José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 

"Le récit s’inscrit dans le prolongement du concours organisé par le secrétaire des Monts de France
 à l’occasion
de la concentration cycliste à Montmartre."


 

Paris
" Misters"  & "Miss Tresses "
 

 

"Cyclo, j’ose" tout te dire !  J’ai fait du vélo sans donner un coup de pédale !

 

Dieu !  Qu’est-ce que ça le démangeait !  Il en avait envie mais alors une envie, je ne te dis que ça !  Une soif d’évasion identique à celle qu’il éprouve quand il aperçoit des petits bateaux !  Et ça, faut le voir pour le croire !  C’est beaucoup plus mieux qu’une Voie lactée qui scintille dans les lotos d’un mioche qui reçoit trente-six cadeaux de trois Saint-Nicolas en une fois.  Inénarrable !
Notre secrétaire, puisque c’est de lui qu’il s’agit, s’est fait grand plaisir en inscrivant la butte de Montmartre au panthéon des Monts de France.  Son auto-consécration, l’apothéose de son défi !  Mais avant ça, fallait-il qu’il débauche quelques bonnes pâtes pour l’accompagner dans cette parade triomphale.  Une entreprise à risque puisque le gros du peloton n’en a rien à cirer de cette taupinière qui ne compte que pour du beurre !  Enfin !  Une chance, le dernier carré répond toujours présent !

À balade insolite, bafouille atypique !  La chronique aurait dû s’articuler autour de sept édifices majeurs et douze pépites parigotes repris sur l’itinéraire cycliste, l’ensemble ponctué par une touche personnelle des participants.  Le sept parce que le nombre répond à une soif de vérité et le douze se référant aux Travaux d’Hercule.  Mais voilà, c’est folie d’entreprendre quelque chose qu’on ne maîtrise pas.  Et oui, une fois de plus, j’ai nettement sous-évalué le manque d’entrain du peloton à accoucher d’une idée sur papier.  Finalement, ce qui me restait de mieux à faire, c’était de retourner ma veste du bon côté.  Me faire plaisir comme Dominique.  M’évader dans mes décarrades.  Exit la chronique tartinée BCBG.  Aussi, ai-je débauché Mister Jo, le nègre de service en qui sommeille un moulin à paroles hideux.
Fais comme tu veux, m’fi !  Suis la caravane à pied ou sur papier, à vélo ou en bateau-mouche !  Chez nous, personne ne reste sur la touche !

Art contemporain

    
                           Cours des Petites Écuries                                                Les Fontaines à boules du Palais-Royal  

 

Maintenant … 

Comme le reportage a changé de nature, il n’y a plus de raison pour que je suce la roue d’un équipier, d’autant plus que j’éprouve la sainte-pétoche à rouler en ville.  Par conséquent, c’est pedibus, en zigzag, que je me rends à Montmartre pour accueillir les artistes du vélo.  Et ce, agréablement accompagné de ma Pasionaria, Marc, Cathy et la famille Laviéville au grand complet sans oublier les copines. 

Quant à Dominique, alias Mister Paris, il propose son parcours au fil de l’eau et le long des grands boulevards de la Ville Lumière.  Un tracé de toute beauté !  Il chasse les Monts de Mars et de Mercure (étym. Montmartre).  Au même moment Mister Jo surfe sur les Monts d’orgueil réservés à la cour des Grands et te propose d’aller à la recherche du temps perdu.  Par un lacis de ruelles sinueuses aux intrigues horizontales.

Ambiance ! Suis-moi dans ma quête féminine puisque "♪♪♪ Je m’en vais voir les p’tit’s femm’s de Pigalle, …♪♪♪".  Une virée en compagnie des Parisiennes de la Belle Époque sans effeuiller les fleurs du mal ! 

Hardi les gars !

Place à la Parisienne de Marie-Paule Belle sur un tempo de Jacques Offenbach !

 

♪♪♪ … Depuis je suis à la mode, Je me rôde, je me rôde
Dans les lits de Saint-Germain, C’est divin, c’est divin
Je fais partie de l’élite, Ça va vite, ça va vite …
Me sachant originale, Je cavale, je cavale
J’assume ma libido, Je vais draguer en vélo
Maint’nant, je suis parisienne, J’me surmène, j’me surmène … ♪♪♪

 

Ne t’enfièvre pas !  Je m’emprouste pas !  Quoique je salue en passant le "Saturnien" qui a eu la bonne fortune de tremper son biscuit "à l’ombre des jeunes filles en fleurs".
Ohé Marcel, plize, toi qui a piqué ton fameux questionnaire aux Angliches●, conseille-moi un peu comment métamorphoser les Travaux d’Hercule en Œuvres de Vénus !  Késako ?
Demande le mode d’emploi à la Belle Marie-Paule et à sa copine Françoise !  Ou bien encore, traquons les animatrices et suis mon panache sans bourse délié dans une tournée des grands-ducs.  Quoique l’exercice ne soit pas inventorié comme discipline olympique, l’effort n’en reste pas moins olympien.

Tu rentres gagnant !  Ma proposition est de toute façon beaucoup plus avantageuse (voire lubrique) que celle de bêler à la suite d’un guide et de l’écouter débiter la chiée de chanoines qui ont administré le chapitre de Notre-Dame de Paris.


Après cette envolée !  Kiss and go !

Les cyclistes se regroupent sur les Hauts de Seine pour des soucis logistiques.  Nadia et moi, nous nichons (rassure-toi, je me soigne !) dans le "Ventre" de Paris, point de ralliement des marcheurs.  À une foulée de la rue Paradis-Poissonnière, un milieu largement évoqué par Émile Zola dans "l’Assommoir".  C’est dans ce quartier populaire que la future maîtresse d’Offenbach, Valtesse de La Bigne, passera ses jeunes années.  Ambitieuse, elle aura hâte de faire sa place au soleil et pour ce faire, elle enchaînera les amants et fréquentera le cercle des artistes peintres.  Posant pour Corot, Manet et bien d’autres, elle héritera d’un éloquent pseudonyme : "L’Union des Peintres".

