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CLICHES DE BRETAGNE
Eté 96.
Destination : le plateau d'Armorique.
Après la périlleuse pelle de l'année précédente, la Bretagne
se prêtait comme cadre idéal pour jauger mes aptitudes
physiques sur un relief modérément accidenté.
Le premier coup de cœur, je le réserve sans hésiter au Mont
Dol. C'est une taupinière de 65m de haut, située à proximité
de Dol-de-Bretagne. Le Mont Dol plane largement au
hit-parade de mes souvenirs bretons en dépit de la courte
montée accusant quand même un dénivelé de 16%. Comportant
une épingle à cheveux, il est à gravir en toute humilité. De
préférence sans sacs ni bagages. Le raidillon est à classer
parmi les côtes à piétons.
Fin de semaine sous un soleil
éclatant. Vaste aire de délassement, le sommet est un
endroit parfait pour y exercer une multitude d’activités en
toute décontraction. Ce message a été reçu 5 sur 5 par les
Bretons car toute l'humanité y est représentée. Des
boulistes se chamaillent gentiment ; un artiste peintre
saisit la lumière et reproduit la vierge de la tour plus
vraie que nature ; des flâneurs se prélassent dans l’herbe
tendre. Il en est même qui piquent un roupillon à l’ombre
d’un arbre séculaire. Un peu plus loin, des vacanciers
visitent le vieux moulin. D'autres préfèrent faire le plein
d'images panoramiques. Des prosélytes de la foi défilent
dans la petite chapelle. Dominique, qui n'en a rien à cirer
des bondieuseries, fait l'impasse sur cette visite. Comme
d'habitude, son faible pour l'odeur de la cigarette prend le
dessus de celui de l'encens. Pour ma part, une courte visite
au lieu consacré ne peut pas me faire du tort. Autre
particularité du Mont Dol. De là, même sous la brume, on
devine le Mont St Michel qui se profile à l'horizon pour
autant qu'on ne soit pas atteint de myopie. En un mot, ce
monticule dégage une atmosphère de quiétude et une douceur
de vivre équivalentes à " La Colline Inspirée" du pays
saintois en Lorraine.
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Mont Dol : le vieux moulin |
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Dans la foulée, à quelques
kilomètres de là, la ville de Dinan emporte la palme dans un
tout autre registre. Cette ravissante cité médiévale est un
joyau animé, digne d'être classé comme patrimoine de
l'UNESCO. Le passé vous surprend à tous les coins de rue. La
rue de l'Horloge, la place des Merciers, le couvent des
Cordeliers, les maisons à encorbellement et les boutiques à
pans en bois sculpté sont quelques merveilles de
l'architecture qui enthousiasment le touriste le plus
réfractaire. Ceinturée de remparts, elle est bâtie sur une
colline dominant la rivière de la Rance où mouillent de
nombreux bateaux dans le petit port de plaisance, au pied du
viaduc. Endroit pittoresque où nous avons cassé une petite
croûte. Mon coup de cœur va néanmoins à la porte de Jerzual
et à sa rue pavée pentue qui regorge d'échoppes d'artisans
qui remettent certains métiers d'antan à l'honneur tels que
les tisserands, les ébénistes, etc. Cette ruelle, qui
descend du centre-ville vers le port, fait la fête aux
fleurs. La maison de l’ancien gouverneur est celle qui
attire le plus de regards. C'est avec une certaine pointe au
cœur qu'il nous a fallu prendre le large pour notre gîte
d'étape à Trévron. Par la voie terrestre "of course".
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Dinan : un joyau médiéval |
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Les objectifs suivants
sont l'ancienne place forte de Moncontour et le cap
Fréhel, situés de part et d'autre de Lamballe. Le cap
Fréhel domine de 70 mètres les vagues qui battent ses
falaises mais comme la brume était au rendez-vous, nous
avons pris nos cliques et nos claques pour les Sables
d'Or-les-Pins où une volée de cuistax rappela notre
chère "Costa Belga" à notre bon souvenir. Quant à
Moncontour, c'est une grimpette qui joint une tranche
d’histoire à l’agréable. En effet ! Dès la porte de la
ville basse, l’ascension se faufile par les pittoresques
ruelles de la petite cité. Cité de caractère qui l'a
prouvé au cours des siècles puisque la plate-forme
fortifiée au sommet a probablement été démantelée sur
ordre de Richelieu. Cette grimpette, même si elle n’est
pas à classer parmi les épouvantails comme les murs de
Huy, de Grammont ou de Bretagne, en n’est pas moins une
ascension remarquable.
