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Qui peut se vanter parmi nous, d’avoir écrit une page, une
phrase qui ne se trouve déjà, à peu près pareille, quelque
part ?
Ce mot d’auteur (Guy de Maupassant), qui
m’interpelle, m’invite à établir une corrélation entre la
littérature et le vélo.
C’est vrai que tout a été pratiquement dit sur le vélo.
Comme je l’ai déjà écrit auparavant, les multiples récits
sur le tour du monde à vélo, les chroniques des voyages
itinérants, les commentaires à propos de brevets et de
banalités n’intéressent que les fêlés moulés dans le même
plâtre. Il n’y a que l’originalité qui puisse créer
l’événement, accrocher l’attention et susciter la
participation.
Un exemple en littérature. « Mes Vélos... » d’Eddius
(P.Fabre) m’ont littéralement transporté au septième
ciel où la truculence du roi VELO fait du soleil sa
loi. J’arrête ma tirade passementée de fil blanc. Le terme
juste, le style désopilant, le verbe débridé, l’hyperbole
délirante et la prose bourrée de dérision et de fantaisie en
font un livre captivant. Les deux tomes suivants, quoique de
la même veine, n’ont plus le vernis de l’originalité. Quant
au dernier volume, je n’accompagne plus du tout l’épicurien
dans son « Chemin à trois voix ».
Aussi, j’ose avancer qu’un écrivain ne compose qu’un
chef-d’œuvre dans sa carrière. La suite n’est plus que
remplissage. Encore faut-il le faire ! Et c’est pas peu dire
!
L’épopée en vélo – je pense, ici, aux exploits des coureurs
du Tour de France- est un genre qui conquiert, passionne et
fait vibrer le lecteur. Hélas, il n’y a pas d’épopée en
cyclotourisme quoiqu’en pense A.Tignon quand il
affirme que les cyclos sont des héros qui s’ignorent.
Encore faut-il s’entendre sur la définition du héros ? Le
« Gaulois », qui laissa sa peau dans le Ventoux,
était-il un héros ? Le randonneur, qui se farcit la
traversée du Galibier sous la neige, est-il un héros ?
Suis-je un héros parce que je me suis relevé, seul,
démantibulé et cassé de partout, après ma chute vertigineuse
dans l’Assietta parcourant cahin-caha les 50 bornes pour
parvenir aux quartiers des urgences du premier hosto civil ?
Pour ma part, sincèrement, je n’en suis pas convaincu mais
je respecte les croyances et les convictions de tout un
chacun.
Mon stylo s’est une fois de plus emballé. Aïe ! Aïe !
Peut-être est-il déjà trop tard pour parler du parallèle que
je veux établir entre la littérature et le vélo ? Mon laïus
n’ayant pas eu la faculté de polariser toute l’attention du
lecteur. Stop ! Mais encore.
En un mot comme en cent, quoi qu’il en soit, ce qui est vrai
dans l’écriture, l’est tout autant pour le vélo.
A la veille du deuxième millénaire, que pense le cyclo de la
base des organisations qui lui sont proposées par les
instances officielles ?
En comparaison à la décennie précédente, il faut reconnaître
que les fédérations offrent, à l’heure actuelle, un
programme étendu d’activités. Cette palette n’a jamais été
aussi large. Flèches, diagonales, relais, espoir fédéral,
cyclotouriste complet, et caeteri et caetera, en veux-tu en
voilà se prolifèrent, se multiplient et embellissent la
panoplie ludique du cyclotouriste. Quelle aubaine ! En
effet, mais...
Mais... toujours selon le même schéma, la même formule
immuable qui a fait ses preuves. Les challenges se succèdent
et se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Tant et si bien
que moult cyclos font un petit tour et puis s’en vont.
Réaction légitime, puisque quand ils en ont fait un, la
boucle est bouclée. Or, comme en littérature, c’est ici que
les organisateurs doivent faire appel à leur génie inventif.
Je n’ai pas la prétention de connaître la clé de l’énigme
mais le sujet mérite d’être creusé. Au lieu de multiplier
les brevets à l’infini, il est peut-être préférable que les
réalisations existantes soient améliorées, peaufinées et
remaniées par une touche personnelle des organisateurs ( ex.
itinéraire commenté s’inspirant du folklore, de l’histoire
locale, d’un fait divers, etc. ; remise à l’ordre du jour
d’un brevet selon les règles du rallye ; ré-instauration des
brevets de régularité ; etc...).
En principe, le cyclo décroche le wagon quand il atteint le
point de saturation qui se profile d’autant plus vite que la
répétition est assommante.
Dans certaines confréries, quand le cyclo décroche l’étoile
de la route du bonheur, paradoxalement il récolte le fruit
amer du spleen parce qu’il est conscient que sa satisfaction
ne sera qu’un moment de joie éphémère par rapport à sa quête
laborieuse. En outre, si c’était un challenge de très très
longue haleine ( ex . Cols Durs, BPF, brevet à
dénivellation,…), le risque est grand que le lauréat se
retrouve quelque peu déboussolé dans ses habitudes et
fragilisé par la même occasion puisqu’il doit revoir ses
itinéraires hebdomadaires en fonction d’un nouvel objectif.
En a-t-il encore envie ? Sans tomber dans le travers de
rallonger sans fin le challenge dès qu’un futur lauréat se
profile à l’horizon, j’apprécierais personnellement de la
part des organisateurs qu’ils recourussent à une astuce pour
que les béatifiés puissent garder un suivi de l’épreuve au
sein de la confrérie ( ex. un bulletin de liaison, …).
Des confréries telles que le Club des Cents Cols ou les
Randonneurs Sans Frontières e.a ont parfaitement compris la
problématique et voient annuellement leur potentiel de
membres croître et embellir.
Il y a quelques années le V.T.T faisait figure d’innovation.
A l’époque, il fut décrié par une fraction de
cyclotouristes. Aujourd’hui, il est passé dans les mœurs et
ne fait plus l’objet de critique. Que du contraire ! Quoi
qu’en pense le puriste, il lui faut se rendre à l’évidence
que le V.T.T a agi comme adjuvant en insufflant un renouveau
dans le monde du vélo. Actuellement, l’onde de choc s’étant
calmée, le V.T.T nous laisse de beaux restes en héritage.
C’est un adepte « non convaincu » du vélo tout
terrain qui vous le confesse. L’avenir appartient aux
esprits ingénieux !
En implorant que Sully ne se retourne pas dans sa
tombe, je conclurai en disant que l’originalité
et l’innovation sont les deux gamelles
du cyclotourisme.
J'en termine par un clin d'œil à l'intention de nos voisins
du nord. Il n'y a pas de raison qu'ils échappent au blues du
cyclotouriste.
En 1892, le journal "Le Soir" écrivait : " La traduction
du mot vélocipède continue à tracasser les linguistes. "Il y
a douze ans, nous écrit l'un d'eux, au Congrès néerlandais,
un membre gantois avait proposé le mot
trapradsnelvoetlooper, beaucoup plus euphonique que le
mot trapsnelwielenderijtuig de votre correspondant.
En opposition du mot cité plus haut, un autre membre du
Congrès, professeur d'Utrecht, proposa, dans un but
d'abréviation, le mot rapsasa qui convenait on
ne peut mieux et s'accommodait à la façon d'expression
particulière à la langue, bien que sans étymologie, sauf
pour la syllabe rap (vite). Mais aucun des deux mots ne fut
agréé."
Avouez que nos amis l'ont échappé belle !
Automne 2000
bruffaertsjo@skynet.be

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