Tiens !  Un truc bizarre à propos d’Édouard Manet !  Ne voilà-t-il pas que notre carré d’as cycliste vient de quitter Gennevilliers qui fut le fief de la famille Manet.  Le maître, qui cultivait un faible pour les odalisques, avait souvent donné son Olympia en spectacle à son entourage.  De nos jours, l’hétaïre lascive au regard pénétrant, tient ses consultations au Musée d’Orsay.  Du matin au soir, sans rendez-vous au préalable !  Elle a pour voisine une toile de Gustave Courbet dénommée "L’Origine du Monde" qui, elle, s’est fait descendre en flèche par les critiques conformistes lors de sa présentation. D’aucuns prétendent que ce serait "la Présidente", dont il sera question plus loin, qui aurait prêté son intime académie à ce chef-d’œuvre.  Miss Stress ou Mystère !

Dans le même contexte !  L’aquarelle de Man Ray, un artiste américain qui aimait se ressourcer à Montparnasse, représente une amazone sur un grand bi (The bicycle’50) qui n’a rien à envier au drapé académique de "L’Origine du Monde". 

La marche des valeureux "trousse chemise" nous mène au n° 32 de la rue Richer, un endroit fréquenté par les noctambules friands de strass et paillettes puisqu’il abrite le temple des Folies-Bergère.  Autrefois, son promenoir était un véritable bordel.  Mais il ne fait pas l’ombre d’un doute que les Flaubert, Zola, de Maupassant, et autre Manet bénéficiaient, eux, de l’intimité du cabinet n°6 de la Maison d’Or. 

Actuellement, c’est une Joséphine Baker relookée en Goldfinger girl qui éblouit les spectateurs.  Si la façade dorée en art déco vaut le coup d’œil, ne soyons pas tartufe, ce sont les pensionnaires qui régalent les yeux !

    

On entre de plain-pied dans l’univers de la Belle Otero, une croqueuse de diamants qui éclipsait toutes ses rivales parce qu’elle possédait l’art consommé d’entrechoquer les castagnettes…  Shocking, isn’t it ! 

Surnommée "la Sirène aux suicides", elle clamait à corps et à cri que "la fortune venait en dormant… mais pas seule".  Édifiant, non !  Pour assister à l’une de ses représentations, les candidats se bousculaient au portillon.  Aussi la bergère parvint-elle à négocier une nuit de folie à 20.000 francs or à Léopold II, le roi des Belges, qui emporta ainsi les faveurs de la Grâce.  Au nez et à la barbe de son cousin Édouard VII, s.v.p. !  Ne t’en déplaise, les Belges ont toujours été les rois de la carambole !

       
Les "Trois Grâces" de la Belle Époque 

Émilienne d’Alençon, une autre Grâce et pensionnaire des Folies-Bergère, était une passionnée de vélocipède et fréquentait assidûment le manège Humber (cycles) au point que, quand on la cherchait, si elle n’œuvrait pas à l’horizontale, on se rendait au manège !  À côté de cette frénésie de bouger, elle avait la phobie des titres de noblesse. 

Hé ! Hé ! Et… à l’époque, elle était la seule parmi les travailleuses horizontales qui jouissait d’un manager susceptible de répondre à cette demande bien spécifique.  Ki sa ?
Toujours le même Léo pardi, qu’une presse satirique, en l’occurrence le "Gil Blas", qualifiait à demi-mot de "Mercure" c’est à dire de proxénète.  Quel cirque ! 

Comme le "Roi barbu" était un grand amateur de chair fraîche, il chassait sans répit afin de rajeunir son cheptel.  Je suppose qu’une chute brutale d’adrénaline l’aurait anéanti sur le champ.  Sa marotte : il adorait grimper en danseuse !   C’est ainsi qu’un petit rat d’une beauté légendaire, miss Cléo de Mérode, une authentique bleu-blanc-rouge bien née, fit partie du paddock privé avant que l’ogre ne jette son dévolu sur "Très Belle", une gamine de près de 50 balais de moins que lui dont il fit la baronne de Vaughan.  De cette union de la main gauche naquit deux garçons que le monarque s’empressa de reconnaître.  Faut dire qu’il avait conservé une belle pointe de vitesse jusqu’à son dernier souffle ! 

Bref, pour le roi des Belges à la barbe fleurie "Paris valait bien une fesse".

   
Le Roi et Très Belle                                                  Cléo de Mérode

Mon Dieu, mais que sont les "Kings of the boulevard" d’antan devenus ?  À se demander pourquoi l’arrière-petit neveu du même souverain fait tant de chichis pour reconnaître sa petite fleur de cactus qui est le fruit de sa passion pour la baronne Bibi-de-c’est-Lisse-le-Long-du-Champ.  Or, une fausse queue de jeunesse, ça se redresse toujours surtout quand "c’est du belge".  Aussi, est-ce ridicule de vouloir se dissimuler derrière l’épilogue de l’Amphitryon de Molière : 

Tout cela va le mieux au monde ;
Mais enfin coupons aux discours,
Et que chacun chez soi doucement se retire.
Sur telles affaires, toujours
Le meilleur est de ne rien dire.

 

Pis encore !  De nos jours le même quidam fait la gueule et se lamente comme une madeleine dans les basques du gouvernement parce que celui-ci refuse de lui payer les frais de carburant de son yacht privé.

Poverino Sire
 !  Et pourtant …  Pour "écouter les chagrins", il n’y a qu’à faire appel au "Petit calepin magique" de Mister Paris !  Il suffirait d’une miraculeuse pointe Bic pour transformer le carrosse des mers en une vieille bonne galère pour que Paulette retrouve le sourire !!  Super !  De plus, c’est vert et moins cher mais… tout compte fait, qu’est-ce qui les empêche de refaire de la bicyclette sur un air d’Yves Montant tout en s’éclatant sur le Beau Vélo de Ravel ? 

Mais voilà !  C’est demander l’impossible à un prince-sans-rire.


 

Quant à la "Miss Ter" qui enflamma le Tout-Paris de la Troisième République, elle avait pour nom Liane de Pougy, une copine à la Valtesse de La Bigne qui l’avait initiée aux mystères de la haute-bicherie.  Sans le trio magique Otero, Émilienne et Liane, la Belle Époque ne porterait pas son nom.  Ces trois égéries ont incarné le triomphe de la femme.
Elles avaient compris que la coquetterie n’est que de l’art ajouté à la nature.  Dès lors, se sachant défavorisées de ne point avoir le séant callipyge, elles se posaient des faux-culs aux croupières pour les étoffer tant et bien qu’ainsi attifées, elles te mettaient le diable en bénitier tous les jours que le Seigneur fait ! 

