José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 


 

 
 

1. L’intro 

Comme introduction à ma bafouille, je requiers un peu de mansuétude, car cette fois, je joue les prolongations !  La fin de mon parcours se précise vachement !  Aussi, avant d’embrasser la sorcière aux dents vertes pour l’éternité, il m’apparaît pertinent de mettre en lumière quelques révélations.  Les copains précédés d’abord par un mot sur mes fieffés démons.  Des réminiscences pour conclure. 

Si j’en appelle au philosophe, je ressemble d’ores et déjà à un zombie étant donné que je me suis virtuellement déconnecté de la vie courante depuis un bon bout de temps.  Etonnement, admiration et curiosité sont des mots scratchés de mon jargon.  Je n’ai plus la pêche de barouder à l’étranger, pas plus de vadrouiller dans les coins reculés de ma cambrousse.  Je suis au bout du rouleau !  Il est donc ultra temps de balayer devant ma porte puisque si je m’en réfère à Baudelaire, il serait déjà plus tard que je ne le crois.

* Décodage des mots policés en ocre : cf. Glossaire en fin d’article

 

2. Mon credo 

A près de septante-cinq balais, me voilà donc contraint de limiter mon activité physique à une bonne centaine de bornes par semaine.  Il s’agit de randonnée à vélo, "of course".  Pendant plusieurs décennies, j’ai prôné cette pratique et j’en ai commenté les bienfaits.  Aujourd’hui cependant, le moteur a périodiquement des ratés et les pièces de rechange déclinent le pathétique à toutes les nostalgies.  Aussi ne me reste-t-il plus qu’à m’éclater comme Pierrot lunaire !  Mon chant du cygne, c’est clair ! 

Notez bien que j’ai banni de mon parlement l’expression "voyage itinérant à vélo" !  En effet, il y a lieu de faire la distinction entre un cyclotouriste et un cyclo-randonneur.  Le cyclotouriste est un amateur de promenade à vélo alors que le terme de randonneur désigne celui ou celle qui s’engage dans une aventure dont les données telles que les distances, le timing, le parcours, etc. sont imposés par une organisation officielle ou de par sa propre volonté.  En clair, mon premier est un dilettantiste du vélo, mon second un stakhanoviste auquel j’assimile le toxico de la Petite Reine.  Les deux disciplines sont louables mais incomparables.  L’une vaut l’autre : "Miss Balade" se désolant d’avoir snobé l’émotion d’écraser les pédales, "Miss Performance" regrettant d’avoir boycotté une curiosité sur le trajet.  Un mix raisonnable des deux et, tu rentres gagnant puisque le dosage savant d’orgueil et d’humilité est la formule idéale pour réussir le pari du vélo.  Un des plus beaux qui soit au monde pour s’auto-évaluer !

Pour raconter un tant soit peu ma folle passion, j’ai épuisé tous les genres littéraires comme le billet d’humeur, la polémique, la bafouille idiote, le dithyrambe pseudo-intello, la parodie et des charretées de chroniques déclinées à tous les états d’âme.  Bien que je me sois appliqué à dépasser la notion égotiste, ces notes éparses n’ont jamais décollé la rubrique des chiens écrasés.  Normal pour le paroissien, tristounet pour ma pomme.  Ma belgitude se complaît trop dans sa platitude.  Tiens !  Voilà une rime dite riche qui ne m’a jamais rapporté un clou !  Remarquez au passage que les idées ne me font toujours pas défaut.  Aussi, si j’avais eu davantage d’audace et de culot dans ma verbosité, j’aurais produit une œuvre immortelle intitulée "VELO IN LOVE,  mémoires d’une nympho-cyclopathe".  Un titre qui eût été adapté en fonction de chaque pays de la Francophonie !  Jugez-en par vous-même !  "Les coups de flingue d’Agace-pissette" pour les Acadiens ; "Les Six Jours de Miss Foufoune" à Brukselle ; à Biroute, "La mouquère grimpe le radada en danseuse" et chez les Bamboulas, "L’inconnue troque son Beau Vélo pour un  Golo-Golo".   Quant à la métropole, j’inclinerais plutôt pour "Chaud devant, augmente la pression Titine !" 

Bref !  Une suite de saturnales qui ridiculiserait les plaisirs de Sodome et Gomorrhe.  Un feuilleton classé XXX qui relèguerait les frasques de la Grande Prostituée de Babylone à des historiettes pour premières communiantes. 

Fesse, intrigue et sexe, voilà les adjuvants indispensables pour pondre un chef-d’œuvre.  Hélas ! Ce genre de prose ne fait pas toujours l’unanimité.  OK ! Mais soyons un rien sérieux !  Ce n’est pas le récit des amours d’un couraillon pour sa superbe bécane fluo, ni les gazouillis et les trémolos romantiques d’un couple d’hirondelles qui boosteront l’envie de dévorer un livre. 

En contrepartie, il est des bestsellers dont raffolent les pipelettes.  Je suppose que vous avez tous entendu parler de "Kardashian Konfidential" dans lequel la voluptueuse Kim accouche ses secrets sur une peau de velot. Car ça, n’est ni con, ni chiant ! Voilà un livre de chevet qu’il faut absolument acquérir si vous tenez à faire dans la dentelle. 

Ah oui mais non !  Quoi ?  Je vous cours sur le haricot avec mes salades !  Bon ! Ben alors je vous propose de courir la gueuze.  Le goût du fruit défendu enchantera au moins un palais.  Le mien, tiens donc !  En résumé, quoi qu’il en soit et, toute honte bue, c’est le manque de toupet qui m’a probablement privé du fauteuil n°3 de l’Académie française, celui de la Guiguite à Court de craie !  Dommage, c’eût été l’apothéose de BIG n°3 de la confrérie des fous grimpants du "Bigcycling" car lui, il a toujours un crayon en poche. 

Mais voilà … je m’en suis tenu au style narratif BCBG qui ne mord jamais la ligne blanche.  Du coup, les carnets, que j’ai systématiquement accouchés avec des fers, moisiront dans un cul-de-basse-fosse pour l’éternité.   

