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A l’Ombre du « Géant » de Provence
Sommet du Mont Ventoux
Il est un
coin de France que les cyclos belges apprécient tout
particulièrement. Chaque année, c’est par paquet de
dizaines qu’ils se ruent dans le Vaucluse à l’assaut du Mont
Ventoux. A vrai dire, cette montagne mythique fascine
depuis toujours toute la gent cycliste quelle qu’elle soit,
et interpelle le commun des mortels par la violence des
vents qui en balaient ses versants. Le poète Pétrarque,
déjà en son temps, avait été impressionné par le géant
provençal. Le Mont Ventoux a inspiré plus d’une chanson de
geste à plus d’un coureur recyclé pour l’occasion en chantre
lyrique. Ainsi, voici un quatrain exprimé par Pierre
Molinéris, un coureur français de la seconde moitié du
siècle précédent
« O Ventoux ! Mont Ventoux, Mont Ventoux !
Triste route semée de souffrances,d’embûches
Et
de doutes
Sur ton sol rocailleux, hélas ! bien des
coureurs
Ont vu fuir la victoire et arriver les pleurs. »
Mon propos
cependant n’est point de m’attarder sur ses pentes, ni de
m’égarer dans les anecdotes qui sont à la hauteur de son
ascension. Les drames et les coups d’éclat, qui en
jalonnent son histoire, sont connus de tous les fans de la
petite reine. Un changement de registre vient donc à point
nommé pour éviter les écueils des fastidieuses redites.
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Les Dentelles de Montmirail |
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A un pas du géant se blottit un massif calcaire, lumineux,
qui est en fait le premier contrefort des Alpes de la vallée
du Rhône, dont le patronyme chante dans les oreilles :
« Les Dentelles de Montmirail ».
Montmirail ? Montmirail ? Bon sang mais c’est
bien sûr ! Ce nom m’est familier me rétorquerez-vous.
Holà, je vous arrête d’emblée parce que les dentelles n’ont
rien de commun avec les « Visiteurs » que sont Messire
Godefroy et son compère Jacqouille la Fripouille.
Ici, c’est un petit coin de paradis pour les randonneurs.
Un somptueux terrain de jeux qui laisse les zygomatiques au
repos. Un véritable jardin de délices pour les poètes. Un
régal visuel pour tout un chacun et en prime un paysage qui
exhale les parfums de la Haute Provence. Les dentelles
se découpent, telle une véritable sculpture naturelle, dans
le ciel bleu azur de Provence. Elles dominent de leurs
aiguilles déchiquetées les garrigues et les terrasses
caillouteuses envahies par le vignoble de Gigondas. Le
petit massif rocheux est circonscrit par une kyrielle de
petits villages qui sont classés parmi les « Plus beaux de
France » et proposent pratiquement tous des vins de grande
qualité. Beaumes-de-Venise, réputé pour son muscat,
rivalise de finesse avec les vins gorgés de soleil de
Gigondas. La commune de Vacqueyras n’est pas en reste et la
cité fortifiée de Séguret tient aussi à son AOC. Les
villages perchés, troglodytes ou accrochés à un piton
rocheux y sont légion. La Roque Alric, Suzette et Séguret
n’en sont que quelques exemples.
Il va de soi donc que les chambres d’hôtes et les gîtes
d’étape fleurissent dans tous les coins de la région. Pas
étonnant dès lors quand on apprend qu’à Beaumes-de-Venise
par exemple, la population double automatiquement à la
belle saison.
C’est dans ce cadre exceptionnel que je me suis offert une
courte – mais très intense - balade autour des trois
aiguilles maîtresses.
Mon parcours démarre de mon quartier général, établi à « l’Espaze »
en bordure du vignoble St Sauveur, au sud de Beaumes-de-V.
Les premiers coups de pédale se déroulent entre les
vignobles dans un relief peu accidenté. Je m’octroie une
courte halte à Beaumes-de-V. qui est appuyé contre une
falaise truffée de grottes (=beaumes). Ensuite, direction
« Malaucène ». Je remonte le cours de La Salette jusqu’aux
abords de Lafare, là où un petit pont enjambe le torrent.
