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A chacun sa croix !
Croix de Montmain, Croix de
Thel, Croix-Rosier, Croix des Fourches, Croix de Chaubouret,
Croix Régis, Croix de Berthel, Croix-Fry, Croix de Fer,
Croix des Moinats, La Croix, Croix Paquet, Kreuzweg, Croix
Jubaru, Burdincurutcheta, Croce Domini, Crocen di Salven,
etc.
Dans le Massif Central, les Alpes, les Vosges, les Pyrénées,
en Italie, en Belgique et ailleurs, tôt ou tard, où qu'il
aille le "Cent Col" sera amené à franchir un col portant le
nom d'une croix.
Quant au cyclotouriste ayant un penchant pour les plaines,
son paysage sera tout autant jalonné de témoignages évoquant
le symbole de la chrétienté.
Souvent sous d'autres aspects. Parfois sous des formes
originales qui sont de véritables appels au voyage. En
Vendée, il découvrira la Croix-de-Vie. Il appréciera et
sentira la beauté de la Sainte-Croix-Vallée-Française au
cœur des Cévennes. A deux pas de St Tropez et de son golfe
légendaire, la Croix Valmer se blottit au pied des
somptueuses collines du Massif des Maures. Et encore. La
Croix-de-Noailles dans les Yvelines. La Croix-Blanche dans
le Châlonnais. La Croix Bayard dans l'Isère. Etc.
Au fait ! Que sait-on des croix ? Pourquoi sont-elles la
plupart du temps érigées à une bifurcation ou à la croisée
des chemins ?
Dans le haut Moyen Age, les croix étaient des signes de
délimitation de franchise. Elles pouvaient être des signes
de pardon et de réconciliation entre les proches de la
victime d'un meurtre ou d'un homicide et l'auteur du méfait.
On les appelait les croix de pénitence ou expiatoires.
Citons un exemple historique : "Afin de s'accaparer le
pouvoir, Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, fit mettre à
mort, en 1407, son neveu corégent Louis d'Orléans. Il fut
lui-même assassiné en 1419 sur le pont de Montereau par les
partisans de la victime. En signe de désaveu de ce meurtre,
le roi Charles VII fit élever sur le pont de Montereau une
croix expiatoire. Par cet acte, le roi voulut inciter à des
prières pour le repos de l'âme du défunt mais aussi rappeler
par un signe tangible la faute commise et sa nécessaire
réparation". On constate que les croix expiatoires sont
apparues à des temps où les intérêts, les passions et les
intrigues s'affrontèrent avec violence et où l'on ne faisait
que peu de cas de la vie humaine. En outre, la coutume
voulait que les croix de pénitence soient placées à des
endroits particulièrement éprouvés par des épidémies de
peste ou de choléra. Ces croix s'appelaient des croix de
peste. Les croix hosannières se dressaient sur des calvaires
où les pèlerins se rendaient en chantant l'hosanna. Quant
aux croix votives pleines, le peuple les célébrait en
l'honneur d'un patron.

Mentionnons encore les croix
de supplice auxquels on attachait autrefois les condamnés à
mort, ainsi que les croix de justice quand le tribunal
siégeait en plein air, qui étaient souvent placées sur une
élévation.
Mais la plupart du temps, la signification des croix varient
selon les pays et les régions. Ainsi, en pays montagneux,
les croix indiquent très souvent le chemin. Elles étaient
érigées pour servir de repère en temps de neige ou de brume.
Elles faisaient également fonction de borne frontière.
En bordure de mer ou en plaine, les croix prennent parfois
des formes stylisées.
Deux exemples. En Bretagne, les croix font souvent place à
des calvaires qui sont la représentation d'une légende d'un
saint. Mais ce n'est pas une règle générale. Ainsi le
calvaire de Plougastel a été édifié en 1602 en mémoire d'une
épidémie de peste. Souvent, il s'agit d'autels celtes qui
ont été retaillés au début de la christianisation par des
prosélytes acharnés venus de Grande-Bretagne.
En Wallonie (Belgique), la campagne est parsemée de potales.
Ces minuscules constructions, surmontées d'une croix et qui
abritent une niche, se camouflent en générale derrière les
haies ou à l'ombre d'arbres séculaires. Il n'est pas rare de
les rencontrer à la croisée des chemins. Les origines sont
diverses mais la plupart du temps, elles sont liées à un
caractère religieux (imploration d'une guérison,
remerciement, lieu de pèlerinage, etc.)
Ce rapide tour d'horizon à propos des croix latines n'est
pas exhaustif. En effet ! Il en est encore au moins une que
j'ai omis d'énumérer. Il s'agit de la croix funéraire ou la
croix de la passion.
Or, si ma bonne étoile m'eût abandonné, en été 95, dans le
Massif de l'Assietta, il y a gros à parier qu'une telle
croix aurait été plantée parmi les éboulis au fond du ravin
de la Cima Ciantiplagna. A ma mémoire in saecula saeculorum
et pour épitaphe "Ad Honores".
Et vous, vous auriez été privés du divertissement d'un
croisé de la petite reine !
Aussi, croisez vos doigts et le mauvais œil vous sera
épargné !
Été 1996
bruffaertsjo@skynet.be

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