On prolonge en direction de la rue de Provence et au bout de celle-ci, on oblique à droite pour rejoindre la Place Saint-Georges.  Les Bruffaerts circulent en terrain conquis, leur dernier passage remonte à moins de deux ans.  Pourtant une surprise les attend.  À proximité de la Place Saint-Georges, ils croisent la rue d’Aumale qui rappelle à leur bon souvenir les performances d’un certain Henri d’Orléans, le fils de Louis-Philippe 1er, le roi des barricades.  À la mort de sa femme, ce brillant personnage ressentit tout à coup un besoin irrésistible de séduire les dames du Second Empire.  Le libertinage devint son credo à tel point qu’il donna son nom à une position de kama-sous-le-tram-nommé- délire !  Note qu’en enfourchant le « Cheval d’Hector », c’est kif-kif bourricot !  Cette figure, il la peaufina à moult reprises avec Léonide Leblanc, rebaptisée "Mademoiselle Maximum" qui, elle, se fera un plaisir de refiler la recette à Georges Clémenceau.
Voilà un immense homme d’état qui bouffait à tous les râteliers et qui montait à tous les créneaux !  En outre, "Le Père de la Victoire" avait plus d’un tour dans son sac !

Il est sûr et certain que Mister Paris s’est fait un immense plaisir de commenter le magnifique Pont Alexandre III à ses coéquipiers, un ouvrage d’art qui marqua la Belle Époque.  Le pont a été construit pour cimenter l’alliance franco-russe lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900.  La première pierre fut posée par le tsar Nicolas II et le président Félix Faure (le président soleil) qui décéda dans les bras de sa maîtresse un an avant son inauguration.  Je suppose que Dominique aura ponctué l’événement qui inspira au tribun Clémenceau la saillie suivante :
 "Il a voulu vivre César, il est mort Pompée !

Allez, franchement, n’est-ce pas un coq tel à servir à un dîner mondain ? 

À ce propos : "Dis-moi !  Selon toi, que médita Miss Meg, "la pompe funèbre" qui tenait le beau Félix des hôtes des ces boys par les deux orphelines en attendant que se pointe Madame la Présidente à qui revenait l’honneur de recueillir le dernier souffle du moribond ?
De toi à moi !  En âme et conscience, est-ce que tu ne signerais pas illico des deux mains pour t’envoyer en l’air pour l’éternité de cette manière ?  Tirer sa révérence tout en ayant le cœur léger, sans un remord ni un regret !  Quel pied !

Les promeneurs sont encore et toujours plantés au coin de la rue d’Aumale.  Rien ne sert de courir à Paris !  Un dernier mot pour bien te situer la demoiselle "Maximum" !  On rapporta qu’au cours d’un voyage en chemin de fer, la conversation portait sur le duc d’Aumale.  L’un des voyageurs déclara "je déjeune avec le Duc demain", un second confessa "nous allons prendre le thé avec lui samedi", un troisième enchaîna to de go : "Nous sommes invités à dîner dimanche".  Le train arrivé à destination, Léonide se leva et dit de son plus beau sourire "et moi, messieurs, mesdames, je dors avec son altesse ce soir". (Source : Amis et Passionnés du Père-Lachaise

Détrompe-toi sur le compte de Léonide Leblanc !  Même si dans l’intimité elle avouait volontiers que le bouc de son duc lui procurait de bonnes sensations, elle taquinait le gigot qui lui donnait davantage de plaisir ! 

Ce cri du cœur m’inspire une réflexion.  Elle me fait penser à Marc, mon religionnaire laragnais, qui fustige avec raison les méfaits d’une compétition malsaine qui se développe  à tous les échelons de la société.  Comment aurait-il arbitré le débat entre les nombreuses cocottes qui se targuaient d’avoir dragué Napoléon III ? 

Ultime "Miss Terre" au cabinet du Duc-Beau-Mâle !  Va savoir pourquoi le tableau mythique des "Trois Grâces" (Raphaël) faisait partie de la collection privée du fieffé coquin ?


Les "Grâces" de Botticelli

Figure-toi que le jour du départ, les Bruffaerts sont contraints de tuer trois heures d’attente.  Que faire ?

Ne cherche pas midi à quatorze heures, la réponse va de soi à qui connaît les Ostrogoths. 

Ils se tapent allègrement la cloche chez Da Mimmo, une trattoria napolitaine qui propose la baie de Sorrente en toile de fond.  La salle est déserte !  Les mandolinistes se reposent encore un peu avant leurs fatigues à venir !  Aussi le serveur leur donne-t-il la meilleure table !  Tu sais où ?  Juste en-dessous d’une reproduction des "Trois Grâces" de Sandro Botticelli !
Suspens & Mystère
 ! 

Quand je te tanne les oreilles à te répéter que le monde est petit, petit, petit !!
Passons la digression ! 

♪♪♪ Même vous, qui passez sans me voir, Sans même me dire bonsoir, Donnez-moi un peu d’espoir ce soir…♪♪♪ 
Merci Mr. Charles Trenet ! 

Il est temps de reprendre notre bâton de pèlerin.


Résidence de la Païva : Place Saint-Georges

Quelques pas plus loin, nous déboulons sur la Place Saint-Georges, le quartier des lorettes.  Nous accédons dans le saint des saints.  Sur les terres privilégiées de "La Païva" !   La ville de Paris a scellé sur la grille d’un hôtel particulier une plaque commémorative en forme d’écusson narrant la petite histoire des lieux. 

Extrait : "… Le buste de Gavarni, peintre des « lorettes », surmonte la fontaine depuis 1911 … C’est en 1840 que l’architecte Renaud construisit cet immeuble dans un style gothique et renaissance.  Thérèse Lachmann, demi-mondaine en vue qui venait d’épouser le marquis Païva y Arunjo, vint y habiter en 1851 ; puis elle fit construire un nouvel hôtel aux Champs-Élysées.  Elle devint une courtisane adulée sous le second Empire, sous le nom de "La Païva". 

