|
Encore deux jours et notre escapade en pays
de langue d'oc appartiendra au passé !
Alerte générale en Lozère, dans le
Gard, l'Hérault et les Alpes après les intempéries du
week-end. Des pluies meurtrières s'abattent sur l'Europe.
Torrents d'eau, coups de vent d'une rare violence : le
déluge annoncé a partout surpris par sa violence. Voilà
ce que titraient à la une les journaux en ce début de
novembre 1994.
Uzès, même
époque. Malgré les avatars des jours précédents, il fallait
se rendre à l'évidence que nous avions relativement bien
retiré notre épingle du jeu puisque tous nos objectifs
avaient
été couronnés de succès. Il ne restait qu’à gravir les
pentes du Guidon du Bouquet pour réaliser le carton plein.
"L'aube
pointait. Le ciel était gris, de gros nuages roulaient,
poussés par le vent A l'horizon, le ciel et la terre se
rejoignaient en une ligne floue couleur de boue. Profitant
d'un break des éclusiers célestes, on s'échappa en triple
vitesse de l'hôtel et nous voilà à cette heure naviguant
entre les flaques d'eau qui inondent la nationale en
direction d'Alès. Une route déserte se profile en montagnes
russes. Bientôt, l'éminence, qui domine le plateau de
garrigue noyé sous un linceul de brouillasse, se dresse
devant nous. C'est le versant ouest, plus pentu que son
vis-à-vis, qui a retenu nos suffrages. Cette face présente
un dénivelé de 460m en 4600m soit une moyenne de 10%. Au
moment précis où on s'élance du pied de l'obstacle, des
trombes d'eau s'abattent sur la région qui nous obligent à
nous réfugier dans un "routier". Une auberge
providentielle. En tous les cas, si les cyclos n'ont pas de
bon dieu, les soiffards en ont un !
L'horloge était sur le point de sonner la demi de 10 heures
quand on commanda le premier crème et une pression. La pluie
flagellait sans arrêt les fenêtres de l'établissement. Une
heure plus tard, la situation n'était pas meilleure. Il eût
été dément de mettre un pied dehors. Les éléments nous
auraient tabassés, chassés, écrasés, massacrés, voire
balayés comme de vulgaires fétus de paille. Que faire ?
Contre mauvaise fortune, on s'offrit à nouveau un crème et
une pression. Tant et si bien que les aiguilles de
l'horloge s'installèrent dans la partie droite du quadrant.
Soudain, Dominique se lève de sa chaise et se dirige d'un
pas décidé vers la salle de resto. Instinctivement, je lui
emboîte le pas et nous pénétrons dans une pièce vide où
crépite un feu ouvert. Cette chaleur nous met du baume au
cœur.
Un ange
mouillé passa.
Il a à peine disparu qu'une compagnie de routiers prend
possession des lieux. En un tournemain ; plus une place de
libre. Deux jeunes gars prennent place à nos côtés alors
que nos entrées ne sont pas encore englouties. La
conversation s'engage sur-le-champ sur mille et un sujets.
Et patati, et patata ! En veux-tu, en voilà ! Entre-temps,
Dominique tente de venir à bout d'un cordon bleu alors que
pour ma part, je m'efforce de descendre une montagne
d'escargots. Des petits-gris. La salle s'anime. Les
commensaux donnent de la voix maintenant. On s'apprête à
faire la fête à un second litron quand tout à coup un de nos
voisins pique la carafe et se sert une large rasade de
pinard. Un véritable frère de galère puisqu'il nous donne
un sérieux coup de main dans notre entreprise de rinçage de
dalle !
Tout à coup, le peuple disparaît aussi vite qu'il est
apparu. Pour nous consoler de la sinistrose qui ravage le
bassin d'Alès, les routiers nous proposent un lift jusqu'à
Orange. Offre déclinée, il ne va sans dire !
L'horloge sonne none. Le paysage repose sous un épais
matelas de brume mais St Pierre s'est enfin résolu à fermer
les vannes célestes.
En route. Comme on se trouve au pied du mur, je mets
d'emblée le tout à gauche. Ripaille ou pas, peu importe !
C'est toujours le même Pavlov qui revient en cette
circonstance.
A la sortie de Brouzet-les-Alès, le chemin se faufile entre
les chênes verts et les buissons. Une pente irrégulière,
présentant quatre raidillons entrecoupés de quelques faux
plats, grimpe pratiquement en ligne droite vers le sommet
qui héberge un relais de télécommunication. Comme le temps
ne se prête guère à la contemplation, je fais demi-tour et
passe à fond la caisse devant un Dominique médusé, le Leica
à la main".
Je n'y ai
relevé aucun lacet. La sensation de coincer a aussi été
reléguée aux abonnés absents.
Moralité : "Descendez une montagne de gastéropodes, ceux-ci
vous le rendront au centuple en vous donnant des ailes".
Mon
partenaire n'apprécia guère ma volte face qui, à cause de ma
précipitation, nous écarta davantage de notre destination.
Il fallut embrayer sur le grand moulin pour revenir à Uzès.
A l'arraché ! Nos sacs récupérés, on se mit à chasser le
nez dans le guidon jusqu'à Remoulins. Il était temps. La
nuit nous happait à l'entrée de la ville.
Automne
1994
bruffaertsjo@skynet.be
|
|