1. L’intro
Comme introduction à ma bafouille, je requiers un peu de
mansuétude, car cette fois, je joue les prolongations ! La
fin de mon parcours se précise vachement ! Aussi, avant
d’embrasser la sorcière aux dents vertes pour l’éternité, il
m’apparaît pertinent de mettre en lumière quelques
révélations. Les copains précédés d’abord par un mot sur
mes fieffés démons. Des réminiscences pour conclure.
Si j’en appelle au philosophe, je ressemble d’ores et
déjà à un zombie étant donné que je me suis virtuellement
déconnecté de la vie courante depuis un bon bout de temps.
Etonnement, admiration et curiosité sont des mots scratchés
de mon jargon. Je n’ai plus la pêche de barouder à
l’étranger, pas plus de vadrouiller dans les coins reculés
de ma cambrousse. Je suis au bout du rouleau ! Il est donc
ultra temps de balayer devant ma porte puisque si je m’en
réfère à Baudelaire, il serait déjà plus tard que je ne le
crois.
* Décodage des mots policés en ocre : cf. Glossaire en fin
d’article
2. Mon credo
A près de septante-cinq
balais, me voilà donc contraint de limiter mon activité
physique à une bonne centaine de bornes par semaine. Il
s’agit de randonnée à vélo, "of
course". Pendant plusieurs décennies, j’ai prôné
cette pratique et j’en ai commenté les bienfaits.
Aujourd’hui cependant, le moteur a périodiquement des ratés
et les pièces de rechange déclinent le pathétique à toutes
les nostalgies. Aussi ne me reste-t-il plus qu’à m’éclater
comme Pierrot lunaire ! Mon chant du cygne, c’est clair !
Notez bien que j’ai banni de mon
parlement
l’expression "voyage itinérant à vélo" ! En effet, il y a
lieu de faire la distinction entre un cyclotouriste et un
cyclo-randonneur. Le cyclotouriste est un amateur de
promenade à vélo alors que le terme de randonneur désigne
celui ou celle qui s’engage dans une aventure dont les
données telles que les distances, le timing, le parcours,
etc. sont imposés par une organisation officielle ou de par
sa propre volonté. En clair, mon premier est un
dilettantiste du vélo, mon second un stakhanoviste auquel
j’assimile le toxico de la Petite Reine. Les deux
disciplines sont louables mais incomparables. L’une vaut
l’autre : "Miss Balade" se désolant d’avoir snobé l’émotion
d’écraser les pédales, "Miss Performance" regrettant d’avoir
boycotté une curiosité sur le trajet. Un mix raisonnable
des deux et, tu rentres gagnant puisque le dosage savant
d’orgueil et d’humilité est la formule idéale pour réussir
le pari du vélo. Un des plus beaux qui soit au monde pour
s’auto-évaluer !
Pour raconter un tant soit peu ma folle passion, j’ai épuisé
tous les genres littéraires comme le billet d’humeur, la
polémique, la bafouille idiote, le dithyrambe
pseudo-intello, la parodie et des charretées de chroniques
déclinées à tous les états d’âme. Bien que je me sois
appliqué à dépasser la notion égotiste, ces notes éparses
n’ont jamais décollé la rubrique des chiens écrasés. Normal
pour le paroissien, tristounet pour ma pomme. Ma belgitude
se complaît trop dans sa platitude. Tiens ! Voilà une rime
dite riche qui ne m’a jamais rapporté un clou ! Remarquez
au passage que les idées ne me font toujours pas défaut.
Aussi, si j’avais eu davantage d’audace et de culot dans ma
verbosité, j’aurais produit une œuvre immortelle intitulée
"VELO IN LOVE, mémoires d’une nympho-cyclopathe". Un titre
qui eût été adapté en fonction de chaque pays de la
Francophonie ! Jugez-en par vous-même ! "Les coups de
flingue d’Agace-pissette" pour les Acadiens ; "Les Six Jours
de Miss Foufoune" à Brukselle ; à
Biroute, "La
mouquère grimpe le radada en danseuse" et chez les
Bamboulas, "L’inconnue troque son Beau Vélo pour un
Golo-Golo". Quant à la métropole, j’inclinerais plutôt
pour "Chaud devant, augmente la pression Titine !"
Bref ! Une suite de saturnales qui ridiculiserait les
plaisirs de Sodome et Gomorrhe. Un feuilleton classé XXX
qui relèguerait les frasques de la Grande Prostituée de
Babylone à des historiettes pour premières communiantes.
Fesse, intrigue et sexe, voilà les adjuvants indispensables
pour pondre un chef-d’œuvre. Hélas ! Ce genre de prose ne
fait pas toujours l’unanimité. OK ! Mais soyons un rien
sérieux ! Ce n’est pas le récit des amours d’un
couraillon pour sa
superbe bécane fluo, ni les gazouillis et les trémolos
romantiques d’un couple d’hirondelles qui boosteront l’envie
de dévorer un livre.
En contrepartie, il est des bestsellers dont raffolent les
pipelettes. Je suppose que vous avez tous entendu parler de
"Kardashian Konfidential" dans lequel la voluptueuse Kim
accouche ses secrets sur une peau de velot. Car ça, n’est ni
con, ni chiant ! Voilà un livre de chevet qu’il faut
absolument acquérir si vous tenez à faire dans la dentelle.
Ah oui mais non !
Quoi ? Je vous cours sur le haricot avec mes salades !
Bon ! Ben alors je vous propose de courir
la gueuze. Le goût
du fruit défendu enchantera au moins un palais. Le mien,
tiens donc ! En résumé, quoi qu’il en soit et, toute honte
bue, c’est le manque de toupet qui m’a probablement privé du
fauteuil n°3 de l’Académie française, celui de la
Guiguite à Court
de craie ! Dommage, c’eût été l’apothéose de
BIG n°3 de la confrérie des fous grimpants du "Bigcycling"
car lui, il a toujours un crayon en poche.
Mais voilà … je m’en suis tenu au style narratif BCBG qui ne
mord jamais la ligne blanche. Du coup, les carnets, que
j’ai systématiquement accouchés avec des fers, moisiront
dans un cul-de-basse-fosse pour l’éternité.