Quand je pense que Daniel a composé un chef-d’œuvre littéraire en glanant les mémoires d’une légende vivante de son  époque, je sens mon dikkenek se dégonfler comme une baudruche.  N’allez pas croire que je revendique la qualité de son écriture !  Absolument pas !  Par contre, mes péripéties et mes élucubrations à la noix de coco, elles se ramassent à la pelle automatique !  Suffirait le contenu d’un simple "godet inclinable" pour obtenir un cycliste du troisième type !  

Oufti !  J’ai oublié de présenter Daniel !  Il ne s’agit pas du prophète mais de Daniel Defoe bien sûr, l’auteur de Robinson Crusoë, un récit d’aventures que les jeunes snobent de nos jours au profit d’une série comme "Adam recherche Eve".  Normal !  Alors que Robinson se couvrait de peaux et d'oripeaux pour survivre, la télé propose des émissions "survie" avec des super-Robinsons et des super-Robinsonnettes  vêtus d’une seule pochette contenant un couteau ou des allumettes.  Sous l’œil permanent d’une caméra cachée  ??? Hélas, les images ne flattent guère les lotos !  Trop d’images floutées !  Flop !                                 

Désolé pour les « Daniel » qui ont vu briller un instant leur blase en haut de l’affiche ! 

Les aventures de Robinson Crusoë s’étalent sur un peu plus d’un quart de siècle.  Vingt-huit ans exactement.  On sait que pendant son exil forcé, il n’a eu Vendredi que pour seul compagnon.


1976         Ardennes          André

 

3. Les copains 

A la différence de Robinson, j'ai eu trois fidèles compagnons d'un tempérament et d'une nature complètement opposés.  André, mon aîné de six printemps, un personnage truculent, boute-en-train, tribun, curieux, anar, égocentrique, ripailleur et rabelaisien fut le coéquipier des tours pendables pendant les huit années qui ont suivi mon mariage avec sa cousine préférée.  Escapades déjantées, toquades burlesques et vélo-folies seront les maîtres-mots tout au long de cette époque cinoque !  Elles ont été inhumées en même temps que le cousin. R.I.P. 

Notre seule expédition hors de nos frontières ! Une escapade cévenole qui connaîtra son point d'orgue le jour d’une intrusion involontaire dans la parade amoureuse d'un tétras-lyre.  Le coq de bruyère, prêt à combattre, n'abandonna pas l'arène nuptiale alors que la poule se réfugiait dans un proche boqueteau. Sitôt après, le bel emplumé nous gratifia de la danse du scalp !  Epoustouflant !  Une vision de quoi attraper la chair de poule ! 


1986        Drôme       Frans

Mes premiers souvenirs écrits remontent à l'année 1984 quand je fais parvenir le compte-rendu de la Randonnée des Feuilles d'Or à de nombreux compagnons de route.  Un poulet étique et rachitique. Mais ... pour la première fois, l'encre me devient sympathique.  Elle restera mon alliée jusqu’au jour où l’on me mettra sur orbite pour déconner à perpétuité.

Dans ce premier récit, je cite la présence de Frans, mon deuxième partenaire attitré.  Il m'accompagnera dans la plupart des organisations officielles de la Fédération Belge de Cyclotourisme jusqu'au début des années nonante.  Un Flamin pur jus de ma génération, sportif endurci, ascète, taiseux et introverti, tout mon contraire.  Et encore, dévoué, consciencieux et sérieux comme un pape, il sera le coéquipier idéal pour bouffer du brevet à longueur d'année pendant plus d'une décennie.  Un concentré appliqué sans arrêt de nez dans le guidon.  Les kilomètres s'avéraient toujours trop courts !  Y avait intérêt que les bielles baignassent dans l’huile pour accompagner ce diesel qui montait en puissance au fil des heures.

Bref !  A l’époque, l’ivraie côtoyait déjà le bon grain !   

Le splitsing communautaire de la fédé (divorce à la belge) sera à l'origine de notre éloignement progressif. 

Puisque je suis amené à évoquer la Fédération Belge de Cyclotourisme, Michel, le rédac'chef de la revue fédérale, est un personnage que je me dois de mentionner pour sa contribution à l’expansion du cyclotourisme dans les bosses du plat pays qui est le nôtre. 


2018          Malte (Melitella)      Dominique

Quant au troisième larron, mon ami Dominique, de dix ans mon cadet, figure charismatique tantôt réservée, tantôt volubile, nous vieillissons ensemble mais séparé depuis des lustres.  Ce bout de phrase n'ouvre pas la boîte à Pandore.  Par contre, elle est la clé de la bonne fortune.  Une fortune qui n'a pas de prix attendu que l'équipier occasionnel s'est affirmé très vite comme un partenaire régulier, voire s'est chrysalidé en un ami fidèle. 

Naissance d'un BIG bazar !  En fait, c'est la toute première équipée en Provence qui scella nos liens d'amitié. Dix ans plus tard, on remettait le couvert au même endroit.  Nous y avons vécu un rodéo cycliste tout à fait unique, spectaculaire, sans pareil et rocambolesque.  En forçant un barrage d'accès d'une bourgade, nous nous sommes retrouvés au cœur du village où avait lieu un lâcher de taureau dans les rues.  Fait unique dans les annales intergalactiques, ce jour-là un taurillon vit le monde tourner à l'envers.  Il assista à une première puisqu'au lieu de se faire aiguillonner, il a vu caleter à fond la caisse les picadors montés sur des rosses d'acier.  Une geste d’art au pied des "Baux-de-Provence" !  Qué bozar ! 

Un compagnon de route, qui met ce type de gag au programme, est digne d'être mis à l'honneur.  J’accorde une oreille et un bout de queue (du toro !) à ce matador d’exception !  

De toute ma vie de plumitif, le Tout-Puissant ne s'était jamais manifesté avec autant de pompe pour m'aider à brosser un portrait.  Une strophe de neuf vers qui résume un copain d’exception.  Dominique est le partenaire sans lequel le voyage à vélo eût pris une tout autre tournure.  C'est dans les archives de l'OBS que le Bon Dieu m'a déniché le poème en acrostiche !  Ce que je trouve sidérant, c'est qu'à une virgule près, le neuvain colle à la peau du personnage.  Merci petit Bon Dieu ! 