Virage de 180° à gauche. Au bout d’une dizaine de mètres le
chemin redresse l’échine et me voilà bien vite au cœur d’un
immense champ de vignes où il se dresse trois gigantesques
rochers. Ces aiguilles rocheuses écrasent le paysage de
leur masse. Aussi, s’orienter dans les vignes du Seigneur
devient-il un jeu d’enfant puisque l’excursion gravite
autour de ces immenses rochers. Malgré une hésitation à la
première grande croisée de chemins, je me résous à prendre
la piste bordée de part et d’autre de bonbonnes de gaz. Que
peuvent-elles bien faire en ce lieu ?
La large piste se prête à merveille pour le VTT. D’autant
plus que les verts se conjuguent à tous les temps sous un
plafond de bleu. En outre, le chemin est un accès entretenu
par les pouvoirs publics pour combattre les incendies.
Deuxième carrefour. Un poteau indicateur renseigne la
direction du col d’Asau.
Holà ! Voilà du neuf sous le soleil ! Je rencontre un
premier chasseur bariolé d’un baudrier orange qui fait le
pied de grue. Le fusil prêt à faire feu. Tous les cinq
cents mètres maintenant, je croise un de ses
coreligionnaires dont la mine patibulaire s’accentue au fur
et à mesure au fil du temps. Quel drôle de chemin de
croix ! En effet, si une envie prenait à l’un des
gaillards de me tirer comme un lapin…! Aïe ! Aïe ! Aïe !
Ce n’est qu’au col de Cayron que le chassé-croisé prend
fin. Sans le moindre écho de coup de feu. Je m’en trouve
fort aise. La forêt et la garrigue reprennent un moment
leurs droits.
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Arrivée de Dominique au col de Suzette |
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La croisée des chemins du col de Cayron m’invite à la
réflexion. Dilemme ! A gauche, la piste descend entre les
vignes sur Gigondas, tout droit elle remonte vers le col de
Suzette et à droite, le chemin rejoint le village de Lafare.
Mon cœur balance entre les trois directions qui répondent
toutes à ma fantaisie quoique le col de Suzette, qui offre
un magnifique point de vue sur le château du Barroux, ait
été franchi le jour précédent via le parcours de rêve du col
de Champ-Paga et du village perché de La Roque Alric. Je
tranche pour la descente sur Lafare qui débouche dans une
combe envahie par une propriété et des vignobles. Le bitume
refait son apparition. Soudain, comme par enchantement,
toute la vallée se découvre à mes yeux et c’est par une
descente vertigineuse que j’aboutis au centre de Lafare. De
là, il ne me reste plus qu’à flâner pour retrouver « l’Espaze »
qui, entre nous soit dit, est un petit nid douillet isolé
en rase campagne, idéal pour abriter les amours d’un couple
de tourtereaux ! Et, excellent de surcroît, pour
requinquer le moral d’un randonneur sur le retour !
Deux jours plus tôt, une balade pédestre au départ de
Séguret, un petit village fortifié aux ruelles pentues,
m’avait déjà fait découvrir un large panorama sur les
Dentelles de Montmirail et la plaine du Comtat de Venaissin.
Encore un site qui mérite le détour !
Séguret
Et pour conclure, une devinette ! Connaissez-vous le comble
d’un insatiable grimpeur invétéré et inconditionnel depuis
près d’un quart de siècle ?
C’est le gars qui loge pendant une semaine au pied du
Ventoux, le scrute sous tous ses angles et finalement le
grimpe allègrement …en auto ! Incroyable mais l’exploit,
qui n’est pas à la portée de tous, n’est pas prêt d’être
oublié par l’intéressé. Même lorsqu’il reposera six pouces
sous terre. Cependant…le philosophe ne dit-il pas : « Il
faut un début à tout !».
Voilà où en est arrivé l’écrivassier ! Hélas !
Eté 2001
bruffaertsjo@skynet.be
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