Quand je pense que Daniel a composé un chef-d’œuvre
littéraire en glanant les mémoires d’une légende vivante de
son époque, je sens mon
dikkenek se dégonfler comme une baudruche.
N’allez pas croire que je revendique la qualité de son
écriture ! Absolument pas ! Par contre, mes péripéties et
mes élucubrations à la noix de coco, elles se ramassent à la
pelle automatique ! Suffirait le contenu d’un simple
"godet inclinable" pour obtenir un cycliste du troisième type !
Oufti !
J’ai oublié de présenter Daniel ! Il ne s’agit pas du
prophète mais de Daniel Defoe bien sûr, l’auteur de Robinson
Crusoë, un récit d’aventures que les jeunes snobent de nos
jours au profit d’une série comme "Adam recherche Eve".
Normal ! Alors que Robinson se couvrait de peaux et
d'oripeaux pour survivre, la télé propose des émissions
"survie" avec des super-Robinsons et des super-Robinsonnettes
vêtus d’une seule pochette contenant un couteau ou des
allumettes. Sous l’œil permanent d’une caméra cachée
??? Hélas, les images ne flattent guère les lotos ! Trop
d’images floutées ! Flop !
Désolé pour les « Daniel » qui ont vu briller un instant
leur blase en haut de l’affiche !
Les aventures de Robinson Crusoë s’étalent sur un peu plus
d’un quart de siècle. Vingt-huit ans exactement. On sait
que pendant son exil forcé, il n’a eu Vendredi que pour seul
compagnon.
1976
Ardennes
André
3. Les copains
A la différence de Robinson, j'ai eu trois fidèles
compagnons d'un tempérament et d'une nature complètement
opposés. André, mon aîné de six printemps, un
personnage truculent, boute-en-train, tribun, curieux, anar,
égocentrique, ripailleur et rabelaisien fut le coéquipier
des tours pendables pendant les huit années qui ont suivi
mon mariage avec sa cousine préférée. Escapades déjantées,
toquades burlesques et vélo-folies seront les maîtres-mots
tout au long de cette époque cinoque ! Elles ont été
inhumées en même temps que le cousin. R.I.P.
Notre seule expédition hors de nos frontières ! Une escapade
cévenole qui connaîtra son point d'orgue le jour d’une
intrusion involontaire dans la parade amoureuse d'un
tétras-lyre. Le coq de bruyère, prêt à combattre,
n'abandonna pas l'arène nuptiale alors que la poule se
réfugiait dans un proche boqueteau. Sitôt après, le bel
emplumé nous gratifia de la danse du scalp !
Epoustouflant ! Une vision de quoi attraper la chair de
poule !
1986 Drôme
Frans
Mes premiers souvenirs écrits remontent à l'année 1984 quand
je fais parvenir le compte-rendu de la Randonnée des
Feuilles d'Or à de nombreux compagnons de route. Un poulet
étique et rachitique. Mais ... pour la première fois,
l'encre me devient sympathique. Elle restera mon alliée
jusqu’au jour où l’on me mettra sur orbite pour déconner à
perpétuité.
Dans ce premier récit, je cite la présence de Frans,
mon deuxième partenaire attitré. Il m'accompagnera dans la
plupart des organisations officielles de la Fédération Belge
de Cyclotourisme jusqu'au début des années
nonante. Un
Flamin pur jus de ma
génération, sportif endurci, ascète, taiseux et introverti,
tout mon contraire. Et encore, dévoué, consciencieux et
sérieux comme un pape, il sera le coéquipier idéal pour
bouffer du brevet à longueur d'année pendant plus d'une
décennie. Un concentré appliqué sans arrêt de nez dans le
guidon. Les kilomètres s'avéraient toujours trop courts !
Y avait intérêt que les bielles baignassent dans l’huile
pour accompagner ce diesel qui montait en puissance au fil
des heures.
Bref ! A l’époque, l’ivraie côtoyait déjà le bon grain !
Le splitsing
communautaire de la fédé (divorce à la belge) sera à
l'origine de notre éloignement progressif.
Puisque je suis amené à évoquer la Fédération Belge de
Cyclotourisme, Michel, le rédac'chef de la revue
fédérale, est un personnage que je me dois de mentionner
pour sa contribution à l’expansion du cyclotourisme dans les
bosses du plat pays qui est le nôtre.
2018
Malte (Melitella) Dominique
Quant au troisième larron, mon ami Dominique, de dix
ans mon cadet, figure charismatique tantôt réservée, tantôt
volubile, nous vieillissons ensemble mais séparé depuis des
lustres. Ce bout de phrase n'ouvre pas la boîte à Pandore.
Par contre, elle est la clé de la bonne fortune. Une
fortune qui n'a pas de prix attendu que l'équipier
occasionnel s'est affirmé très vite comme un partenaire
régulier, voire s'est chrysalidé en un ami fidèle.
Naissance d'un BIG bazar ! En fait, c'est la toute première
équipée en Provence qui scella nos liens d'amitié. Dix ans
plus tard, on remettait le couvert au même endroit. Nous y
avons vécu un rodéo cycliste tout à fait unique,
spectaculaire, sans pareil et rocambolesque. En forçant un
barrage d'accès d'une bourgade, nous nous sommes retrouvés
au cœur du village où avait lieu un lâcher de taureau dans
les rues. Fait unique dans les annales intergalactiques, ce
jour-là un taurillon vit le monde tourner à l'envers. Il
assista à une première puisqu'au lieu de se faire
aiguillonner, il a vu caleter à fond la caisse les picadors
montés sur des rosses d'acier. Une geste d’art au pied des
"Baux-de-Provence" ! Qué bozar !
Un compagnon de route, qui met ce type de gag au programme,
est digne d'être mis à l'honneur. J’accorde une oreille et
un bout de queue (du toro !) à ce matador d’exception !
De toute ma vie de plumitif, le Tout-Puissant ne s'était
jamais manifesté avec autant de pompe pour m'aider à brosser
un portrait. Une strophe de neuf vers qui résume un copain
d’exception. Dominique est le partenaire sans lequel le
voyage à vélo eût pris une tout autre tournure. C'est dans
les archives de l'OBS que le Bon Dieu m'a déniché le poème
en acrostiche ! Ce que je trouve sidérant, c'est qu'à une
virgule près, le neuvain colle à la peau du personnage.