Détermination et stratégie sont tes modes de vie, aucun
O
bstacle ne résiste à ta logique
M
éthodique, tu agis toujours avec raison
I
ncarnation de l'énergie et de la vitalité, jamais rien
N
e t'arrête dans ta marche vers ton avenir
I
nfatigable, tu avances sans te retourner
Q
uant à ton caractère, son originalité le rend
U
nique et admirable, tu
E
s une personne à part, que j'apprécie et aime côtoyer. 

Huit jours plus tard !  Ne voilà-t-il pas que le même Bon Dieu relance le "Marot" de service et lui chuchote les stances du "Beau Tétin" de sa copine Sœur Sourire. Il lui souffle à l’oreille son tube planétaire et lui demande de le parodier en vue d’affiner la personnalité du copain.

 

♪♪♪  Dominique, nique, nique
S’en allait tout simplement
Routier, curieux, cyclant
En tous chemins, en tous lieux
Parle que d’vélo, son dieu
Parle que d’vélo, son dieu  ♪♪♪ 

♪♪♪ À l’époque où Daniel, amer, connut la misère du monde
Dominique notre frère, le remplaça par sa faconde ♪♪♪ 

♪♪♪  Dominique, nique, nique …  ♪♪♪ 

                                                              Etc, etc, etc. 

Comme c’est grâce au Bon Dieu que je dois cette avalanche de compliments, je souhaitais que Dominique clôturât la page en offrant un lumignon à la gloire de Notre-Dame de la Victoire.   Eh bien, sans le savoir, il l’a flashée en remerciement par deux fois, en stoemmelings svp !   Ch’est ti pas biau, ça ? 

Un mot sur le dernier carré !  Avant de découvrir Malte en image, la probité exige que je mentionne pour la forme les Eddy, Guy (†), Bernard, Jules (†), Michel, Daniel, Marc, André et autres Gégé (†) qui m’ont accompagné à l’occasion sur quelques bornes tout au long de ces quarante glorieuses.  Sans compter l’indispensable partenaire qui fut à mes côtés dès la première heure sans piper mot.  Un compagnon silencieux !  J’y reviendrai après un intermède et une première galerie de photos sur Malte.

 

4. La Rando 

Malta : step by step  (pour les Frenchies :  Malte -  jour après jour)
 

Jour 1 

Une escapade de six jours (arrivée et départ compris), c’est peu mais suffisant pour quadriller un rocher sous tous les angles.  En effet, l’île est grande comme trois fois la superficie de Paris, soit deux fois celle de la région Bruxelles-capitale.  Dès lors, une journée suffit amplement pour en faire le tour à vélo. Pour un cyclo-randonneur bien-entendu !

Quant à moi, moins d’une heure après le remontage laborieux des vélos à l’aéroport de Luqa, il m’a fallu à peine 15 km pour cogner carrément le mur qui donne accès à la citadelle de Mdina.  La seconde fois de mon existence que la chaudière explosait en mille éclats ! Que je m’affale archi-cuit à l’ombre d’un muret.  Bye bye Malta avant que le pistolet du starter ait retenti.  La première Bérézina est une vieille histoire.  Il était une fois, il y a tout juste un demi-siècle.  Je m’étais écroulé, dégobillant mes tripes à même le sol, au terme d’un parcours du combattant, la troisième épreuve d’un pentathlon militaire.

Quant au coup de buis maltais ?  Kèsako, d’où vient la défaillance ?  La chaleur, le vent debout, la fringale, la forte circulation, le stress, le poids des bagages à moins que ce ne soit celui des années ?   Peu importe, mes ailes me trahirent comme celles d’Icare à tel point que Dominique en perdit derechef les pédales.  Après ma descente aux enfers, il subodora une randonnée laborieuse à rebondissements. Mais … les coups de pompe étant faits pour être surmontés, on fait le plein et, le soir, Dominique se tape un apéro et un plat maltais peu appétissant pendant qu’une Skoll et un simple bolo à 5 € me remettent sur pied.  Doucement les basses !  Mon souci reste entier !  

Bien plus tard, quand l’ami m’apprit que la montée à la Mdina s’apparentait à un vulgaire coup de cul, ma déconfiture prit une tout autre tournure.  Il ne me reste plus qu’à rouler à la papa pour le reste de mes jours !  Prochain circuit : le train mexicain aux dominos ! 

Puristes littéraires, daignez fermer les yeux sur mon bon usage de la grammaire. 






 

Jour 2 

Nous mettons le cap sur la capitale pour remplacer un rayon de la roue arrière de mon compagnon de route.  Un premier arrêt à la citadelle de Mdina, surnommée la "Ville silencieuse", qui est déserte pour l’heure.  Dédale de ruelles étroites et sombres.  Sans les Vierges Marie à tous les coins de rue, on se croirait aisément dans une casbah maghrébine.  Pas un mégot à terre, pas une crotte de chien, pas un tag.  Une tranquillité apaisante plombe la "Citta Notabile", la ville noble.  Atmosphère cataleptique.  Une ville au patrimoine historique exceptionnel. A voir. 

En bordure de la nationale, nous sommes amenés à longer en surplomb une immense carrière à ciel ouvert qui extrait du calcaire à globigérine.  Les blocs de pierre de couleur miel sont utilisés tant pour les palais que pour les maisons ordinaires. 

Ensuite, comme "La Rotunda de Mosta" est sur le trajet, nous y faisons une halte et nous déposons nos dévotions au Sanctuaire de Sainte-Marie-de-l’Assomption et ce, après l’agression intempestive d’une circulation routière qui nous collera aux fesses tout au long du séjour.  Ce n’est pas pour rien que Malte est un des pays de l’Europe qui possède un des plus grands taux de voitures par habitants.  Tenez compte que la conduite à gauche désavantage les cyclistes dans les ronds-points.  Pendant que vous y êtes, notez avec soin les coordonnées du vélociste * parce qu’il est un des rares ateliers de l’île.  Le magasin est localisé à San Gwann à l’ouest de Ta Sliema, une station balnéaire limitrophe de La Valette.  Service impeccable !  Réparation sur le champ au prix  démocratique de 10 €.  Le magasin dispose aussi d’un stock de vélos de location.