Au suivant ! Pourquoi pas justement le Mur-de-Bretagne
qui est le type même de raidillon apprécié par les
cyclo-côteurs et autres chasseurs de cols ! Moins pentu
que le mur de Wanne (versant Stavelot) avec lequel il
présente une certaine analogie, sa réputation il la doit
simplement parce qu'il se trouve sur l'itinéraire de
P-B-P. L'étymologie du "Mur" provient du breton "meur"
qui signifie haut. Donc, le raidillon n'est pas à
sous-estimer. Toutefois l'intérêt de Mur-en-Bretagne
réside du fait qu'il juxtapose la magnifique Forêt de
Quénécan que nous avons quadrillé et qui nous a procuré
la satisfaction de pédaler dans un bain de verdure, loin
du tumulte et de tout stress.
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Montagne Saint-Michel (380m) : ce mamelon de grès est le meilleur observatoire sur les monts d'Arrée. |
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Tuchenn Gador : la route serpente vers le Roc Trévezel |
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Quand on évoque
Paris-Brest-Paris, c'est le célèbre Roc Trévezel qui-
vient aussitôt à l'idée. Ultime obstacle avant le
littoral, prétend-on ! Pour ma part, le point culminant
des hautes terres des Monts d’Arrée bénéficie d’une
réputation surfaite. Il est encore heureux que la
Montagne St Michel, proche voisine du noir rocher,
apporte le complément de sensation que les
cyclo-grimpeurs sont en droit d’espérer. A savoir, une
montée au ciel et un sommet qui se mérite. Quant au Roc
Trévezel, qui est un mont qui se franchit à plus de
25km/h, il est à considérer comme un bon moment de
détente. A ce propos, le col de Trédudon, logé sur la
même crête, n’oppose guère plus de résistance…pour
autant qu'Eole soit inscrit aux abonnés absents. Le
second col breton, le Toullaëron, qui marque dans les
Montagnes Noires la frontière entre le Finistère et le
Morbihan, est de facture identique au premier. Cette
constatation m’amène à affirmer que les cols ardennais
n’ont rien à envier à ceux du Finistère. Comme nous
étions au Trédudon, il eût été un crime de lèse petite
reine de faire l'impasse sur les enclos paroissiaux de
Guimiliau et de St Thégonnec qui sont situés à une
encablure en contrebas du col. Ces ensembles monumentaux
sont de véritables chefs-d’œuvre. L’enclos paroissial,
évocateur de l’âme bretonne, regroupe une porte
triomphale, un ossuaire, une église et un calvaire. St
Thégonnec est l’un des triomphes incontestés des
sculpteurs bretons de l’époque « Renaissance ». Le
calvaire relate, en général, sous forme d’une ribambelle
de statuettes de pierre la vie d’un saint ou un épisode
de la passion. La plupart de ces ouvrages fut érigée
pour conjurer la peste. Mais très souvent, il s'agit
d'autels celtes qui ont été retaillés au début de la
christianisation par des prosélytes acharnés venus de
Grande-Bretagne.
Saint-Thégonnec :
un des plus beaux enclos paroissiaux de la Bretagne
La toponymie régionale ne fut
pas sans intriguer l’esprit curieux qui anima notre petite
équipe. Aussi, le besoin d'en savoir davantage nous
amena-t-il à dialoguer avec des autochtones de tous bords :
, une gentlewoman-fermière désenchantée, un maire heureux,
des enfants placés par le juge en vacances contrôlées, des
éducateurs en vacances pour les contrôler, des
soixante-huitards toujours plantés dans leur révolution, un
marin égaré en montagne, etc.
La Bretagne est balisée d’une kyrielle de « lieux-dits » où
les particules « Ker » (=village) et les « Loc » (= lieu
consacré) se bousculent alors que les « Coat (= bois)
étouffent les « Menez » (= montagne). Allé-vélo-luia !
Enfin, nous y voilà !
Calvaire de Guimiliau :
cet enclos paroissial est le symbole du mysticisme breton
Le « Menez-Bré », un grand
Mont de France, constituait précisément un des buts de notre
escapade. S’élevant à mi-chemin entre Guingamp et
Belle-Isle-en-Terre, ce tertre de 302m d’altitude, impose la
marche à pied à tout cyclo qui ose pécher par orgueil. Il
faut comprendre par-là qu’un tout petit développement est
absolument indispensable pour en venir à bout. Surtout quand
le dit « menez » rebrousse l’échine à du 18%. Au pied de la
dernière rampe, le quidam qui a son compte peut toutefois
quémander le réconfort en écoutant la bonne parole dans un
sanctuaire qui fait office de buvette. Ce ne fut pas notre
cas et le « Menez-Bré » nous récompensa de nos efforts en
nous offrant un vaste panorama sur les bocages du « Pays
Côtier ».
