José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 
Das Siebengebirge
 

Pour leur fête, souvent
Les Sept Dormants redressent le temps.
(dicton suisse du 27 juillet)


 

        Déjà les Romains savaient qu'il faisait bon vivre en Rhénanie et ils s'établirent dans ce doux paysage que la Michelin a truffé de chevrons. Après eux, d'autres peuplades s'y bousculèrent. Cela me semblait une raison amplement suffisante pour y faire un saut ?
Bad Godesberg. Le "Mont des Dieux" ; station balnéaire de Bonn, l'ancienne capitale de la République Fédérale d'Allemagne. Sept monts et des chevrons à profusion, voilà plus qu'il n'en fallait pour que j'y étrenne ma petite reine.

En effet !

Sept n'est pas un chiffre quelconque. Nos Anciens le savaient, le consacrèrent et en firent un chiffre biblique : "Dieu créa le monde en 6 jours et se reposa le septième ; les frères d'Éphèse, au nombre de sept, dormirent dans un trou pendant les 155 ans de la persécution des chrétiens ; Rome, chef-lieu de la papauté, est adossée à 7 collines ; etc."
Ma boulimie coliteuse ne ressemble-t-elle pas bizarrement à l’un des 7 péchés capitaux ? Maintenant, il se peut que ce soit les signes cabalistiques de la Michelin, en forme de pyramide – une des rares merveilles du monde visible – qui aient été à l'origine de ma curiosité. Quant au relief des Siebengebirge, est-il réellement l'œuvre de sept géants qui creusèrent un passage pour le Rhin entre le Drachenfels (Rocher du diable) et le Rolandeck (coin de Roland) ? Les monts n'étant que des mottes de terre accrochées à leurs bêches ! Peut-être ! A cette légende, je lui en préfère une autre qui circule dans les vignobles septentrionaux de la vallée rhénane. Il n'est pas sans me déplaire de m'identifier à Siegfried des Nibelungen qui défit le dragon et qui se baigna ensuite dans son sang. Si le héros de la chanson de geste rechercha l'invincibilité, pour ma part, omettant de consommer le "Drachenblut" (sang du dragon) – un cru du terroir -, je perdis une bonne occase de déguster un divin nectar. Autre raison de ma visite : le Grosser Olberg. A chaque lecture de carte, mon regard restait accroché à ce Mont des Oliviers qui dans l'Antiquité était un symbole d'abondance.
Voilà donc des arguments en béton pour arpenter le parc naturel le plus ancien d'Allemagne, véritable labyrinthe de promenades avec notamment une partie particulièrement romantique qui conduit à travers la "Nachtigallental (Vallée des rossignols), maintes fois chantées par les poètes.
Le moment est venu maintenant de passer les taupinières au crible.
 

Löwenburg

Le Grosser Olberg, qui culmine à 461m, est certainement une des éminences les plus fréquentées du massif. Il présente un dénivelé de 400m au départ des bords du Rhin avec l'ultime km non revêtu à plus de 13%. Au sommet, je n'y vis point de septentrion. Normal en ce début d'hiver où le soleil s'attacha à me réchauffer le cuir à plus de 30° centigrades me transportant par même occasion au septième ciel. J'y croisai des septuagénaires, qui la peau du ventre bien tendue par les excès pantagruéliques, ahanaient dans cette taupinière pour siester à l'auberge sommitale.
Le Petersberg (336m), le voisin du précédent, se prête mieux aux ébats des cyclos qui abhorrent les chemins non revêtus. Au terme d'un final à 15%, on pénètre dans la cour d'une abbaye, digne d'un repère de l'agent 007. Vue plongeante sur le Rhin et de l'ex- capitale de la République Fédérale d'Allemagne.
Le plus populaire et le plus fréquenté des monts est sans contestation le Drachenfels (321m), le rocher du dragon. Le même qui fut défait par notre héros Siegfried. De ce véritable belvédère s'échappe des vues imprenables sur les îles de Nonnenwerth et de Grafenwerth. Le faîte du rocher a été étayé par les soins des autorités mais n'excluons pas, - ne sommes-nous pas au pays des légendes – que ce soit les 7 compagnons de Blanche Neige qui aient consolidé nuitamment le rocher en y injectant une coulée de béton. Mais…"il n'est au vrai si brave nain, qui ne joue son tour de vilain". Aussi braves ripuaires, gardez-vous que la montagne ne dégringole un jour sur vos têtes !
 

Petersberg

Asberg

Il m'a fallu arracher le Löwenburg (455m). Effort bref mais rude. Après ce solide coup de reins, du haut de la tour du château féodal, on embrasse une vue panoramique de la vallée me confirmant par la même occasion l'absence de sept mâts sur les eaux du Rhin. Sur un des remparts, des adolescents dégustaient du septmoncel dont l'odeur me fit décamper. Je ramassai mes "Sieben Sachen" (saint-frusquin) et chevauchant mes roues de sept lieues, je quittai ces bois propices aux escarmouches au cours de la guerre de 7 Ans.
Quant au Geisberg (324m), il me fit tout bonnement perdre les pédales. Ce n'est qu'après un violent effort de poussage que je parvins à me hisser à hauteur du refuge. "Blick auf Drachenfels".
Le sixième mont de la série avait la particularité de scotcher mon attention à chaque lecture de carte. Hélas, le Asberg (435m), autrement dit le mont "la-bémol" ou plus simplement le mont de musique, m'apprit que l'air ne fait pas la chanson. En fait, il ne reste que les terrils de deux éminences accolées, témoins d'une exploitation outrancière de basalte. Mais…encore et toujours… une magnifique vue sur le massif des "Siebengebirge".
Septimo sera le chant du cygne. Le Lohrberg (320m), qui s'était présenté juste après le Geisberg, n'avait laissé tout à fait impassible par sa géomorphologie qui ressemblait comme deux gouttes d'eau au précédent. D'autres monticules passèrent encore à la trappe ce qui me donnait une bonne raison de grimper une fois de plus le "Magarethenhöhe" (323m), véritable petit col rhénan et les 33 autres monticules qui font partie du massif des "Siebengebierge".
 

Hiver 1989

 

bruffaertsjo@skynet.be

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