Bref !  La bonne adresse ! 

Après la réparation, nous rejoignons en roue libre la baie de Sliema.  La journée n’étant pas hypothéquée par le souci mécanique, une belle étape nous sourit.  Flânerie sur la route côtière et visite quadrillée des highlights de La Valette.  La cité regorge de rues sympathiques et de bâtiments classés. 

La chapelle de Notre-Dame de la Victoire sort du lot.  Située à proximité de la Fontaine aux Tritons, son nom commémore la victoire des chevaliers de l’ordre de St Jean de Jérusalem sur les Turcs lors du Grand Siège en 1565 (cf. La Religion).  Elle fut le premier édifice reconstruit de la nouvelle ville en 1566.  Les peintures de la voûte ont fait l’objet d’une restauration très soignée ! (Photos interdites).  En outre, on déambule dans un climat proche de celui de Montmartre au mois d’août. 

Les émotions du jour précédent sont effacées en prolongeant l’apéro et en dégustant une pizza en compagnie de la Reine Victoria qui nous toise sévèrement du haut de son trône en granit.

Une distraction malencontreuse!  Nous avons omis d’admirer les façades des auberges de France, d’Allemagne, de Castille, etc. qui avaient été les logements des chevaliers de l’ordre durant le Grand Siège.
 

Dans un trafic toujours aussi confus, nous prenons la direction du Ta’ Dmejrek qui défie les falaises de Dingli, berceau et repos éternel du poète Francis Ebejer.  Un BIG où Erato  soufflera jusqu’à la fin des temps les grandes espérances de l’humanité  Cette falaise respire l’éternité !  Quant au panorama, l’environnement naturel est intact.  Nombreux points de vue. Belle promenade sur un relief ascendant mais le Ta’Dmerjek n’est pas un épouvantail quel qu’en soit le point de départ.


 

Jour 3 

Transhumance vers l’île de Gozo via l’ascension de quatre calvaires.  La végétation se limite à des paquets de figuiers de Barbarie.  Aucune rivière, aucun étang.  Très peu de fleurs, pas de forêt.  Sur la lande,  ni vaches, ni chèvres, ni moutons.  Paysage aride et garrigue très peu odorante.  Cette observation est valable pour une grande partie de l’île.  La carte IGN.Fr est fallacieuse.  Quand on l’analyse, on s’imagine une balade à vélo de tout repos.  Cette carte à courbes de niveau est un vrai traquenard, même si le point culminant ne dépasse pas les 27O m.  Eu égard à mes états de service dans le passé, qui est en quelque sorte le cimetière de mes illusions, je ne dévoilerai pas la distance totale de l’étape mais sachez toutefois que la dénivellation positive du séjour dépasse largement les 3.250 m.  Soit un Brevet Ardennais du Randonneur corsé !  Pas mal pour une région dite plate comme une crêpe ! 




 

Me revoilà recuit au terminal de Cirkewwa en montant sur le ferry pour l’île de Gozo.  Embarquement immédiat !  Une bonne demi-heure plus tard, notre duo se sépare, l’un allant à l’aventure, le second s’engouffrant dans le royaume des grenouilles de bénitier de la Madonna Ta’Loreto de M’Garr.  En sortant de l’église, j’aperçois Dominique qui prend le frais sous un big parasol et qui savoure une bibine sur la terrasse du Ghaqda Muzikali San Guzepp.  Coup de bol !  Je récupère sa tablette multimédia sur le zinc de la cafétéria.  Une pizza (5€) pour déjeuner et une méridienne sous le parasol avant de nous présenter à la réception de la résidence.  Le gîte est parfait.  Comme toujours, Dominique a organisé la logistique d’une main de maître.  Le stratège, doublé d’une âme de nounou, trône de surcroît en tête du hit parade du BIG.  En fait, je suis nanti du cicérone idéal ! 

Le temps de piquer une tête dans la piscine et, nous repartons à l’assaut de la citadelle de Victoria (Rabat).  Du haut du chemin de ronde, la vue panoramique englobe pratiquement toute la surface de l’île.  Un must !  Quant au centre-ville, c’est une petite cité médiévale animée avec quelques maisons de caractère, sans plus. 

La veille, alors qu’il compulsait sa tablette à Ghain Klieb Melitella, notre camp de base, Dominique avait subi l’agression d’un escadron de mosquitos.  Etant extrêmement sensible aux courants d’air et à l’airco, je me réfugie sous le patio où je finis par m’assoupir.  Au petit matin, à mon tour de découvrir mes cuisses bouffées par les moustiques qui ont usiné en sourdine !  Un carnage identique à celui du copain. 

Anecdote nocturne scato-écologique !  Toutes les nuits, je suis contraint de me relever pour vidanger ma poche à malt.   Or, je me suis retrouvé piégé sous le patio sans avoir accès à des toilettes.  Pour satisfaire mon besoin, j’ai quatre choix.  Primo, je pisse dans la piscine  et personne n’y verra que dalle.  D’accord mais… je trouve ça trop crado !  Deuxio, je pisse dans la cabine de douche.  C’est pas mieux que la piscine.  Tertio, je me soulage contre un mur (de lamentations).  Exclu, je respecte les autres croyances.  Reste un énorme yucca enseveli sous une montagne de mégots de cigarettes.  Sans aucun scrupule, j’administre mon pastaga dépuratif au crassier.  Aussitôt, le détergent naturel creuse des cratères qui libèrent une flopée de fumerolles et redonnent de la vie à l’agave.  Mon partenaire, grand amateur de plantes vertes, n’a pas apprécié ma B.A ! 

Pourtant, cette action a fait beaucoup de bien à la nature, à la mienne en particulier !