Sans me rendre compte, voilà que je me mets à fredonner le tube de Michel Delpech : 

♪♪♪ C’était bien, chez Lorette, Quand on faisait la fête, Elle venait vers nous.  Lo-rette
C’était bien, c’était chouette, Quand on était fauché, Elle payait pour nous.   Lo-rette ♪♪♪
 

Forget it, my dear !  Ça n’était absolument pas dans les mœurs de la "La Païva" puisque son hôtel était surnommé "Qui paye, y va".  Concernant le nouvel immeuble aux Champs-Élysées (n°25), elle y tint chambre ouverte pour le Tout-Paris des lettres sauf les femmes !  Ce déploiement de faste inclina les frères Goncourt (de gros consommateurs de partouzes salonnières) à l’accabler de quolibets et le Figaro de titrer :
"Bien que son hôtel ne soit pas encore aménagé, Madame la Marquise de Païva peut s’y installer ; le trottoir vient d’être terminé …"

Cela n’empêchera pas la femme galante d’être mystifiée par un comédien relooké en un Napoléon III plus vrai que nature.  Néanmoins, elle saura entretenir la légende autour de sa personne.  Et si j’ajoutais maintenant que je suis le beau-père d’une dénommée "Païva Nunes" (étym. Fille de Païva), que répondrais-tu ? 

-C’est du roman, tu te fiches de ma pomme ! 
-Ça, c’est toi qui le dis ! 

Au nom de quoi un rubricard de chroniques cyclos devrait-il s’interdire d’écrire des choses vraies sous prétexte qu’elles paraissent invraisemblables ?  Ainsi ma "Païva" n’est peut-être que le jouet de hasards complaisants mais en attendant, je fais avec  … la bru devenue une Bruffaerts avec son mystère ! 

Et dis-toi bien qu’avec cette Païva-là, tu vas au casse-pipe !  Si t’es un "zotte pei" (un secoué du bulbe ; se prononce peille), vas-y, mais fais gaffe à tes oreilles, papy ! 

Moins de cinq minutes plus tard, on dépasse l’hôtel de la Villa Margaux où nous avions séjourné la dernière fois.  Trois pâtés de maisons plus loin, c’est au tour du n°4 de la rue Frochot qui scotche l’attention de Marc.  C’est là que la "Présidente" Apollonie Sabatier (aucune apparenté avec le poulbot des Allumettes Suédoises) tenait un salon branché à la mode de Ninon de Lenclos, la reine des salons parisiens du XVIIe siècle pour ses célèbres "Cinq à Neuf" !  Les convives se retrouvaient pour des repas bachiques suivis de saturnales où toutes les outrances étaient permises.

Femme très raffinée, Apollonie inspira Charles Baudelaire qui lui écrivit :
"Vous êtes pour moi non seulement la plus attrayante des femmes, de toutes les femmes, mais encore la plus chère et la plus précieuse des superstitions.

Quand à Mister Jo, il est convaincu que le personnage n’est pas étranger au rôle tenu par la mère maquerelle de l’Apollonide, un film qui fouette vachement la débauche du quartier. 

Après un long passage à vide (avide de chatterie ?), Apollonie retrouva un protecteur en la personne de Richard Wallace●, fils de Lord Hertford.  En l’occurrence, le Grand fontainier de Paris et propriétaire de « Bagatelle » au Bois de Boulogne !

Bien plus qu’une demi-mondaine, Apollonie restera pour l’histoire une des inspiratrices de Baudelaire.  Cette belle destinée laisse Mister Jo sur sa faim !  Sans entrer dans les détails, pour peu qu’un esprit curieux se documente un rien, il butera sur des énigmes que je refuse d’évoquer afin de ne pas ternir l’image de celle qui a eu l’immense bol d’épancher "Les Pleurs du Mâle" ! Mes aïeux, quel chassé-croisé dans ces salons, toujours les mêmes têtes de pipe !  Toujours les mêmes manœuvres de dessous de table ! 

Que Maurice Grévisse pardonne mon rudoiement de l’emploi du sujet où les "on" dament le pion aux "nous", "Mister Jo" prend le pas sur le "je" et le tutoiement supplante le vouvoiement.  Si tu y ajoutes le patronyme des Bruffaerts, ça fait carrément bordélique !  L’orthographe, n’en parlons pas !  Quant à l’usage des temps, c’est du grand n’importe quoi.  Comme le présent n’est que le reflet d’un passé révolu n’ayant plus de relation avec le présent, l’indicatif, l’imparfait et le passé simple s’accordent bien ensemble houspillés parfois par un futur dépassé !  Si t’as pigé, n’hésite pas !  Passe-moi un coup de fil !  Zut !  Où donc est passé mon Ariane ? 

♪♪♪ Dieu !, Mais que Mon Ariane était jolie, Quand elle marchait dans les rues de Paris…  Ça ira, ça ira, toute la vie …♪♪♪ 

Ne tire pas sur le rimailleur, svp !  Ce n’est qu’un colporteur de ragots, une mouche à cancans qui s’escrime à faire de l’humour avec des formules éculées.  Alors de grâce, respecte le bordel de son chiffonnier !  

À propos de cancan, qu’est-ce que ça te dit ? 
On aboutit sur la Place Pigalle, à quelques pas de la Place Blanche.

Comme le groupe des marcheurs n’était pas du tout homogène, il fallait s’attendre à un coup de pompe de l’un ou l’autre.  C’est la benjamine qui jette l’éponge !  Logique !
Dislocation du groupe en un quintette et la smala Laviéville tout en accordant les violons pour un regroupement général au square Jehan Rictus.


Le rambour des noctambules

Est-il nécessaire de présenter le Moulin-Rouge, le tout premier grand temple des dessous de Paris by night et probablement le cabaret le plus célèbre au monde ?
Même refrain pour "La Goulue", la papesse du French Cancan et l’égérie de Toulouse-Lautrec qui, à côté de ses séances de jambes en l’air, appréciait aussi de prendre un bol d’air dans les parcs. 

"J’allais le mardi ou le vendredi au bois de Boulogne car nous étions sûres d’y rencontrer les Parisiennes de « haut vol ».  J’allais pas faire mon « persil » comme on l’a dit.  J’étais pas une prostituée !  J’allais respirer le bon air et jacter, bavarder avec les personnalités, comme qui dirait des duchesses authentiques, voyez-vous ?  Les gens du peuple se pressaient pour voir les cab’s de la « Haute-Société » mondaine et demi-mondaine qui passaient, dont le mien rempli de toute ma petite famille." (source : Moi, la Goulue de Toulouse-Lautrec) 

Mister Jo avance encore qu’elle se serait dévergondée comme la plupart de ses frangines et qu’elle aurait goûté au gigot aillé mais …pas avec n’importe qui puisqu’il s’agirait d’Émilienne d’Alençon. 