Merci petit Bon Dieu !
Détermination
et stratégie sont tes modes de vie, aucun
Obstacle
ne résiste à ta logique
Méthodique,
tu agis toujours avec raison
Incarnation
de l'énergie et de la vitalité, jamais rien
Ne
t'arrête dans ta marche vers ton avenir
Infatigable,
tu avances sans te retourner
Quant
à ton caractère, son originalité le rend
Unique
et admirable, tu
Es
une personne à part, que j'apprécie et aime côtoyer.
Huit jours plus tard ! Ne voilà-t-il pas que le même Bon
Dieu relance le "Marot" de service et lui chuchote les
stances du "Beau Tétin" de sa copine Sœur Sourire. Il lui
souffle à l’oreille son tube planétaire et lui demande de le
parodier en vue d’affiner la personnalité du copain.
♪♪♪ Dominique, nique, nique
S’en allait tout simplement
Routier, curieux, cyclant
En tous chemins, en tous lieux
Parle que d’vélo, son dieu
Parle que d’vélo, son dieu ♪♪♪
♪♪♪ À l’époque où Daniel, amer, connut la misère du monde
Dominique notre frère, le remplaça par sa faconde ♪♪♪
♪♪♪ Dominique, nique, nique … ♪♪♪
Etc, etc, etc.
Comme c’est grâce au Bon Dieu que je dois cette avalanche de
compliments, je souhaitais que Dominique clôturât la page en
offrant un lumignon à la gloire de Notre-Dame de la
Victoire. Eh bien, sans le savoir, il l’a flashée en
remerciement par deux fois,
en stoemmelings
svp !
Ch’est ti pas biau, ça ?
Un mot sur le dernier carré ! Avant de découvrir Malte en
image, la probité exige que je mentionne pour la forme les
Eddy, Guy (†), Bernard, Jules (†), Michel, Daniel, Marc,
André et autres Gégé (†) qui m’ont accompagné à l’occasion
sur quelques bornes tout au long de ces quarante
glorieuses. Sans compter l’indispensable partenaire qui fut
à mes côtés dès la première heure sans piper mot. Un
compagnon silencieux ! J’y reviendrai après un intermède et
une première galerie de photos sur Malte.
4. La Rando
Malta :
step by step (pour
les Frenchies : Malte - jour après jour)
Jour 1
Une escapade de six jours (arrivée et départ compris), c’est
peu mais suffisant pour quadriller un rocher sous tous les
angles. En effet, l’île est grande comme trois fois la
superficie de Paris, soit deux fois celle de la région
Bruxelles-capitale. Dès lors, une journée suffit amplement
pour en faire le tour à vélo. Pour un cyclo-randonneur
bien-entendu !
Quant à moi, moins d’une heure après le remontage laborieux
des vélos à l’aéroport de Luqa, il m’a fallu à peine 15 km
pour cogner carrément le mur qui donne accès à la citadelle
de Mdina. La seconde fois de mon existence que la chaudière
explosait en mille éclats ! Que je m’affale archi-cuit à
l’ombre d’un muret. Bye bye Malta avant que le pistolet du
starter ait retenti. La première Bérézina est une vieille
histoire. Il était une fois, il y a tout juste un
demi-siècle. Je m’étais écroulé, dégobillant mes tripes à
même le sol, au terme d’un parcours du combattant, la
troisième épreuve d’un pentathlon militaire.
Quant au coup de buis maltais ?
Kèsako, d’où vient
la défaillance ? La chaleur, le vent debout, la fringale,
la forte circulation, le stress, le poids des bagages à
moins que ce ne soit celui des années ? Peu importe, mes
ailes me trahirent comme celles d’Icare à tel point que
Dominique en perdit derechef les pédales. Après ma descente
aux enfers, il subodora une randonnée laborieuse à
rebondissements. Mais … les coups de pompe étant faits pour
être surmontés, on fait le plein et, le soir, Dominique se
tape un apéro et un plat maltais peu appétissant pendant
qu’une Skoll et un simple bolo à 5 € me remettent sur pied.
Doucement les basses ! Mon souci reste entier !
Bien plus tard, quand l’ami m’apprit que la montée à la
Mdina s’apparentait à un vulgaire coup de cul, ma
déconfiture prit une tout autre tournure. Il ne me reste
plus qu’à rouler à la papa pour le reste de mes jours !
Prochain circuit : le train mexicain aux dominos !
Puristes littéraires, daignez fermer les yeux sur mon bon
usage de la grammaire.
Jour 2
Nous mettons le cap sur la capitale pour remplacer un rayon
de la roue arrière de mon compagnon de route. Un premier
arrêt à la citadelle de Mdina, surnommée la "Ville
silencieuse", qui est déserte pour l’heure. Dédale de
ruelles étroites et sombres. Sans les Vierges Marie à tous
les coins de rue, on se croirait aisément dans une casbah
maghrébine. Pas un mégot à terre, pas une crotte de chien,
pas un tag. Une tranquillité apaisante plombe la "Citta
Notabile", la ville noble. Atmosphère cataleptique. Une
ville au patrimoine historique exceptionnel. A voir.
En bordure de la nationale, nous sommes amenés à longer en
surplomb une immense carrière à ciel ouvert qui extrait du
calcaire à globigérine. Les blocs de pierre de couleur miel
sont utilisés tant pour les palais que pour les maisons
ordinaires.
Ensuite, comme "La Rotunda de Mosta" est sur le trajet, nous
y faisons une halte et nous déposons nos dévotions au
Sanctuaire de Sainte-Marie-de-l’Assomption et ce, après
l’agression intempestive d’une circulation routière qui nous
collera aux fesses tout au long du séjour. Ce n’est pas
pour rien que Malte est un des pays de l’Europe qui possède
un des plus grands taux de voitures par habitants. Tenez
compte que la conduite à gauche désavantage les cyclistes
dans les ronds-points. Pendant que vous y êtes, notez avec
soin les coordonnées du vélociste * parce qu’il est un des
rares ateliers de l’île. Le magasin est localisé à San
Gwann à l’ouest de Ta Sliema, une station balnéaire
limitrophe de La Valette. Service impeccable ! Réparation
sur le champ au prix démocratique de 10 €. Le magasin
dispose aussi d’un stock de vélos de location.