Au bout de la péninsule, le « Menez Hom » est un belvédère
qui à l'heure actuelle fait encore et toujours l'objet d'une
légende. "Lorsque le roi Marc'h mourut en pleine orgie, Dieu
voulut le damner. Mais la Vierge plaida si bien sa cause que
le Seigneur se laissa fléchir. Le roi n'irait point en
enfers si, du haut de sa tombe située sur le versant ouest
du Menez-Hom, on pouvait apercevoir la chapelle de
Sainte-Marie. Des années plus tard, une mendiante rencontra
près de la tombe, une belle dame portant dans les plis de sa
robe un objet fort lourd. C'était la Vierge qui allait
déposer un caillou sur la tombe du roi. Elle demanda à la
mendiante d'en faire autant. Tous ceux qui passaient par-là
devaient faire de même. Depuis lors, le tas de pierres n'a
cessé de monter. Il n'est pas encore assez haut et bien des
siècles s'écouleront avant que l'on aperçoive le clocher de
Sainte-Marie du Menez-Hom". Par contre, ce sommet veille sur
la presqu’île de Crozon et sur la baie de Douarnenez. En
prenant ce petit port de pêche comme point de départ de
balade, quelques belles grimpettes vous rappèleront sans
cesse à vos devoirs cyclotouristes. D’autant plus si vous
faite comme nous le détour par Locronan et le « Menez-Kerque
».
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Cast : Rien de plus haut qu'une croix pour contempler le monde..... à l'heure de la sieste |
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Locronan est un petit
centre touristique qui accroche les curieux comme le
cirse lancéolé (chardon) attire le bourdon. De l’avis
général, ce village est considéré comme l'un des plus
beaux de France. Construit en pur style « Renaissance »,
l’industrie de la toile fit naguère la prospérité de
cette bourgade. Aujourd’hui encore, la grande majorité
des boutiques vendent des articles en toile et des
tissus blancs. Après la visite des vieilles pierres,
notre intérêt se scotcha sur la « Montagne » qui est
accolée à la cité. Un raidillon de nature à vous mettre
en appétit. Le relais routier de Cast répondait aux
exigences des maîtres Gaster. Un peu plus tard "on the
road again", pendant que Dominique s'en retournait
récupérer une gourde au relais, je m'empressai de piquer
un mini roupillon au pied d'un calvaire.
Quant au « Menez-Kerque », vous ne trouverez pas plus
insolite que ça pour la digestion. L’ascension se meurt
dans un camp militaire. « Interdiction d’entrer - Danger
de Mort ». Encore préoccupé par les arcanes de la
digestion, le panneau avait échappé à ma sagacité à
l'inverse de mon compagnon qui se planqua à distance
raisonnable de mon train arrière. Il susurra en lui-même
: « S’il faut qu'il y en ait un qui saute, autant que ce
soit lui. Il a de l’expérience en la matière ». Le
comble de l’affaire c’est que la boutade n’était pas
dénuée de bon sens.
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Menez-Kerque : vue panoramique |
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Menez-hom : vue panoramique |
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Il est temps de passer à
la pointure supérieure. Le « Menez Hom ». Ce mont
légendaire présente la plus forte dénivelée de la moitié
nord de la France. C'est un sommet prisé par les
touristes pour ses points de vue exceptionnels sur le
Parc d’Armorique. Une seconde légende y est née depuis
notre passage puisqu'il retiendra mon sprint
irrésistible à la « Abdoujaparov » obligeant Dominique à
se relever avant la banderole sommitale. Mon coup de
Jarnac à moi !
Tout compte fait, en comparant les trois « menez »,
c’est incontestablement le « Menez-Bré » qui m’a le plus
impressionné par la raideur de sa pente.
Mon ultime coup de chapeau ira à la presqu’île de
Crozon. Une langue de terre truffée de fortins, de
casemates et de fortifications qui avance dans l’océan.
De la Pointe de Penhir et de celle des Espagnols, on
découvre des échappées extraordinaires sur la rade de
Brest. C'est véritablement un bon moment de
cyclotourisme pour autant que la circulation automobile
ne soit pas trop dense.
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Forêt d'Huelgoat : "La Roche Tremblante" |
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Forêt d'Huelgoat : chaos de rochers |
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Je m’en voudrais de clore
ce périple sans évoquer :
-les blocs erratiques de la Forêt d’Huelgoat, sa « Roche
Tremblante » et son gouffre
-les accueils et les services des relais routiers de
Laniscat, de Louargat, de Plounéour-Menéz et de Cast
-les gîtes d’étape de Trévron, de Locmaria-Berien et
celui de Plomarc’h
Gîte d'étape de
Plomarc'h : maison typique de pêcheur (Douarnenez)
Eté
1996
bruffaertsjo@skynet.be
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