Au cours d’une promenade au Jardin de Paris, elle apostropha le Prince de Galles, le futur Édouard VII : "Hé Galles, Tu paies l’champagne !  C’est toi qui régales, ou c’est ta mère qui invite ?"
Le Prince lui répondit du tac au tac : "Mademoiselle La Goulue, vous êtes l’esprit parisien perché sur de bien jolies jambes."

Une certitude toutefois.  C’est qu’elle n’était pas la première à arpenter le Bois de Boulogne.  Plus d’un siècle plus tôt, cet écrin de verdure avait été prisé par les chasseurs à courre de tous poils.  Déjà sous le règne de Louis XV, l’endroit faisait florès auprès des gens de la cour.  De plus, il assurait un havre de paix à la cousine du roi, surnommée la "Maquerelle Royale" par le comte d’Argenson, qui s’y retirait régulièrement un mois ou deux pour accoucher discrètement du fruit de ses amours.  Le comte Paulmy d’Argenson note dans ses mémoires :
"On dîne à Madrid chez Mademoiselle de Charolais ; on soupe à la Muette●.  Dans l’après-midi, à Bagatelle, chez la maréchale d’Estrées, on passe joyeusement le temps, on y fait l’amour, si vous voulez ; tout est bien réglé". 

Résultat des surprises-parties fines !  Avant la petite quarantaine, les marquises se retrouvaient édentées et les maladies honteuses fauchaient les plus fines lames du royaume.  À ce sujet, mon Biquet, as-tu remarqué que les gentilshommes bien nés et les belles poseuses de l’époque ne rient jamais de toutes leurs dents !  Imagine un instant, une Mona Lisa qui te fait un large sourire sans dominos !  Le Louvre serait réduit à fermer aussitôt ses portes ! 

De nos jours, le Bois de Boulogne a surtout la cote auprès des « chevaliers de la jaquette ».  Les péripatéticiennes, quant à elles, il n’y en a pas une qui ce soit égarée dans le bois puisqu’elles y ont fait définitivement leur trou tout en fignolant leurs techniques de farces et attrapes.


Madame se promène dans le Jardin des Plantes

Quant aux Bruffaerts, à l’instar de La Goulue, ils vont faire une rencontre qui relève du monde merveilleux.  Le jour suivant la balade "trousse-chemise", ils décident de se relaxer dans un cadre de verdure.  Mais où ?  Il y en a partout aux quatre coins de la capitale.  Toutefois, tous n’ont pas le même cachet.  Bref, les Bruxellois vont se réoxygéner dans le Jardin des Plantes dans lequel ils papillonnent sans but précis allant de parterre de simples en massif fleuri.  S’extasient dans l’allée des roses et des roches, se penchent sur les herbes du jardin potager, découvrent les plates-bandes fleuries des « sans » soucis et échouent dans un enclos qui protège un chapelet de miroirs d’eau pleins de nénuphars dans lesquels batifolent des grenouilles partageant leurs émois à un très jeune public.  Soudain Nadia, alors qu’elle est dos à dos avec une jeune maman qui réprimande ses marmots, balance un coup de coude dans le lard de Mister Jo, qui en reste comme deux ronds de flan.  Qui pige que dalle, s’écarte de quelques pas et assiste subitement à une avalanche d’onomatopées. 

C’est pas possible !  Toi, ici ? Je rêve Nadia !  Fantastique !  Dis-moi, c’est pas vrai ?  Quelle coïncidence !  Quelle chance !  Et patati, patata, en veux-tu, en voilà !  Et moi, et moi, et moi, je n’y crois pas pendant que ça jacte à tour de bras ! 

En fait, il s’agit de la fille de leur voisine de palier, qui habite à Paris, qu’ils auraient dû retrouver deux jours plus tôt pour la mise au point d’une affaire délicate.  Or, le rendez-vous avait capoté pour des raisons qui sont trop longues à développer dans ce poulet.  Grâce à cette providence, les pendules sont remises à l’heure et l’entrevue aura bien lieu le lendemain soir ! 

Franchement, dis-moi !  T’appelle ça comment toi, un tel télescopage ?
"Hasard et Eden" ou "Mystère" ?


Steve Kaufman’s homage to Van Gogh featured by TQ Arts

Toute cette histoire, c’est magnifique, mais pour le moment nous sommes encore loin de notre destination.  Or, nous lambinons sur le boulevard à proximité du Moulin-Rouge.
L’agression urbaine bat son plein.  Un monde sauvage se fraie un passage à la hussarde entre les étals.  Cette fois, on tourne radicalement le dos au royaume des courtisanes pour pénétrer sur le territoire des égéries et des muses.  Dans un univers où les valeurs sont totalement différentes.  Ici, c’est les femmes qui faisaient bouillir la marmite. 

La première "bellissima" qui me vient à l’esprit, c’est l’Italienne

Autrefois, la signora Agostina Segatori, patronne du café « Au Tambourin », proposait une délicieuse timbale bolognaise à la clientèle.  Néanmoins, c’était le cadre et l’atmosphère qui attiraient les piliers de bistrot.  Vincent Van Gogh, l’homme à l’esgourde cannibalisée, apporta une touche personnelle à la gargote.  C’est là aussi que Toulouse-Lautrec réalisa en 1887 le portrait du rouquinos.  Sous la houlette d’une bonne et belle patronne puisque la belle Agostina cumulait les activités. 

Chapeau, Monsieur Vincent !  Toi, t’as su au moins t’y prendre avec le beau sexe !  Quand je pense qu’avec la belle "Italienne" t’as eu droit à la totale : elle t’a hébergé, cajolé, nourri, elle a servi de modèle, exposé tes croûtes.  Tu t’es même soulagé avec elle !  Le carton plein, quoi !  Dommage pour la belle, Mister Jo trouve qu’elle n’a pas été croquée à sa juste beauté ! 

Le café a disparu de nos jours.  Il est remplacé avantageusement par une boutique ultra branchée spécialisée dans les dessous affriolants.  Ici, le badaud profite de la décoration sans dépenser un traître kopeck !