Bref ! La bonne adresse !
Après la réparation, nous rejoignons en roue libre la baie
de Sliema. La journée n’étant pas hypothéquée par le souci
mécanique, une belle étape nous sourit. Flânerie sur la
route côtière et visite quadrillée des
highlights de La
Valette. La cité regorge de rues sympathiques et de
bâtiments classés.
La chapelle de Notre-Dame de la Victoire sort du lot.
Située à proximité de la Fontaine aux Tritons, son nom
commémore la victoire des chevaliers de l’ordre de St Jean
de Jérusalem sur les Turcs lors du Grand Siège en 1565 (cf.
La Religion). Elle fut le premier édifice reconstruit de la
nouvelle ville en 1566. Les peintures de la voûte ont fait
l’objet d’une restauration très soignée ! (Photos
interdites). En outre, on déambule dans un climat proche de
celui de Montmartre au mois d’août.
Les émotions du jour précédent sont effacées en prolongeant
l’apéro et en dégustant une pizza en compagnie de la Reine
Victoria qui nous toise sévèrement du haut de son trône en
granit.
Une distraction malencontreuse! Nous avons omis d’admirer
les façades des auberges de France, d’Allemagne, de
Castille, etc. qui avaient été les logements des chevaliers
de l’ordre durant le Grand Siège.
Dans un trafic toujours aussi confus, nous prenons la
direction du Ta’ Dmejrek qui défie les falaises de Dingli,
berceau et repos éternel du poète Francis Ebejer. Un BIG où
Erato soufflera jusqu’à la fin des temps les
grandes espérances de l’humanité Cette falaise respire
l’éternité ! Quant au panorama, l’environnement naturel est
intact. Nombreux points de vue. Belle promenade sur un
relief ascendant mais le Ta’Dmerjek n’est pas un épouvantail
quel qu’en soit le point de départ.
Jour 3
Transhumance vers l’île de Gozo via l’ascension de quatre
calvaires. La végétation se limite à des paquets de
figuiers de Barbarie. Aucune rivière, aucun étang. Très
peu de fleurs, pas de forêt. Sur la lande, ni vaches, ni
chèvres, ni moutons. Paysage aride et garrigue très peu
odorante. Cette observation est valable pour une grande
partie de l’île. La carte IGN.Fr est fallacieuse. Quand on
l’analyse, on s’imagine une balade à vélo de tout repos.
Cette carte à courbes de niveau est un vrai traquenard, même
si le point culminant ne dépasse pas les 27O m. Eu égard à
mes états de service dans le passé, qui est en quelque sorte
le cimetière de mes illusions, je ne dévoilerai pas la
distance totale de l’étape mais sachez toutefois que la
dénivellation positive du séjour dépasse largement les 3.250
m. Soit un Brevet Ardennais du Randonneur corsé ! Pas mal
pour une région dite plate comme une crêpe !
Me revoilà recuit au terminal de Cirkewwa en montant sur le
ferry pour l’île de Gozo. Embarquement immédiat ! Une
bonne demi-heure plus tard, notre duo se sépare, l’un allant
à l’aventure, le second s’engouffrant dans le royaume des
grenouilles de bénitier de la Madonna Ta’Loreto de M’Garr.
En sortant de l’église, j’aperçois Dominique qui prend le
frais sous un big parasol et qui savoure une bibine sur la
terrasse du Ghaqda Muzikali San Guzepp. Coup de bol ! Je
récupère sa tablette multimédia sur le zinc de la
cafétéria. Une pizza (5€) pour déjeuner et une méridienne
sous le parasol avant de nous présenter à la réception de la
résidence. Le gîte est parfait. Comme toujours, Dominique
a organisé la logistique d’une main de maître. Le stratège,
doublé d’une âme de nounou, trône de surcroît en tête du hit
parade du BIG. En fait, je suis nanti du cicérone idéal !
Le temps de piquer une tête dans la piscine et, nous
repartons à l’assaut de la citadelle de Victoria (Rabat).
Du haut du chemin de ronde, la vue panoramique englobe
pratiquement toute la surface de l’île. Un must ! Quant au
centre-ville, c’est une petite cité médiévale animée avec
quelques maisons de caractère, sans plus.
La veille, alors qu’il compulsait sa tablette à Ghain Klieb
Melitella, notre camp de base, Dominique avait subi
l’agression d’un escadron de mosquitos. Etant extrêmement
sensible aux courants d’air et à l’airco, je me réfugie sous
le patio où je finis par m’assoupir. Au petit matin, à mon
tour de découvrir mes cuisses bouffées par les moustiques
qui ont usiné en sourdine ! Un carnage identique à celui du
copain.
Anecdote nocturne scato-écologique ! Toutes les nuits, je
suis contraint de me relever pour vidanger ma poche à
malt. Or, je me suis retrouvé piégé sous le patio sans
avoir accès à des toilettes. Pour satisfaire mon besoin,
j’ai quatre choix. Primo, je pisse dans la piscine et
personne n’y verra que dalle. D’accord mais… je trouve ça
trop crado ! Deuxio, je pisse dans la cabine de douche.
C’est pas mieux que la piscine. Tertio, je me soulage
contre un mur (de lamentations). Exclu, je respecte les
autres croyances. Reste un énorme yucca enseveli sous une
montagne de mégots de cigarettes. Sans aucun scrupule,
j’administre mon pastaga dépuratif au crassier. Aussitôt,
le détergent naturel creuse des cratères qui libèrent une
flopée de fumerolles et redonnent de la vie à l’agave. Mon
partenaire, grand amateur de plantes vertes, n’a pas
apprécié ma B.A !
Pourtant, cette action a fait beaucoup de bien à la nature,
à la mienne en particulier !
