! Passons sur ce rabâchage burlesque. Elle portait les griffades d'un chaton. Donc, elle était couverte d'égratignures. Son attitude me fit sous-entendre qu'elle ne défendrait pas sa vertu. Or, je n'avais absolument pas envie de me laisser convaincre. En effet, je suis vacciné. Je m'empressai donc de me tirer d'affaire en poursuivant mon chemin. Sans être hypocrite, j'avoue que je n'apprécie pas les dames qui vendent leurs charmes. De toute façon, je n'avais pas de sous en poche. Je vous vois venir : "Tout le monde dit ça mais…" me répondrez-vous. D'accord mais ça ne veut pas dire pour autant que vous ayez raison et je vous propose de glisser sur le sujet.
Finalement, ce n'est qu'après beaucoup d'efforts que je parvins au Mont du Chat, un des nombreux monts de France. Sans perdre de temps, je quittai les lieux sans adresser un mot à qui que ce soit. Le crépuscule tombait et la pluie n'en finissait pas de tomber.
Si après tout ce ramassis de bêtises, vous n'avez pas une indigestion ou la vue qui se trouble, moi je n'y comprends plus rien…"
 


Printemps 1996


Autres fantaisies

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