 

Jour 4 

Compte tenu du relief accidenté, nous optons de ne pas nous attarder sur Gozo.  En dépit d’une communication laborieuse avec les préposés de la compagnie maritime, nous bénéficions à nouveau d’un ferry, qui part à vide, 5 minutes après notre accès sur l’aire d’embarquement.  Le trajet de l’aller-retour Malte-Gozo ne se règle qu’une seule fois au retour vers la capitale.  Le coût de la traversée n’excède guère plus que celui d’un ticket de métro.  Pour retourner à notre camp de base, nous longeons la côte N-O en nous octroyant une trempette dans la baie de Saint Paul.  Addio  bella Mare à hauteur de la Tour Wignacourt et nous reprenons la départementale animée qui remonte vers Rabat via Mosta où nous faisons halte devant " La Rotunda ".  Nous nous faisons gruger par la robe d’une Cisk (bière locale) qui n’aura malheureusement pas l’heur de flatter notre palais.  L’exquise Omer. a encore de beaux jours devant soi ! Faut vous dire, Messieurs Dames, que l’aîné consomme beaucoup plus d’énergie que le cadet.  Aussi est-il nécessaire de contrôler à heure et à temps sa jauge de carburant !  Surtout en vue du mur de Mdina qui sera cependant évité grâce à une route parallèle.  Voilà un avantage indéniable de partir en vadrouille assisté d’un pigeon voyageur de compétition.  Un champion en l’occurrence !  A tel point que … notre tôlière ne nous attendait pas de sitôt.  Sachez pour votre gouverne que la précieuse poche à malt n’a jamais eu une influence néfaste sur la suite d’une randonnée (sic). 

Courte halte pendant laquelle nous nous changeons et nous nous ravitaillons avec les reliefs de la veille avant de chasser le BIG n° 2 du séjour.  C’est une route qui s’en va mourir au bord d’une falaise.  Le Tal Merhla est une grimpette honnête sans surprise.  En effet, il est obligatoire de la descendre avant d’en faire l’ascension.  En outre, bitume impeccable jusqu’au sommet que d’aucuns peuvent contester puisque le pinacle de la montagne est situé en amont.  Excepté le tronçon susdit, les chemins sont très chaotiques dès qu’on quitte les départementales et les nationales.  Attention aux coups de jante et aux autos en sens inverse.  Dominique s’interroge encore à ce jour comment il a réussi à passer entre les mailles d’un crash quasi inévitable.  Il en a encore la chair de poule.  A Malte, les cyclistes n’ont pas droit de cité !  Ne l’oubliez jamais ! 

Ce ne sont pas les "markets" qui manquent à Ir-Rabat.  Sans avoir fait une étude de marché, nous pouvons affirmer que le coût de la vie à Malte est inférieur à celui de la Belgique.  Par contre, j’ai surpris un chaland compléter ses commissions par l’achat de 3 cigarettes !  Quant au prix de la clope à la pièce, mystère ! 

Soirée tranquille au gîte de Ghain Klieb Melitella (Ir-Rabat).
 

Jour  5 

Que nous réserve la dernière balade ?

En gros, nous avons pointé les sites incontournables que sont les fouilles préhistoriques de Hagar Qim, la Grotte Bleue et le port de Marsaxlokk.

Le cagnard tape toujours aussi sec.  Tout fond comme crème à la glace au soleil !

En principe, le relief de cette dernière journée est beaucoup moins exigeant que celui du N-O de l’île.  De fait, ça descend plus que ça monte  … dans un premier temps. 

Quant aux sites touristiques, je cède le relais du commentaire aux professionnels du tourisme.  Par contre, nos impressions sont d’un autre ordre.  Un GPS est un instrument obligatoire dès que l’on s’aventure dans la cambrousse.  Sinon, bonjour la galère !  Faut savoir,  braves gens, que les noms des bourgs inscrits sur votre carte routière sont différents de ceux indiqués aux carrefours importants.  Autre constat : la grande majorité des localités sont perchées sur un piton rocheux.    Sauf les ports qui trempent leurs pieds dans l’eau, "of course".  Cependant, un coup de reins n’est jamais exclu !  Dominique est intrigué par les immenses drapeaux qui flottent sur Zurrieq, une ville située à quelque 2 km de la Grotte Bleue dont la couleur de l’eau ravit les mirettes du quidam le plus ronchon.  Réponse remise au jour suivant !  Le lendemain matin en effet, il verra à l’horizon des panaches de fumée s’élever dans le ciel suite à des explosions à ne plus en finir.   Les Maltais apprécient encore et toujours de tirer au canon quand ils font la fête.  D’autres préfèrent boire un canon !   Le tout est une question de tempérament ! 

Avant de parvenir sur le bord de mer, nous traversons la zone de Hal Far, le 127 bis" maltais où des Noirs désœuvrés pianotent tous, sans une exception, sur des p’tits claviers comme des abrutis.  Qui assis, qui debout, qui affalé !  Une humanité laissée pour compte !  Un monde à la dérive mais qui, paradoxalement, utilise les moyens de communication les plus pointus du marché ! 

Trois bornes plus loin, Dominique retrouve ses très chers petits bateaux à Birzebuggia.  C’est notre dernière chance de piquer une tête dans la Grande Bleue et, nous ne la loupons pas.  D’autant plus que nous avions éliminé toutes les plages de sable de notre périple. 

Flânerie, apéro et déjeuner sur les quais de Marsaxlokk, face au port de pêche avec ses barques colorées appelées Luzzi.  Pas de bol, mon coéquipier fait le mauvais choix.  Sa soupe aux poissons est une foire aux arêtes.  Mais le vin blanc sauve la mise et, une fois cuvé,  nous remettons le cap sur Melitella (Rabat).

Quelques kilomètres plus loin sur les hauteurs.  Voilà que mon portable se met à bourdonner.  Je cafouille pour l’extraire de ma poche arrière du maillot.  Me crispe. M’irrite. M’énerve. Je perds les pédales.  Je coupe la communication.  À Siggiewi, comme j’ai l’intention de payer un coup à boire à Dominique, je farfouille mes poches et constate avec effroi que mon portefeuille, contenant tout mon viatique, a mis les voiles.  La cata !  À partir de ce moment, je sombre dans un état irrationnel et incohérent.  Je fais demi-tour et plante mon copain dans l’espoir de retrouver mes billes.