Jour 4
Compte tenu du relief accidenté, nous optons de ne pas nous
attarder sur Gozo. En dépit d’une communication laborieuse
avec les préposés de la compagnie maritime, nous bénéficions
à nouveau d’un ferry, qui part à vide, 5 minutes après notre
accès sur l’aire d’embarquement. Le trajet de
l’aller-retour Malte-Gozo ne se règle qu’une seule fois au
retour vers la capitale. Le coût de la traversée n’excède
guère plus que celui d’un ticket de métro. Pour retourner à
notre camp de base, nous longeons la côte N-O en nous
octroyant une trempette dans la baie de Saint Paul. Addio
bella Mare à hauteur de la Tour Wignacourt et nous reprenons
la départementale animée qui remonte vers Rabat via Mosta où
nous faisons halte devant " La Rotunda ". Nous nous faisons
gruger par la robe d’une Cisk (bière locale) qui n’aura
malheureusement pas l’heur de flatter notre palais.
L’exquise Omer.
a encore de beaux jours devant soi ! Faut vous dire,
Messieurs Dames, que l’aîné consomme beaucoup plus d’énergie
que le cadet. Aussi est-il nécessaire de contrôler à heure
et à temps sa jauge de carburant ! Surtout en vue du mur de
Mdina qui sera cependant évité grâce à une route parallèle.
Voilà un avantage indéniable de partir en vadrouille assisté
d’un pigeon voyageur de compétition. Un champion en
l’occurrence ! A tel point que … notre tôlière ne nous
attendait pas de sitôt. Sachez pour votre gouverne que la
précieuse poche à malt n’a jamais eu une influence néfaste
sur la suite d’une randonnée (sic).
Courte halte pendant laquelle nous nous changeons et nous
nous ravitaillons avec les reliefs de la veille avant de
chasser le BIG n° 2 du séjour. C’est une route qui s’en va
mourir au bord d’une falaise. Le Tal Merhla est une
grimpette honnête sans surprise. En effet, il est
obligatoire de la descendre avant d’en faire l’ascension.
En outre, bitume impeccable jusqu’au sommet que d’aucuns
peuvent contester puisque le pinacle de la montagne est
situé en amont. Excepté le tronçon susdit, les chemins sont
très chaotiques dès qu’on quitte les départementales et les
nationales. Attention aux coups de jante et aux autos en
sens inverse. Dominique s’interroge encore à ce jour
comment il a réussi à passer entre les mailles d’un crash
quasi inévitable. Il en a encore la chair de poule. A
Malte, les cyclistes n’ont pas droit de cité ! Ne l’oubliez
jamais !
Ce ne sont pas les "markets" qui manquent à Ir-Rabat. Sans
avoir fait une étude de marché, nous pouvons affirmer que le
coût de la vie à Malte est inférieur à celui de la
Belgique. Par contre, j’ai surpris un chaland compléter ses
commissions par l’achat de 3 cigarettes ! Quant au prix de
la clope à la pièce, mystère !
Soirée tranquille au gîte de Ghain Klieb Melitella
(Ir-Rabat).
Jour 5
Que nous réserve la dernière balade ?
En gros, nous avons pointé les sites incontournables que
sont les fouilles préhistoriques de Hagar Qim, la Grotte
Bleue et le port de Marsaxlokk.
Le cagnard tape toujours aussi sec. Tout fond comme crème à
la glace au soleil !
En principe, le relief de cette dernière journée est
beaucoup moins exigeant que celui du N-O de l’île. De fait,
ça descend plus que ça monte … dans un premier temps.
Quant aux sites touristiques, je cède le relais du
commentaire aux professionnels du tourisme. Par contre, nos
impressions sont d’un autre ordre. Un GPS est un instrument
obligatoire dès que l’on s’aventure dans la cambrousse.
Sinon, bonjour la galère ! Faut savoir, braves gens, que
les noms des bourgs inscrits sur votre carte routière sont
différents de ceux indiqués aux carrefours importants.
Autre constat : la grande majorité des localités sont
perchées sur un piton rocheux. Sauf les ports qui
trempent leurs pieds dans l’eau, "of
course". Cependant, un coup de reins n’est
jamais exclu ! Dominique est intrigué par les immenses
drapeaux qui flottent sur Zurrieq, une ville située à
quelque 2 km de la Grotte Bleue dont la couleur de l’eau
ravit les mirettes du quidam le plus ronchon. Réponse
remise au jour suivant ! Le lendemain matin en effet, il
verra à l’horizon des panaches de fumée s’élever dans le
ciel suite à des explosions à ne plus en finir. Les
Maltais apprécient encore et toujours de tirer au canon
quand ils font la fête. D’autres préfèrent boire un
canon ! Le tout est une question de tempérament !
Avant de parvenir sur le bord de mer, nous traversons la
zone de Hal Far, le
" 127 bis"
maltais où des Noirs désœuvrés pianotent tous, sans une
exception, sur des p’tits claviers comme des abrutis. Qui
assis, qui debout, qui affalé ! Une humanité laissée pour
compte ! Un monde à la dérive mais qui, paradoxalement,
utilise les moyens de communication les plus pointus du
marché !
Trois bornes plus loin, Dominique retrouve ses très chers
petits bateaux à Birzebuggia. C’est notre dernière chance
de piquer une tête dans la Grande Bleue et, nous ne la
loupons pas. D’autant plus que nous avions éliminé toutes
les plages de sable de notre périple.
Flânerie, apéro et déjeuner sur les quais de Marsaxlokk,
face au port de pêche avec ses barques colorées appelées
Luzzi. Pas de bol, mon coéquipier fait le mauvais choix.
Sa soupe aux poissons est une foire aux arêtes. Mais le vin
blanc sauve la mise et, une fois cuvé, nous remettons le
cap sur Melitella (Rabat).
Quelques kilomètres plus loin sur les hauteurs. Voilà que
mon portable se met à bourdonner. Je cafouille pour
l’extraire de ma poche arrière du maillot. Me crispe.
M’irrite. M’énerve. Je perds les pédales. Je coupe la
communication. À Siggiewi, comme j’ai l’intention de payer
un coup à boire à Dominique, je farfouille mes poches et
constate avec effroi que mon portefeuille, contenant tout
mon viatique, a mis les voiles. La cata ! À partir de ce
moment, je sombre dans un état irrationnel et incohérent.
Je fais demi-tour et plante mon copain dans l’espoir de
retrouver mes billes.