On oblique dans la rue Lepic qui n’a aucun rapport avec la déclivité de la chaussée vu qu’elle a été baptisée au nom du général qui se distingua lors de la bataille d’Eylau sous l’Empire. 

La rue donne accès au Sacré-Cœur.  Considérée comme l’une des plus pittoresques de Montmartre, les âmes poétiques la connaissent grâce au Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, une comédie romantique portée à l’écran.  Les anarchistes s’y reconnaissent tout autant dans les deux réquisitoires contre l’humanité que Céline y accoucha.  (Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit

Le quintette des Paris-trotteurs s’engouffre dans la rue des Abbesses en direction du square Jehan Rictus.  Alors que Cathy et Nadia s’offrent un arrêt shopping, Marc se reconvertit momentanément en chasseur d’images et déniche une enseigne cocasse qui le fait marrer.  Tiens ! Tiens ! Serait-il doté d’un pouvoir surnaturel ?  Imagine-toi qu’au retour dans mes pénates, le premier courriel que j’ouvre, me propose pour la fête des Pères la gamme complète du Slip Français "Tel Père, tel Slip".   Exactement la même enseigne qui l’avait amusé !  Un regret, cependant !  Un oubli impardonnable !  La société de distribution a omis de présenter un modèle à bretelles pour papy ! 

Où en sont nos cyclistes ?  Le timing est-il respecté ?  Mystère et Boule de gomme ! 

Jusqu’ici, si le parcours pédestre a été romanesque à souhait, on ne peut pas en dire autant du point vue romantique.  Il est donc grand temps d’apporter une touche de poésie.


Square Jehan Rictus : "Le Mur des je t’aime"

"Le Mur des  (311) je t’aime" est par excellence un site pour compenser cette lacune.  De plus, c’est aussi le point de rencontre avec le groupe dissident des marcheurs.
Dans un monde marqué par la violence, la construction d’un mur a généralement pour fonction de séparer les peuples, se protéger de l’autre.  Ceux-ci sont hélas plus que jamais à l’ordre du jour avec l’apparition de jungles en prime.  En Europe et ailleurs !  Le "Mur des je t’aime" représente tout le contraire.  La fresque est un hymne à l’amour érigé dans le jardin romantique du square Jehan Rictus. 

Par contre, pas la moindre trace du second groupe de promeneurs.  Bernard stresse à mort !  Tel son secrétaire, voilà qu’il se sent pousser des envies !  Et quelles envies ?  Il se met à mordiller le bout de ses doigts comme un castor.  Je sens qu’il se reproche d’avoir abandonné sa smala.  Au bout d’une courte attente, on se faufile sous le porche qui donne accès au Passage des Abbesses.
Autrefois, le coupe-gorge abritait des tripots dans lesquels opéraient des individus connus pour des grecs de profession (truands). 

Le goulet se termine par une volée d’escaliers et débouche sur la rue Ravignan,  un quartier évoqué par Denis Guedj dans le « Théorème du Perroquet », une intrigue policière qui passe toute l’histoire des mathématiques en revue.


Passage des Abbesses

Cette fois, nous nous immergeons intégralement dans le demi-monde bohémien de Paris.  Une pépinière d’artistes a animé et égaient encore le quartier.  Les citer tous serait du même tonneau que d’énumérer la liste des chanoines de Notre-Dame.  Exit la corvée et plein cadre sur le "Bateau-Lavoir" de la place Émile Goudeau● et sa fontaine Wallace.

Le "Bateau-Lavoir" abrita jadis une ribambelle de débutants  devenus par la suite des gloires de l’art de la fin du 19e  siècle et du début du 20e  tels que Picasso, Modigliani, Max Ernst, etc. 

Bernard n’en a rien à cirer !  Il décarre à tous les coins de rue.  Encore heureux que son survêtement rouge et ses baskets jaune fluo "splashent" dans cette fourmilière humaine. 

Ohé, toi qui sais tout !  D’où vient le nom de  "Bateau-Lavoir" ?  Élémentaire, il n’y a pas de mystère Watson !  C’était l’endroit réservé aux lavandières parce que cette ancienne fabrique de pianos reconvertie en ateliers sommaires ressemblait aux coursives d’un bateau.  La communauté se débrouillait avec un seul robinet !
C’est dans ce trou de quartier miteux, sans aucune commodité, que Pablo Picasso réalisa son chef-d’œuvre "Les Demoiselles d’Avignon". 

Ce tableau, qui demeure la pierre angulaire de son génie cubique, constitue un tournant dans le monde de l’art.  Le titre n’a rien à voir avec la ville d’Avignon.  En fait, cet homme à femmes (c’est pourquoi je me limiterai qu’à deux muses) avait titré sa toile "El Burdel de Avion" en hommage à des prostituées d’une rue de Barcelone.
Misère !  Les bouis-bouis me collent aux basques comme un bronze canin dans les zébrures de tes rangers ! 

C’est Fernande Olivier, l’égérie de la période rose de Picasso, qui prête sa plastique pour une tête profilée au carré, un œil qui dit merde à l’autre et des roberts pointus revisités par Jean Paul Gaultier pour Madonna qui donnent le tournis de derviche.  Un esthète dirait que le tableau reflète une synthèse de l’Olympia et de toutes les autres odalisques.  Je ne doute pas un instant de cette assertion mais … personnellement, je suis plutôt porté pour les natures vivantes.

Quelques années plus tôt, le peintre avait connu une période bleue.  C’était bien avant l’apparition de Fernande.  À cette époque, Alice Géry occupait le haut du pavé du maître de Malaga.  Elle posait comme modèle tout en étant la confidente de Picasso.  Alice quitta son mari sur un coup de tête, voire un coup de foudre pour André Derain.  Elle incarna la vie de Montmartre, fidèle jusqu’à la mort de Derain.
Quant aux Eva, Olga, Dora et les autres, elles n’ont jamais ramé dans le "Bateau-Lavoir".  Exit ! 

Parenthèse artistique pour les uns, pause-café pour les autres

Le Mystère Picasso ?  Quién sabe ?
Est-ce un mouvement artistique, une aventure sentimentale passée sous silence, un long métrage ou bien une plaisanterie orchestrée par Dorgelès qui fit barbouiller une toile « abstraite » par un âne qu’il exposa au Salon des Indépendants ?