Et puis, et puis ... je roule à fond la caisse, me trompe de direction tant et bien que x temps plus tard, J’aperçois Dominique qui s’en vient à ma rencontre à proximité de la Grotte Bleue.  D’où sort-il ?  Je suis dans le cirage jusqu’au cou. Me voilà comme un oiseau piégé dans une cage en verre !  Grâce à lui, on localise l’endroit présumé de la perte de ma fortune.  Hélas ! Nib, rien de rien !  Retour au "Café de Paris" sur le port.  Que dalle !  Bureau de police de Marsaxlokk, fermé !  Nous sommes vendredi après-midi.  Téléphone à Bruxelles pour la mise au courant des péripéties et pour bloquer la carte Visa.  Rush  vers le bureau de police de l’aéroport pour la déclaration de perte.  Les flics font leur job, parlent un anglais arrosé de malt, évoquent l’intervention de l’ambassade, …  et moi, et moi, et moi, je roule dans la pampa.  Allègrement et connement !  Alors que pour tout bon fonctionnaire, ça suit son cours.  Oublie ton français, il est en marge de rejoindre bientôt le peloton des langues mortes.  Trekt a plan, kameroed ! L’embrouille, c’est que le départ pour Bruxelles est fixé au lendemain tantôt.  Jour férié ou non, autant en emporte le vent. Cela sent bigrement le retour différé.  J’entends Dominique me proposer sa carte Visa et sa tablette multimédia pour me dépanner.  Je ne broie pas du noir, je bats la campagne à fond la caisse.  Comme un mec qui a fumé une chiée de pétards !   Il n’y a plus qu’à subir les événements et retourner à notre camp de base de Melitella.  La pénombre nous surprend sur le trajet et nous invite à hausser le tempo.  Comme le jour de notre arrivée, nous accédons à la citadelle de Mdina par le mur de Tas Saqqaija auquel je refuse cette fois-ci de rendre les honneurs du pied bien que plus de 90 km aient été parcourus. La nuit noire est tombée, plus question d’état d’âme surtout venant d’un Gonzales speedé.   "Ay Caramba ! "  

A peine avons-nous réintégré notre gîte, que Nadia m’appelle pour me rassurer que le portefeuille a été retrouvé et qu’il est consigné au bureau de police de Birzebuggia, le port voisin de Marsaxlokk.  Aussitôt, notre logeuse se propose de donner un coup de fil à la permanence qui confirme les faits.  Elle offre même ses services pour aller récupérer subito presto mon bien en auto.  Je décline spontanément cette offre charitable étant donné que le lendemain, nous aurons largement le temps de recouvrer les papiers.  Malgré la bonne nouvelle, le phénix maltese ne renaîtra jamais de ses cendres.  Normal puisqu’il n’y a pas de bois dans l’île !
 

Jour  6 


Le lendemain matin, je récupère l’intégralité de mon bien.   Coup de bol !  Tout y est.  

Il ne me reste qu’à tenir un engagement.  Celui de recommander le gîte de Rabat aux chasseurs de BIG.  Sa situation est idéale pour épingler les 2 Bigs repris sur l’île de Malte.  Le logement est indépendant et la maisonnette est pourvue de toutes les commodités pour un séjour autonome de longue durée.  Pensez à emporter dans vos bagages un adaptateur de prise électrique multi standard.  Aucune nuisance de la route départementale qui passe à quelque 300 m de là.  Un jardinet jouxte le gîte que la propriétaire a aménagé d’une cascatelle qui je jette dans une mare remplies de poissons rouges.  Un immense caroubier coiffe l’entrée du bâtiment qui, dès le mois d’août, se débarrasse de ses gousses brunes (haricot) qui ont un goût de chocolat.  Trois grands pins complètent le tableau.  C’est pas Versailles mais ça donne un petit air d’oasis.  Le logeur doit partager la terrasse avec une poule grise, un chat blanc tacheté et subir quelque peu les inconvénients du haras voisin.  Parking éventuel à disposition.  Les coordonnées sont reprises en fin de commentaire. **
 

Il Silenzio 

Qui a percé l’identité de mon partenaire imaginaire ?  Cet alter ego qui vaut de l’or et que je résume par un simple tercet de mirliton.  C’est minimaliste mais tout est dit car sans cette niaiserie, rien n’eût jamais été consigné noir sur blanc. 

Comme je ne cultive pas l’art de me taire en société, je roule en silence.
Un silence que j’écoute avec recueillement.  Et comme je pense,
Je mémorise des chimères qui s’épanouissent en permanence.
 

Vous comprenez maintenant pourquoi avant de faire le grand saut, ces quelques lignes banales me mettent en condition pour que la tête compense la slaptitude de mes jambes


 

Mosta : miracle, tribulations et destins ! 

T’as pas plus catholique qu’un Maltais !  Malte compte plus de 360 églises.  Soit une église à chaque azimut.  Où que tu ailles, tu aboutis toujours dans une église ou une chapelle !  C’est le seul état de l’Europe qui condamne sans pardon l’interruption volontaire de grossesse !  Voilà un pays arabisé qui s’est perdu dans les arcanes de la dévotion catholique romaine. 

Cette fidélité a été largement récompensée en avril 1942 quand trois bombes nazies se sont abattues sur l’église de Notre-Dame de l’Assomption de Mosta, la réplique d’un petit Panthéon de Rome.  Deux cent cinquante paroissiens assistaient à la messe et la majorité des fidèles n’avaient pas quitté leur place.  Aucune des bombes n’explosa et vous savez pourquoi ?  Ah non  peut-être puisque c’est un secret de polichinelle.  Après l’opération de déminage, il s’avéra qu’elles étaient remplies de sable.  Un miracle dû aux résistants du camp "Arbeit macht Frei" de la firme Skoda. 

"Achetez Skoda, le Bon Dieu vous le rendra !"   (pub gratis !)

Retro  &  Tremolo ! 

Voici le moment idéal de rendre hommage à un écrivain au style narratif particulier.  De bonnes raisons m’invitent à mettre en évidence l’œuvre de François Cavanna (FC). 

