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« Il est des lieux où souffle l’esprit » note Maurice Barrès
dans « La Colline Inspirée ». Il ne m’en faut pas plus pour
que je me mette à gamberger. Rien que le titre de l’ouvrage
pique mon besoin de savoir.
Je commence par jeter un œil distrait sur le livre qui
n’accroche pas trop mon attention. Je le feuillette
néanmoins et finis par me plonger dans la lecture. Peu à
peu, le récit des Frères Baillard me passionne. Le 19me
siècle et « La Belle Epoque » sont des sujets qui ont
toujours piqué ma curiosité. Me voilà donc bientôt suspendu
au fil de leur histoire. Mais c’est le tableau de la
colline, brossé par M. Barrès, qui me pousse à en savoir
davantage sur ce site situé à quelques lieues au sud de
Nancy. Le portrait qu’il peint de cette montagne en forme de
croissant invite le cyclotouriste à y faire un tour. Un tout
petit tour puisque la demi-lune d’une extrémité à l’autre ne
s’étend que sur quatre petites bornes. Espace réduit à un
confetti qui donne toutefois libre cours à mes vagabondages
dans les limbes de mon imagination.
A ce stade des élucubrations, il ne me reste plus qu’à
prendre mon bâton de pèlerin et arpenter les lieux. Sans çà,
le sujet, c’est à dire le plumitif, devient quelque peu
timbré et fait une fixation vaine et stérile à longueur
d’année.
Je connais maintenant la rude allégresse de gravir la côte
de Praye jusqu’à la Croix de Sion en exposant le cuir de mon
crâne à la douceur du soleil. Un raidillon à 15% franchi en
l’espace de quelques minutes donne accès à un panorama
sublime. Le regard, qui porte jusqu’aux ballons des Vosges,
découvre les superbes plissements de la plaine lorraine. Au
sommet, sur le plateau, tout est facile. L’agréable
promenade prend son origine à l’une des cornes du croissant
qui est un haut lieu de pèlerinage lorrain où gravite, comme
d’habitude, une cour des miracles. Curés, clarisses, oblats,
aubergistes, vendeurs de bondieuseries, agent au tourisme,
fermiers, etc. et même un loueur de VTT vivent apparemment
en symbiose autour du sanctuaire. De prime abord, il doit
faire bon vivre là. Un chemin de ronde, qui contourne les
bâtiments ecclésiastiques, installe le promeneur dans un
profond silence entrecoupé, çà et là, par un cantique
psalmodié par des clarisses. Les lieux dégagent un aspect de
sérénité, de paix et de quiétude. Petit à petit, le visiteur
accède à un état de recueillement. Son âme sort de sa
léthargie. Me voilà aussi imprégné d’un peu de cette
spiritualité qui me pénètre inconsciemment. Il fait bon
vivre !
La vue embrasse un immense horizon. « L’horizon qui cerne
cette plaine, c’est celui qui cerne toute une vie ; il donne
une place d’honneur à notre soif d’infini, en même temps
qu’il nous rappelle nos limites ». Cette citation est gravée
en guise d’épitaphe sur la « Lanterne de Vaudémont », une
colonne funéraire dédiée à la mémoire de M. Barrès. Cette
inscription interpelle le passant et l’invite à la
réflexion. Tel un obélisque, cette stèle, plantée sur un
mamelon herbu, monte au ciel à mi-chemin entre le sanctuaire
de Notre-Dame de Sion et le village de Vaudémont qui défend
l’autre extrémité du promontoire. Une fois de plus, le
paysage envoûte le visiteur et le retient sur cette butte
par je ne sais quel charme. Pour ma part, je me sentais
léger, aérien et grisé par l’air pur. Je serais bien resté
une éternité sur ce coteau. Ce que je ne m’explique pas,
c’est que par le passé, j’ai eu l’occasion de gravir des
côtes, des cols et des monts par centaines, voire par
milliers. Mais, jusque là, je n’avais jamais éprouvé au
sommet cette envie de flânerie éternelle comme c’était le
cas sur cet éperon. Hélas, les contraintes du XXIme siècle
me rappelait à l’ordre. Une brève incursion dans la vallée
opposée me conduisit dans le village de Saxon que l’on
retrouve au cœur de l’histoire de « La Colline Inspirée ».
Une dizaine de maisons bordent la rue des Frères Baillard
qui grimpe au sanctuaire de Notre-Dame de Sion. Elle aussi
affiche une côte à trois chevrons. Et voilà qu’au sommet, je
retombe sous le charme de ce site exceptionnel. Un nouveau
tour du chemin de ronde et un intermède consacré à une brève
tentative de recherche d’une « étoile de Sion » au lieu-dit
« La Croix Sainte Marguerite » sont mes derniers moments de
plénitude sur cette montagnette.
Les heures défilent et il est temps de retrouver la voiture
dans la plaine.
M. Barrès ne m’a pas déçu. Que vous soyez à pied, à vélo ou
en auto, ne loupez pas de faire un détour au Signal de
Vaudémont dans le pays saintois au cœur de la Lorraine. Même
si la campagne repose sous un linceul de brume, un timide
rayon de soleil transporte déjà le visiteur au septième
ciel.
Septembre 2000
bruffaertsjo@skynet.be
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