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Samedi dernier, je suis allé faire des
kilomètres. Comme d’habitude. Chemin cyclant, il m’est
venu une réflexion qui nous interpelle tous. Nous, les
mordus de la petite reine.
A l’heure actuelle, nos vélos sont très souvent équipés d’un
compteur kilométrique qui fournit après chaque randonnée une
foule de données : trajet total, vitesse maximale, vitesse
moyenne, en veux-tu en voilà.
Au bout de quelques années, il est donc
légitime que le cyclo annonce à son entourage avec une
fierté non dissimulée que le kilométrage total parcouru
atteint un, voire plusieurs tours de la terre. C’est du
réchauffé, ça ! Tout le monde le sait ! Toutefois !
Additionner des distances n’est pas
suffisant. Absolument pas. Il ne faut rien oublier de ce
qui justement les a empêchées d’être seulement des
distances, de ce qui les a rendues vivantes, à chaque
kilomètre, à chaque virage. Aussi faut-il tout noter !
Noter la balade entre amis ! Noter les crevaisons, les
coups de pompe, les incidents, les accidents ! Noter le
jours avec et sans pluie ! Le petit café dans la cuisine de
l’organisateur après le brevet : à noter ! Une cocasserie,
une rencontre insolite : à noter ! Un couple de chevreuils
qui vous barre inopinément le chemin : à noter ! Le faux
frère qui vous roule au sommet d’un col : ça faut le marquer
noir sur blanc ! Une tempête dans un verre d’eau à propos
de billevesées telles que pour ou contre les boyaux, avec ou
sans garde-boues, VTT ou randonneuse, etc. et qui se termine
invariablement autour d’un pot au bistrot : faut aussi
l’inscrire ! Un brevet, une randonnée, un voyage
itinérant : faut l’écrire, le décrire, le développer ! Ces
parties de manivelle, chargées d’annotations, n’ont que de
bons côtés. Ainsi, ces bribes de souvenirs mises bout à bout
peuvent donner naissance à une chronique captivante. En
plus, stocker une foule d’anecdotes donne à son auteur
l’envie de revivre une nouvelle fois une randonnée dans le
menu des détails. En outre, en couchant sur papier ces
précieuses données, il fait sa bonne action puisqu’il
partage son patrimoine, un bonheur indivisible avec ses
compagnons de route.
Aïe ! Je vous vois venir ! Il en est plus
d’un qui me rétorquera que noircir du papier n’est pas un
exercice donné à tout le monde. Errare hum….C’est en
chroniquant que l’on devient chroniqueur. C’est aussi du
réchauffé, ça ! Alors ! Qu’est-ce qu’on attend pour être
heureux ? Un refrain rabâché depuis des lunes ! Alors,
qu’est-ce que vous attendez.
Hiver 1998
bruffaertsjo@skynet.be

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