Primo.  Réquisitionné pour le STO (Service Travail Obligatoire) et déporté en Allemagne nazie, il commente en quelques mots dans "Les Russkoffs" la mystification des obus quand il actionnait une presse dans une usine d’armement à Berlin.  Après une telle confession, le miracle de Mosta passe à la trappe tout en restant un haut lieu de magie à visiter pour les cafards, grenouilles de bénitier et autres rats d’église.  Toute une ménagerie bien-pensante tantôt inquisitrice, tantôt martyre mais toujours bienheureuse !

Secundo.  Il est un des cofondateurs de Charlie Hebdo.  Tout le monde connaît de nos jours le magazine satirique depuis les affreux attentats terroristes de Paris ! 

Tertio.   Retrouvez l’auteur et ses aventures à vélo dans plusieurs ouvrages dont "Les Ritals" et "Les Russkoffs " entre autres.  Des histoires qui se lisent d’un trait ! 

Quarto.   Grâce à son autobiographie, je parviens à rustiner un tant soit peu le boyau crevé de l’odyssée que mon géniteur m’a laissé en héritage.  August (AB), mon paternel, blond et beau comme un jeune dieu, appliquait consciencieusement les consignes de sa mère, ma mémé flamouche, à savoir au moins t’en dis, au moins ça les tracasse !  Sans le savoir, mes aïeuls pratiquaient scrupuleusement la doctrine d’Epicure.  C’est pas coton pour un mec qui veut découvrir d’où il vient ! 

AB ne m’a jamais relaté ses 400 coups lors de l’Exode de 40.  Le peu dont il m’ait fait état, c’est qu’il est descendu dans le sud-ouest à la même époque que l’auteur des "Russkoffs".   Ils s’arrêtent tous les deux pratiquement aux frontières de la France occupée.  AB à l’Ile-Bouchard dans la Vienne, entre Tours et Poitiers, et FC qui avait traversé la Loire à Gien, en plein centre géographique de la France. 

C’est ici que les deux conscrits prennent des routes opposées.  AB dépose son baluchon un petit temps sur les rives de la Vienne, quant à François, il rebrousse chemin en direction de Paris où il se fera choper plus tard dans une rafle.  Envoyé en Prusse, il y subit tous les avatars des déportés.  Les joies aussi.  Sans ça, il ne nous aurait pas gratifiés de quelques pages d’anthologie. 

Par contre, AB continue à jouer les filles de l’air, traverse la France d’ouest en est, s’arrête à Saint-Dizier et ailleurs, avant de se fixer sur la ligne de démarcation dans le Jura.  Pour être précis, dans le delta que fait la Loue avec le Doubs. Tout près de Dole. 

Pendant que FC, pacifiste dans l’âme, fait reluire les pointes d’obus avec l’aide de Maria, une baba ukrainienne, AB, opportuniste jusqu’au trognon, bouffe à tous les râteliers et, comme ma future mère est une coiffeuse de profession, il la brosse au propre comme au figuré.  Entre deux coups de brosse, il fait le coup de feu pour le compte des FFI en tant que voltigeur (franc-tireur), fraternise avec les Anglais dans le maquis et bricole au marché noir.  Et encore, entre deux coups de peigne, qui dit que lors d’un repos du guerrier, le fils de Wotan n’ait pas fait une mise en plis gratuite à une Gretchen de l’occupant ? 

Son credo préféré !  Il claironnait à la cantonade qu’il avait traversé au sprint un labouré à une vitesse supérieure à celle de Poeske Scherens, le champion belge de vitesse en titre. En précisant toutefois qu’il devait l’exploit au staccato des Kalachnikovs qui l’arrosaient.  Cette mésaventure l’obligea  à se planquer un bon bout de temps dans un trou perdu à la Ferme des Iles.  Malgré ça, il n’a jamais pris le peuple germain en grippe. 

Au contraire de FC, mon père ne connaît pas la débâcle et ne perd pas sa Maria.  Il se permet même de revenir d’urgence maintes fois en Belgique, se magne le tronc auprès de l’administration communale et du ministère de l’Intérieur pour obtenir le sésame officiel, un acte de décès (un torchon surréaliste religieusement conservé) requis par la Ville de Dole pour qu’il puisse épouser sa Charlotte en cloque.  Nous sommes en juillet 1943.  Trois semaines plus tard, les tourtereaux s’unissent pour la vie.  La suite des tribulations de François et d’August dans un prochain numéro.


 

L’œil d’Osiris 

Les oculi dessinés sur la proue du Luzzu sont appelés à tort œil d’Osiris ou d’Horus.  Et encore, le "Malti" n’ergote pas sur les divinités !  Ainsi le visiteur a-t-il le choix entre le père bigleux ou le fils borgne des Anciens Égyptiens.  L’avantage ?  Comme c’est chou vert et vert chou, en cas de lapsus, personne ne s’avisera à se rentrer dans le lard.  Le porte-bonheur restant identique !

Quant à l’œil d’Horus, on le retrouve un peu partout dans le monde sous les appellations les plus diverses telles "l’Œil de la connaissance",  l’Œil de la Providence ou l’œil omniscient, l’œil de Dieu, oudjat, etc.

Une certitude !  Ce n’est pas une création maltaise car cette figure est reprise depuis des lunes comme symbole culturel par les artistes chamaniques qui descendent en droite ligne des Aztèques. 

Par contre, cela me donne l’opportunité de faire un coucou au Prési-Dan de l’association du BIG Cycling auquel je recommande chaleureusement la lecture des "Cheveux de Bérénice", un roman historique et mathématique dans lequel l’auteur passe en revue quelques grands penseurs et scientifiques de l’Antiquité.  Il met en évidence entre autre l’œuvre d’Ératosthène qui calcula la circonférence du globe avec une précision étonnante de l’ordre de 1%.  De la géométrie de haute voltige trois siècles avant Jésus-Christ.  Dans le même roman édité aux Éditions SEUIL, Denis Guedj évoque le récit de l’œil d’Horus (le dieu  - p 309). 

