Déjà les Romains savaient qu'il faisait bon vivre en
Rhénanie et ils s'établirent dans ce doux paysage que la
Michelin a truffé de chevrons. Après eux, d'autres
peuplades s'y bousculèrent. Cela me semblait une raison
amplement suffisante pour y faire un saut ?
Bad Godesberg. Le "Mont des Dieux" ; station
balnéaire de Bonn, l'ancienne capitale de la République
Fédérale d'Allemagne. Sept monts et des chevrons à
profusion, voilà plus qu'il n'en fallait pour que j'y
étrenne ma petite reine.
En effet !
Sept n'est pas un chiffre quelconque. Nos Anciens le
savaient, le consacrèrent et en firent un chiffre
biblique : "Dieu créa le monde en 6 jours et se reposa
le septième ; les frères d'Éphèse, au nombre de sept,
dormirent dans un trou pendant les 155 ans de la
persécution des chrétiens ; Rome, chef-lieu de la
papauté, est adossée à 7 collines ; etc."
Ma boulimie coliteuse ne ressemble-t-elle pas
bizarrement à l’un des 7 péchés capitaux ? Maintenant,
il se peut que ce soit les signes cabalistiques de la
Michelin, en forme de pyramide – une des rares
merveilles du monde visible – qui aient été à l'origine
de ma curiosité. Quant au relief des Siebengebirge,
est-il réellement l'œuvre de sept géants qui creusèrent
un passage pour le Rhin entre le Drachenfels
(Rocher du diable) et le Rolandeck (coin de
Roland) ? Les monts n'étant que des mottes de terre
accrochées à leurs bêches ! Peut-être ! A cette légende,
je lui en préfère une autre qui circule dans les
vignobles septentrionaux de la vallée rhénane. Il n'est
pas sans me déplaire de m'identifier à Siegfried des
Nibelungen qui défit le dragon et qui se baigna ensuite
dans son sang. Si le héros de la chanson de geste
rechercha l'invincibilité, pour ma part, omettant de
consommer le "Drachenblut" (sang du dragon) – un
cru du terroir -, je perdis une bonne occase de déguster
un divin nectar. Autre raison de ma visite : le
Grosser Olberg. A chaque lecture de carte, mon
regard restait accroché à ce Mont des Oliviers qui dans
l'Antiquité était un symbole d'abondance.
Voilà donc des arguments en béton pour arpenter le parc
naturel le plus ancien d'Allemagne, véritable labyrinthe
de promenades avec notamment une partie particulièrement
romantique qui conduit à travers la "Nachtigallental
(Vallée des rossignols), maintes fois chantées par les
poètes.
Le moment est venu maintenant de passer les taupinières
au crible.
Le Grosser Olberg,
qui culmine à 461m, est certainement une des éminences
les plus fréquentées du massif. Il présente un dénivelé
de 400m au départ des bords du Rhin avec l'ultime km non
revêtu à plus de 13%. Au sommet, je n'y vis point de
septentrion. Normal en ce début d'hiver où le soleil
s'attacha à me réchauffer le cuir à plus de 30°
centigrades me transportant par même occasion au
septième ciel. J'y croisai des septuagénaires, qui la
peau du ventre bien tendue par les excès
pantagruéliques, ahanaient dans cette taupinière pour
siester à l'auberge sommitale.
Le Petersberg (336m), le voisin du précédent, se
prête mieux aux ébats des cyclos qui abhorrent les
chemins non revêtus. Au terme d'un final à 15%, on
pénètre dans la cour d'une abbaye, digne d'un repère de
l'agent 007. Vue plongeante sur le Rhin et de l'ex-
capitale de la République Fédérale d'Allemagne.
Le plus populaire et le plus fréquenté des monts est
sans contestation le Drachenfels (321m), le
rocher du dragon. Le même qui fut défait par notre héros
Siegfried. De ce véritable belvédère s'échappe des vues
imprenables sur les îles de Nonnenwerth et de
Grafenwerth. Le faîte du rocher a été étayé par les
soins des autorités mais n'excluons pas, - ne
sommes-nous pas au pays des légendes – que ce soit les 7
compagnons de Blanche Neige qui aient consolidé
nuitamment le rocher en y injectant une coulée de béton.
Mais…"il n'est au vrai si brave nain, qui ne joue son
tour de vilain". Aussi braves ripuaires, gardez-vous que
la montagne ne dégringole un jour sur vos têtes !
Il m'a fallu arracher le
Löwenburg (455m). Effort bref mais rude. Après ce
solide coup de reins, du haut de la tour du château
féodal, on embrasse une vue panoramique de la vallée me
confirmant par la même occasion l'absence de sept mâts
sur les eaux du Rhin. Sur un des remparts, des
adolescents dégustaient du septmoncel dont l'odeur me
fit décamper. Je ramassai mes "Sieben Sachen"
(saint-frusquin) et chevauchant mes roues de sept
lieues, je quittai ces bois propices aux escarmouches au
cours de la guerre de 7 Ans.
Quant au Geisberg (324m), il me fit tout bonnement
perdre les pédales. Ce n'est qu'après un violent effort
de poussage que je parvins à me hisser à hauteur du
refuge. "Blick auf Drachenfels".
Le sixième mont de la série avait la particularité de
scotcher mon attention à chaque lecture de carte. Hélas,
le Asberg (435m), autrement dit le mont "la-bémol"
ou plus simplement le mont de musique, m'apprit que
l'air ne fait pas la chanson. En fait, il ne reste que
les terrils de deux éminences accolées, témoins d'une
exploitation outrancière de basalte. Mais…encore et
toujours… une magnifique vue sur le massif des
"Siebengebirge".
Septimo sera le chant du cygne. Le Lohrberg
(320m), qui s'était présenté juste après le Geisberg,
n'avait laissé tout à fait impassible par sa
géomorphologie qui ressemblait comme deux gouttes d'eau
au précédent. D'autres monticules passèrent encore à la
trappe ce qui me donnait une bonne raison de grimper une
fois de plus le "Magarethenhöhe" (323m),
véritable petit col rhénan et les 33 autres monticules
qui font partie du massif des "Siebengebierge".
Hiver 1989