Et puis, et puis ... je roule à fond la caisse, me trompe de
direction tant et bien que x temps plus tard, J’aperçois
Dominique qui s’en vient à ma rencontre à proximité de la
Grotte Bleue. D’où sort-il ? Je suis dans le cirage
jusqu’au cou. Me voilà comme un oiseau piégé dans une cage
en verre ! Grâce à lui, on localise l’endroit présumé de la
perte de ma fortune. Hélas ! Nib, rien de rien ! Retour au
"Café de Paris" sur le port. Que dalle ! Bureau de police
de Marsaxlokk, fermé ! Nous sommes vendredi après-midi.
Téléphone à Bruxelles pour la mise au courant des péripéties
et pour bloquer la carte Visa. Rush vers le bureau de
police de l’aéroport pour la déclaration de perte. Les
flics font leur job, parlent un anglais arrosé de malt,
évoquent l’intervention de l’ambassade, … et moi, et moi,
et moi, je roule dans la pampa. Allègrement et connement !
Alors que pour tout bon fonctionnaire, ça suit son cours.
Oublie ton français, il est en marge de rejoindre bientôt le
peloton des langues mortes.
Trekt a
plan, kameroed ! L’embrouille, c’est que le
départ pour Bruxelles est fixé au lendemain tantôt. Jour
férié ou non, autant en emporte le vent. Cela sent bigrement
le retour différé. J’entends Dominique me proposer sa carte
Visa et sa tablette multimédia pour me dépanner. Je ne
broie pas du noir, je bats la campagne à fond la caisse.
Comme un mec qui a fumé une chiée de pétards ! Il n’y a
plus qu’à subir les événements et retourner à notre camp de
base de Melitella. La pénombre nous surprend sur le trajet
et nous invite à hausser le tempo. Comme le jour de notre
arrivée, nous accédons à la citadelle de Mdina par le mur de
Tas Saqqaija auquel je refuse cette fois-ci de rendre les
honneurs du pied bien que plus de 90 km aient été parcourus.
La nuit noire est tombée, plus question d’état d’âme surtout
venant d’un Gonzales speedé. "Ay Caramba ! "
A peine avons-nous réintégré notre gîte, que Nadia m’appelle
pour me rassurer que le portefeuille a été retrouvé et qu’il
est consigné au bureau de police de Birzebuggia, le port
voisin de Marsaxlokk. Aussitôt, notre logeuse se propose de
donner un coup de fil à la permanence qui confirme les
faits. Elle offre même ses services pour aller récupérer
subito presto mon bien en auto. Je décline spontanément
cette offre charitable étant donné que le lendemain, nous
aurons largement le temps de recouvrer les papiers. Malgré
la bonne nouvelle, le phénix maltese ne renaîtra jamais de
ses cendres. Normal puisqu’il n’y a pas de bois dans
l’île !
Jour 6
Le lendemain matin, je récupère l’intégralité de mon bien.
Coup de bol ! Tout y est.
Il ne me reste qu’à tenir un engagement. Celui de
recommander le gîte de Rabat aux chasseurs de BIG. Sa
situation est idéale pour épingler les 2 Bigs repris sur
l’île de Malte. Le logement est indépendant et la
maisonnette est pourvue de toutes les commodités pour un
séjour autonome de longue durée. Pensez à emporter dans vos
bagages un adaptateur de prise électrique multi standard.
Aucune nuisance de la route départementale qui passe à
quelque 300 m de là. Un jardinet jouxte le gîte que la
propriétaire a aménagé d’une cascatelle qui je jette dans
une mare remplies de poissons rouges. Un immense caroubier
coiffe l’entrée du bâtiment qui, dès le mois d’août, se
débarrasse de ses gousses brunes (haricot) qui ont un goût
de chocolat. Trois grands pins complètent le tableau.
C’est pas Versailles mais ça donne un petit air d’oasis. Le
logeur doit partager la terrasse avec une poule grise, un
chat blanc tacheté et subir quelque peu les inconvénients du
haras voisin. Parking éventuel à disposition. Les
coordonnées sont reprises en fin de commentaire. **
Il Silenzio
Qui a percé l’identité de mon partenaire imaginaire ? Cet
alter ego qui vaut de l’or et que je résume par un simple
tercet de mirliton. C’est minimaliste mais tout est dit car
sans cette niaiserie, rien n’eût jamais été consigné noir
sur blanc.
Comme je ne cultive pas l’art de me taire en société, je
roule en silence.
Un silence que j’écoute avec recueillement. Et comme je
pense,
Je mémorise des chimères qui s’épanouissent en permanence.
Vous comprenez maintenant pourquoi avant de faire le grand
saut, ces quelques lignes banales me mettent en condition
pour que la tête compense la
slaptitude de mes
jambes.
Mosta :
miracle, tribulations et destins !
T’as pas plus catholique qu’un Maltais ! Malte compte plus
de 360 églises. Soit une église à chaque azimut. Où que tu
ailles, tu aboutis toujours dans une église ou une
chapelle ! C’est le seul état de l’Europe qui condamne sans
pardon l’interruption volontaire de grossesse ! Voilà un
pays arabisé qui s’est perdu dans les arcanes de la dévotion
catholique romaine.
Cette fidélité a été largement récompensée en avril 1942
quand trois bombes nazies se sont abattues sur l’église de
Notre-Dame de l’Assomption de Mosta, la réplique d’un petit
Panthéon de Rome. Deux cent cinquante paroissiens
assistaient à la messe et la majorité des fidèles n’avaient
pas quitté leur place. Aucune des bombes n’explosa et vous
savez pourquoi ? Ah non
peut-être puisque c’est un secret de
polichinelle. Après l’opération de déminage, il s’avéra
qu’elles étaient remplies de sable. Un miracle dû aux
résistants du camp "Arbeit macht Frei" de la firme Skoda.
"Achetez Skoda, le Bon Dieu vous le rendra !" (pub
gratis !)
Retro & Tremolo !
Voici le moment idéal de rendre hommage à un écrivain au
style narratif particulier. De bonnes raisons m’invitent à
mettre en évidence l’œuvre de François Cavanna (FC).
Primo.