(Réponse en fin d’article

J’en termine avec ce lavoir mythique sur une note tragique.  "Noix de Coco", la muse de Modigliani, mit fin à ses jours le lendemain du décès de son dieu !  Elle était enceinte de neuf mois et avait toute la vie devant elle.  Pauvre Jeannette, quelle idée de se faire hara-kiri.  Trois ans plus tôt, "Mata Hari" se fendit d’un large sourire pendant qu’un peloton d’exécution lui faisait avaler son numéro de matricule ! 

Autant, on meurt ! ne crut jamais si bien dire Cicéron avant de subir lui-même le traitement de choc !

Quelques pas plus loin, on s’engage dans la rue d’Orchampt, qui se flatte de posséder le trottoir le plus étroit de Paris.  Toutefois, c’est l’ancienne résidence de Dalida qui est le clou de l’endroit.  Avec en prime sur le mur d’enceinte, un triptyque composé de trois squelettes tricolores peints au pochoir.  Interpellant cet augure, n’est-ce pas !

Au bout de la ruelle, on butte littéralement sur le Moulin de la Galette qu’il est inutile de présenter.  Excepté que l’actuel resto n’a rien en commun avec la véritable fabrique de farine du 17esiècle, qui se transforma en authentique guinguette, puis en music-hall au 20e avant d’intégrer le patrimoine des monuments historiques.


Le Passe-Muraille

Une centaine de mètres plus loin, on longe la Place Marcel Aymé qui nous met en présence d’une curieuse statue qui tente de s’extraire d’un mur.  L’auteur en est Jean Marais qui salue à sa manière l’écrivain et son héros, Mr. Dutilleul, qui s’était découvert le don singulier de traverser les murs.  La suite surréaliste à découvrir dans le roman « Le Passe-Muraille ».  Quant au sculpteur et comédien à la beauté apollinienne, il fut le fidèle gay compagnon de Jean Cocteau !  De vrais "enfants terribles".  Accordons-leur une minute de silence dans l’espace dédié au commissaire San-Antonio.  C’est juste à côté !  

Rue Norvins.  Au bout de la rue, notre ascension touche à sa fin sur la Place du Tertre où les terrasses de café sont bondées.  C’est au restaurant de la Mère Catherine que le mot russe bistro ("vite") fit son apparition, amené par les occupants russes qui campèrent en 1814 sur la butte.  La place est pleine à craquer de barbouilleurs et de touristes. C’est le par-(ad)-is des cleptomanes, pickpockets et autres grecs de profession !

Finit la grimpette.  Nous intégrons le royaume d’une ancienne pâtissière qui allait s’imposer comme la Lady de la chanson française (Un gamin de Paris).  Patachou (la pâte à choux), en y établissant son quartier général, attira de très nombreux chantres et troubadours en mal de brûler les planches de l’Olympia

Il n’est un secret pour personne que la plupart des Français adorent mettre un point d’orgue à une discussion en racontant une bonne histoire belge.  Hé bien !  Mister Jo ne déroge pas à la sacro-sainte règle. 

Comme tout au long de cette balade, il a mis l’accent sur le beau sexe, il va de soi qu’il adresse un toast à une dame que tout le monde connaît mais que personne ne situe.
Elle s’appelait Madeleine Zeffa  Biver

Souvenez-vous … 

♪♪♪ Elle est tellement jolie, elle est tellement tout ça, elle est toute ma vie …C’est mon Amérique à moi …♪♪♪, chantait notre Brel national avec une fougue qui est restée inégalée.  Il l’avait rencontrée à Paris dans les années 50.  À l’époque, elle éclusait les cafés d’artistes, posait nue pour les peintres et était devenue le porte-drapeau des minijupes dans la Ville Lumière. 

RIP Madeleine !  Voilà dix ans déjà qu’elle a rejoint son Grand Jacques.


Un souvenir de 1870

Enfin !  Nous y voilà au point culminant de Paris : la basilique du Sacré-Cœur.  Altitude : 130m.  Dénivelée : 100 m.  L’effort qu’un « Mont de France » n’a pas le droit de louper !  Une ascension au ciel à l’image de celle de Sainte Marguerite-Marie Alacoque, l’initiatrice du culte du Sacré-Cœur et la plus fidèle et fervente courtisane du Christ !  Une nana au-dessus de tout soupçon, dirait une grenouille de bénitier !  Il ne fait pas un pli qu’elle eût soutenu à corps perdu l’ami François, un habitué du carré de Mister Paris, qui souhaite un monde meilleur exempt d’égoïsme, de fanatisme, d’intolérance, de jalousie … pour autant que les clés de l’Univers lui fussent confiées ! 

Fiat voluntas tua … caro Cisco

Hélas, la Sainte risque de s’emmêler les pinceaux le jour du Jugement dernier quand elle verra comment les Parisiens ont relooké son Sacré-Cœur à la mode byzantine!  Ajoutes-y six minarets comme à Istanbul et la « Pôvre Calimargot » devra se chat-odoriser et se reloquer en bourre le kiki pour rester dans le vent au royaume des bienheureux ! 

Tout ce charabia ne fait pas notre affaire !  On a paumé la deuxième compagnie !  Le parvis du Sacré-Cœur est noir de monde.  Une interminable file de pèlerins se presse en rang d’oignons à l’entrée de l’édifice religieux.  Impossible de repérer qui que ce soit dans cette cohorte de touristes. 

♪♪♪ Allo Papa Tango Charlie, Répondez !  Nous vous cherchons …♪♪♪ 

Chante toujours !  D’ici qu’on les retrouve dans ce raz de marée de bermudas ? 

Un palier en-dessous du parvis, un black tente de créer le buzz.  Il défie les lois de la pesanteur et escalade un réverbère tout en jonglant avec un ballon qui lui colle carrément au pied.  Quant à Bernard, il perd les pédales, toujours pas de Papa Tango Charlie à l’horizon !  Le temps passe !  La tension monte !  Alors que le " Rat d’eau de la Méduse" dérive de Charybde en Scylla, un coup « Allô ! » évite in extremis le naufrage !

Deux étages plus bas, les marcheurs éreintés s’amusent et tournent manège au pied des escaliers de la butte.
L’un se bile, l’autre écrase la bulle.  Que la vie est belle ! 