Maintenant, c’est en partie grâce à Daniel que ma passion pour le vélo s’est exclusivement orienté vers la montagne.  En trente ans d’existence, son challenge a connu moult changements de modalités qui provoquent de nos jours de bas règlements de compte entre des compétiteurs.  Pauvre Daniel, tu as écopé d’un véritable "Stank voor Dank",  se serait exclamé ma mémé flamouche !  Quel monde ingrat, n’est-ce pas Calimero ! 

 

Voir Malte et mourir 

Pensez-vous réellement que mon titre ait été choisi à l’aveuglette ?  Si tel est le cas, vous êtes tout à fait à côté de vos pompes, mes chers amis ! 

Bon !  Je vous épargne la misère de mes états d’âme.  Je ne ferai qu’effleurer, avec beaucoup de retenue, un fait divers qui sombre carrément dans la tragédie humaine.  En titrant mon récit "Voir Malte et mourir", je vous dois la vérité.  C’est la catastrophe humanitaire qui m’a interpellé. Quant à ma petite personne, noyez-la dans un prochain naufrage "omérique" !  Un godet rempli d’un festival de mousse fraîche et pétillante, de préférence !   

Au début du millénaire, Malte ambitionnait de jouer le trait d’union entre l’Europe et le monde arabe.  Depuis, la roue de la fortune a tourné mais à contre-sens ! 

Chaque jour, c’est un flot d’immigrants africains et de Syriens qui échoue par hasard ou par malheur sur les côtes maltaises.  Or, les Maltais ne veulent pas des boat people et les immigrés ne veulent pas être là.  Ces derniers sont donc à la merci des technocrates européens qui sont sclérosés dans un imbroglio politique international parce que les tenants et les aboutissants leur échappent sur toute la ligne.   Les passeurs, d’illustres inconnus qui ne le sont sans doute pas pour tout le monde, s’en prennent plein les fouilles et disparaissent sans laisser d’adresse.  Les états incriminés font la sourde oreille.  Les autres palabrent à longueur de temps.  Entretemps, les réfugiés attendent et se languissent à mourir au propre comme au figuré.  

Voir Malte et mourir est une réalité quotidienne.  La honte du siècle !  Moi, j’y ai bu du malt jusqu’à la lie !

 

5. Epilogue 

On n’écrit pas l’épilogue d’une passion comme celui d’un roman.  Aussi ai-je dans un premier temps imaginé de mettre fin à mon sacerdoce en pondant une fiction qui eût écrémé le best-off de mes trente ans d’écriture.  Une nouvelle qui eût révélé des textes censurés ou retirés de la circulation par respect ou par complaisance comme le récit de la création de toute pièce d’un col belge, comme une lettre de démission rédigée en fable satirique ou bien encore un échange de courrier extrêmement féroce dû à un lamentable quiproquo.  Hé bien, non !  Exit !  Afin d’éviter une bafouille trop chiante – (elle l’est probablement déjà) – j’ai procédé à des coupes très sévères tant dans le commentaire personnel que dans les pavés explicatifs. 

Un dernier cri  du cœur à l’intention des membres du BIG  !

Je soutiendrai mordicus jusqu’à mon dernier souffle  qu’il existe un monde de différence entre une simple ascension à vélo et la même difficulté inscrite dans un voyage cyclo-randonneur ou une randonnée. Bien que la satisfaction soit présente dans les deux formules, je trouve la réussite dans la cyclo-randonnée nettement plus valorisante pour une foule de raisons que je tairai car je n’ai plus l’envie de déterrer la hache de guerre ! 

Quant au mot de la fin, place à un mot d’humour noir.  Facile, j’en conviens.

Tout au long du récit, j’ai fait allusion à mon péché mignon.  Dès lors, comme, tôt ou tard, mon cadavre sera mis en bière, je m’empresse de sélectionner avec soin les parfums dans lesquels le croque-mort me mettra à mariner pour l’éternité.  Mais mon dessein arrive fort tard puisque me v’là d’ores et déjà éjecté du classement de la liste des 100 leaders du hit parade de l’Euro Bigcycling. 

La fin d’une époque ou le début de la fin ?  Quid ?  

A tous présents et à venir, "salut en de kost en de wind vanachter".

Été  2018

 

* The Cyclist, Triq Ir-Rihan, San Gwann -  Malta  -   Tel + 356 2766 1166

info@thecyclistmalta.com
rentals@thecyclistmalta.com 

**Ghain Klieb Melitella at Hacienda del Principio -  Rabat, RBT 3434  -  Malte
 

Glossaire 

Omer. : bière blonde maltée d’orge  - homonyme du poète Homère
Jupiler : bière blonde belge, sponsor des Diables rouges (foot) 2018
Septante-cinq : soixante-quinze
Of course : bien entendu
Flamouche : flamand
Parlement : langage
Biroute : Beyrouth - Liban
Ah oui mais non : interjection marquant une réserve
Couraillon : un cycliste ordinaire qui se prend pour un coureur
Gueuze : bière belge au goût acidulé et fruité
Dikkenek : vantard
Oufti : interjection qui marque la surprise
Guiguite à Court de Craie : Marguerite de Yourcenar de Crayencour
Nonante : quatre-vingt-dix
Flamin : flamand
Splitsing : éclatement, fission
Stoemmelings : en catimini
Ch’est ti pas biau ? : cà n’est-il pas beau ?
Malta – step by step : Malte à la loupe (pas-à-pas)
Kèsako : qu’est-ce encore
Highlights : lieux incontournables
Erato : muse de la poésie lyrique et érotique
127 Bis : centre de rapatriement à proximité de Bruxelles
Trekt a plan, kameroed : débrouille-toi, chef !
Slaptitude : faiblesse
Ah non peut-être : oui, sûrement
Baba : nana
FFI : Forces Françaises de l’intérieur
Wotan : Odin, dieu principal de la mythologie nordique
Gretchen : prototype de la jeune femme allemande
Stank voor dank : ingratitude (
traduction textuelle : de la puanteur en remerciement)Omérique : Néologisme - clin d’œil à la brasserie Omer Van Ghinste
Salut en de kost en de wind vanachter : au revoir et que Dieu vous garde.
(
traduction textuelle : salut, la bouffe et le vent dans le dos)

bruffaertsjo@skynet.be

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