Réquisitionné pour le STO (Service Travail Obligatoire) et
déporté en Allemagne nazie, il commente en quelques mots
dans "Les Russkoffs" la mystification des obus quand il
actionnait une presse dans une usine d’armement à Berlin.
Après une telle confession, le miracle de Mosta passe à la
trappe tout en restant un haut lieu de magie à visiter pour
les cafards, grenouilles de bénitier et autres rats
d’église. Toute une ménagerie bien-pensante tantôt
inquisitrice, tantôt martyre mais toujours bienheureuse !
Secundo.
Il est un des cofondateurs de Charlie Hebdo. Tout le monde
connaît de nos jours le magazine satirique depuis les
affreux attentats terroristes de Paris !
Tertio.
Retrouvez l’auteur et ses aventures à vélo dans plusieurs
ouvrages dont "Les Ritals" et "Les Russkoffs " entre
autres. Des histoires qui se lisent d’un trait !
Quarto.
Grâce à son autobiographie, je parviens à rustiner un tant
soit peu le boyau crevé de l’odyssée que mon géniteur m’a
laissé en héritage. August (AB), mon paternel, blond
et beau comme un jeune dieu, appliquait consciencieusement
les consignes de sa mère, ma mémé
flamouche, à savoir
au moins t’en dis, au moins ça les tracasse ! Sans le
savoir, mes aïeuls pratiquaient scrupuleusement la doctrine
d’Epicure. C’est pas coton pour un mec qui veut découvrir
d’où il vient !
AB
ne m’a jamais relaté ses 400 coups lors de l’Exode de 40.
Le peu dont il m’ait fait état, c’est qu’il est descendu
dans le sud-ouest à la même époque que l’auteur des "Russkoffs".
Ils s’arrêtent tous les deux pratiquement aux frontières de
la France occupée. AB à l’Ile-Bouchard dans la
Vienne, entre Tours et Poitiers, et FC qui avait
traversé la Loire à Gien, en plein centre géographique de la
France.
C’est ici que les deux conscrits prennent des routes
opposées. AB dépose son baluchon un petit temps sur
les rives de la Vienne, quant à François, il rebrousse
chemin en direction de Paris où il se fera choper plus tard
dans une rafle. Envoyé en Prusse, il y subit tous les
avatars des déportés. Les joies aussi. Sans ça, il ne nous
aurait pas gratifiés de quelques pages d’anthologie.
Par contre, AB continue à jouer les filles de l’air,
traverse la France d’ouest en est, s’arrête à Saint-Dizier
et ailleurs, avant de se fixer sur la ligne de démarcation
dans le Jura. Pour être précis, dans le delta que fait la
Loue avec le Doubs. Tout près de Dole.
Pendant que FC, pacifiste dans l’âme, fait reluire
les pointes d’obus avec l’aide de Maria, une
baba ukrainienne,
AB, opportuniste jusqu’au trognon, bouffe à tous les
râteliers et, comme ma future mère est une coiffeuse de
profession, il la brosse au propre comme au figuré. Entre
deux coups de brosse, il fait le coup de feu pour le compte
des FFI en tant
que voltigeur (franc-tireur), fraternise avec les Anglais
dans le maquis et bricole au marché noir. Et encore, entre
deux coups de peigne, qui dit que lors d’un repos du
guerrier, le fils de Wotan
n’ait pas fait une mise en plis gratuite à une
Gretchen de
l’occupant ?
Son credo préféré ! Il claironnait à la cantonade qu’il
avait traversé au sprint un labouré à une vitesse supérieure
à celle de Poeske Scherens, le champion belge de vitesse en
titre. En précisant toutefois qu’il devait l’exploit au
staccato des Kalachnikovs qui l’arrosaient. Cette
mésaventure l’obligea à se planquer un bon bout de temps
dans un trou perdu à la Ferme des Iles. Malgré ça, il n’a
jamais pris le peuple germain en grippe.
Au contraire de FC, mon père ne connaît pas la
débâcle et ne perd pas sa Maria. Il se permet même de
revenir d’urgence maintes fois en Belgique, se magne le
tronc auprès de l’administration communale et du ministère
de l’Intérieur pour obtenir le sésame officiel, un acte de
décès (un torchon surréaliste religieusement conservé)
requis par la Ville de Dole pour qu’il puisse épouser sa
Charlotte en cloque. Nous sommes en juillet 1943. Trois
semaines plus tard, les tourtereaux s’unissent pour la vie.
La suite des tribulations de François et d’August dans un
prochain numéro.
L’œil d’Osiris
Les oculi dessinés sur la proue du Luzzu sont appelés à tort
œil d’Osiris ou d’Horus. Et encore, le "Malti" n’ergote pas
sur les divinités ! Ainsi le visiteur a-t-il le choix entre
le père bigleux ou le fils borgne des Anciens Égyptiens.
L’avantage ? Comme c’est chou vert et vert chou, en cas de
lapsus, personne ne s’avisera à se rentrer dans le lard. Le
porte-bonheur restant identique !
Quant à l’œil d’Horus, on le retrouve un peu partout dans le
monde sous les appellations les plus diverses telles "l’Œil
de la connaissance", l’Œil de la Providence ou l’œil
omniscient, l’œil de Dieu, oudjat, etc.
Une certitude ! Ce n’est pas une création maltaise car
cette figure est reprise depuis des lunes comme symbole
culturel par les artistes chamaniques qui descendent en
droite ligne des Aztèques.
Par contre, cela me donne l’opportunité de faire un coucou
au Prési-Dan de l’association du BIG Cycling auquel
je recommande chaleureusement la lecture des "Cheveux de
Bérénice", un roman historique et mathématique dans lequel
l’auteur passe en revue quelques grands penseurs et
scientifiques de l’Antiquité. Il met en évidence entre
autre l’œuvre d’Ératosthène qui calcula la circonférence du
globe avec une précision étonnante de l’ordre de 1%. De la
géométrie de haute voltige trois siècles avant
Jésus-Christ. Dans le même roman édité aux Éditions SEUIL,
Denis Guedj évoque le récit de l’œil d’Horus (le dieu - p
309).