Par contre, toujours pas de trace des cyclistes !  Ils ne sont pas loin !  C’est une certitude !

En accord avec Mister Paris, Mister Jo rassemble ses troupes et met dare-dare le cap sur le bistrot retenu pour célébrer les retrouvailles. François est le premier à se présenter suivi à quelques minutes par Dominique, sa Miss Dominici et notre ami Michel.

Les agapes peuvent commencer !   Il n’y a plus qu’à savourer honorés et madeleines à la terrasse de "L’Été en Pente douce" de la rue Paul-Albert !  Le peuple se régale, le peuple est satisfait !  Ce n’est pas aujourd’hui que nous irons manger des frites chez Eugène !  Hou…là. là,  je vois déjà mon camarade Michel qui sue quand il va se farcir le journal des "Misters de Paris".  Quel pataqu’est-ce, cette bouillie de chat !
Remarque bien que les commentaires s’enchaînent impec sans un maillon faible !  Toutefois…même  une petite madeleine ne serait d’aucun secours, malgré qu’elle soit le symbole proustien qui dope la mémoire, puisque ce CON de "Cyclo, j’ose tout te dire" a omis de brancher l’ABS● sur ses freins à disque !  

Mais …  ♪♪♪ C’est tellement plus mignon de se faire traiter de con en chanson. ♪♪♪ 

Veni, Vidi, Vici.  Sauf les Mystères de Paris, évidemment … ♪♪♪ …  Y a des silences qui disent beaucoup, Plus que tous les mots qu’on avoue,  Et toutes ces questions qui ne tiennent pas debout …Évidemment …♪♪♪ 

Vive France !  Vive les Monts de France !

FIN

● Reproduction du circuit cycliste :   https://goo.gl/maps/VY7QudVfUDS2 

● Afin de dissiper tout malentendu, Mister Jo insiste lourdement qu’il n’existe aucune parenté entre Mister Paris et Madame Paris, la "Bonne Maman" de l’hôtel du Roule de la Porte Chaillot, qui tenait une maison de plaisir à l’époque de Casanova. (cf. Mémoires de Giacomo Casanova).  Alors pourquoi le cycliste a-t-il scratché le Palais de Chaillot de son itinéraire ?  Bon sang, mais c’est bien sûr !  Pas folle la guêpe de Chaillot ! 

● C’est Antoinette, la petite fille de Félix Faure qui fera découvrir à Marcel un album ramené d’Angleterre, intitulé "An Album to Record Thoughts, Feelings & c".  Il incluait un questionnaire à la mode de la bonne société victorienne que Proust modifiera à sa sauce quelques années plus tard lors de sa mobilisation militaire. 

● Richard Wallace.  Mécène et philanthrope britannique qui, lors de la guerre franco-prussienne de 1870, dota la ville de Paris de nombreuses fontaines, de véritables petits ouvrages d’art en fonte. 

● Le château de La Muette, ainsi que ceux de Madrid et de Bagatelle, ont été des lieux de résidence prisés par les dames de la Haute à l’époque des Temps Modernes.  C’est la reine Margot, l’épouse d’Henri IV, qui en sera la première châtelaine.  Ensuite, il faudra attendre plus d’un siècle pour que les pavillons soient à nouveau fréquentés par les princesses de sang.  À ce sujet, il y a lieu de ne pas confondre la Duchesse de Berry, la fille du Régent Philippe d’Orléans, qui y résida et y accoucha clandestinement, et Mademoiselle de Charolais, la petite fille du Grand Condé, qui détourna son cousin Louis XV de ses devoirs conjugaux et exerça un rôle d’entremetteuse pour son roi "le Bien-Aimé".

● Émile Goudeau.  Écrivain et fondateur du cercle littéraire des hydropathes, un groupe de joyeux lurons qui carburait exclusivement à l’absinthe, l’eau étant mise à l’index ! 

CON…ABS.  Cf. abscons=incompréhensible.  

Réponse : Le Mystère de Picasso.  Qui sait ce que c’est ?
C’est un long métrage de son ami et cinéaste Henri-Georges Clouzot qui a eu l’idée de capter le cheminement de la pensée créatrice du peintre en plaçant la caméra devant le chevalet sur lequel est tendu un papier et non derrière le peintre.


Fontaine Wallace

Liste des principales intrigantes par ordre alphabétique

 

-André Émilienne Marie (1870-1945) dite Émilienne d’Alençon, actrice de théâtre et danseuse,
amants : le Duc d’Uzès, le Roi Léopold II, … 

-de Bourbon-Condé Louise-Anne (1695-1758) dite Mademoiselle de Charolais surnommée « la Maquerelle Royale »,
amant : le Duc de Richelieu (un descendant du Cardinal), … 

-de Chassaigne Anne-Marie (1869-1950) dite Liane de Pougy, danseuse,
amant : Charles de Mac Mahon, …  

-Delabigne Émilie Louise (1848-1910) dite Valtesse de La Bigne surnommée « Rayon d’Or », modèle,
amant : Jacques Offenbach, … 

-de Mérode Cléo (1875-1966), danseuse,
amant : le Roi Léopold II, …  

-Japy Marguerite (1869-1954), épouse Steinheil dite « Meg »,
amant : le Président Félix Faure 

-Lachmann Thérèse (1819-1884) dite « La Païva », salonnière,
amants : le Comte Henckel de Donnersmark, Napoléon III,  … 

-Leblanc Léonide (1842-1894) dite « Mademoiselle Maximum », salonnière,
amants : le Prince Napoléon, le Duc D’Aumale, Georges Clémenceau, … 

-Otero Igesias Agustine Otero (1868-1965) dite « la Belle Otero », chanteuse et danseuse,
amants : le Prince de Galles Édouard VII, le Roi Léopold II, Le Grand-duc Nicolas de Russie, Gabriele d’Annunzio, … 

-Savatier Joséphine-Aglaé (1822-1890) dite Apollonie Sabatier surnommée « la Présidente », salonnière et peintre,
amant : Charles Baudelaire, … 

-Weber Louise (1866-1929) dite « la Goulue », danseuse de french-cancan,
 amant : Henri de Toulouse-Lautrec, … 

-Zelle Margaretha Geertuida (1876-1917) dite « Mata Hari », danseuse,
 amant : Giacomo Puccini, …

 

Juin 2017

                      

bruffaertsjo@skynet.be

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