Maintenant, c’est en partie grâce à Daniel que ma
passion pour le vélo s’est exclusivement orienté vers la
montagne. En trente ans d’existence, son challenge a connu
moult changements de modalités qui provoquent de nos jours
de bas règlements de compte entre des compétiteurs. Pauvre
Daniel, tu as écopé d’un véritable "Stank
voor Dank", se serait exclamé ma mémé
flamouche ! Quel
monde ingrat, n’est-ce pas Calimero !
Voir Malte et mourir
Pensez-vous réellement que mon titre ait été choisi à
l’aveuglette ? Si tel est le cas, vous êtes tout à fait à
côté de vos pompes, mes chers amis !
Bon ! Je vous épargne la misère de mes états d’âme. Je ne
ferai qu’effleurer, avec beaucoup de retenue, un fait divers
qui sombre carrément dans la tragédie humaine. En titrant
mon récit "Voir Malte et mourir", je vous dois la vérité.
C’est la catastrophe humanitaire qui m’a interpellé. Quant à
ma petite personne, noyez-la dans un prochain naufrage "omérique" !
Un godet rempli d’un festival de
mousse fraîche et pétillante, de préférence !
Au début du millénaire, Malte ambitionnait de jouer le trait
d’union entre l’Europe et le monde arabe. Depuis, la roue
de la fortune a tourné mais à contre-sens !
Chaque jour, c’est un flot d’immigrants africains et de
Syriens qui échoue par hasard ou par malheur sur les côtes
maltaises. Or, les Maltais ne veulent pas des boat people
et les immigrés ne veulent pas être là. Ces derniers sont
donc à la merci des technocrates européens qui sont
sclérosés dans un imbroglio politique international parce
que les tenants et les aboutissants leur échappent sur toute
la ligne. Les passeurs, d’illustres inconnus qui ne le
sont sans doute pas pour tout le monde, s’en prennent plein
les fouilles et disparaissent sans laisser d’adresse. Les
états incriminés font la sourde oreille. Les autres
palabrent à longueur de temps. Entretemps, les réfugiés
attendent et se languissent à mourir au propre comme au
figuré.
Voir Malte et mourir est une réalité quotidienne. La honte
du siècle ! Moi, j’y ai bu du malt jusqu’à la lie !
5. Epilogue
On n’écrit pas l’épilogue d’une passion comme celui d’un
roman. Aussi ai-je dans un premier temps imaginé de mettre
fin à mon sacerdoce en pondant une fiction qui eût écrémé le
best-off de mes trente ans d’écriture. Une nouvelle qui eût
révélé des textes censurés ou retirés de la circulation par
respect ou par complaisance comme le récit de la création de
toute pièce d’un col belge, comme une lettre de démission
rédigée en fable satirique ou bien encore un échange de
courrier extrêmement féroce dû à un lamentable quiproquo.
Hé bien, non ! Exit ! Afin d’éviter une bafouille trop
chiante – (elle l’est probablement déjà) – j’ai procédé à
des coupes très sévères tant dans le commentaire personnel
que dans les pavés explicatifs.
Un dernier cri du cœur à l’intention des membres du BIG !
Je soutiendrai mordicus jusqu’à mon dernier souffle qu’il
existe un monde de différence entre une simple ascension à
vélo et la même difficulté inscrite dans un voyage cyclo-randonneur
ou une randonnée. Bien que la satisfaction soit présente
dans les deux formules, je trouve la réussite dans la cyclo-randonnée
nettement plus valorisante pour une foule de raisons que je
tairai car je n’ai plus l’envie de déterrer la hache de
guerre !
Quant au mot de la fin, place à un mot d’humour noir.
Facile, j’en conviens.
Tout au long du récit, j’ai fait allusion à mon péché
mignon. Dès lors, comme, tôt ou tard, mon cadavre sera mis
en bière, je m’empresse de sélectionner avec soin les
parfums dans lesquels le croque-mort me mettra à mariner
pour l’éternité. Mais mon dessein arrive fort tard puisque
me v’là d’ores et déjà éjecté du classement de la liste des
100 leaders du hit parade de l’Euro Bigcycling.
La fin d’une époque ou le début de la fin ? Quid ?
A tous présents et à venir, "salut
en de kost en de wind
vanachter".
Été 2018
* The Cyclist, Triq Ir-Rihan, San Gwann - Malta - Tel +
356 2766 1166
info@thecyclistmalta.com
rentals@thecyclistmalta.com
**Ghain Klieb Melitella at Hacienda del Principio - Rabat,
RBT 3434 - Malte
Glossaire
Omer. : bière blonde maltée d’orge - homonyme du poète
Homère
Jupiler : bière blonde belge, sponsor des Diables rouges
(foot) 2018
Septante-cinq : soixante-quinze
Of course : bien entendu
Flamouche : flamand
Parlement : langage
Biroute : Beyrouth - Liban
Ah oui mais non : interjection marquant une réserve
Couraillon : un cycliste ordinaire qui se prend pour un
coureur
Gueuze : bière belge au goût acidulé et fruité
Dikkenek : vantard
Oufti : interjection qui marque la surprise
Guiguite à Court de Craie : Marguerite de Yourcenar de
Crayencour
Nonante : quatre-vingt-dix
Flamin : flamand
Splitsing : éclatement, fission
Stoemmelings : en catimini
Ch’est ti pas biau ? : cà n’est-il pas beau ?
Malta – step by step : Malte à la loupe (pas-à-pas)
Kèsako : qu’est-ce encore
Highlights : lieux incontournables
Erato : muse de la poésie lyrique et érotique
127 Bis : centre de rapatriement à proximité de Bruxelles
Trekt a plan, kameroed : débrouille-toi, chef !
Slaptitude : faiblesse
Ah non peut-être : oui, sûrement
Baba : nana
FFI : Forces Françaises de l’intérieur
Wotan : Odin, dieu principal de la mythologie nordique
Gretchen : prototype de la jeune femme allemande
Stank voor dank : ingratitude (traduction
textuelle : de la puanteur en remerciement)Omérique :
Néologisme -
clin d’œil à la brasserie Omer Van Ghinste
Salut en de kost en de wind vanachter : au revoir et que
Dieu vous garde.
(traduction
textuelle : salut, la bouffe et le vent dans le dos)
bruffaertsjo@skynet.be
|