Tout cyclotouriste quelque peu initié
sait que le col du Parpaillon (2645m) est au
cyclo-grimpeur ce que Paris-Brest-Paris est au
randonneur. Il est donc probable qu'un Cent Cols, tant
qu'il n'a pas accroché ce monument à son tableau de
chasse, sente quelque part un manque, voire une énorme
lacune aux yeux de ses confrères.
Ce col, considéré comme le bout du monde,
il y a moins d'un siècle, a fait couler beaucoup
d'encre. Au point d'émarger en légende, en mythe. A
deux reprises, j'avais tenté de le gravir. Par deux
fois, il m'avait fallu y renoncer au tout dernier
moment.
Quoi qu'il en soit, en ce début de septembre, m’y
voilà. Planté devant le portail du Parpaillon, je
n’éprouve pas la griserie du silence absolu décrit par
Philippe Marre. Je ne partage pas le sentiment de
Gérard Mage qui prétendait qu’une fois devant le tunnel, vous
serez un cyclo escaladeur comblé, tel un montagnard qui
en fait toute une montagne.
La magie des hautes cimes n’est pas au
rendez-vous ! Que
s’est-il passé ? J’ai loupé mon rancart avec le
sublime. Mon billet pour les Champs Elysées est
postposé aux calendes grecques ! A force de fantasmer
sur ce col, j’avais fini par en faire une montagne. Et
celle-ci vient d’accoucher une souris.
Comment expliquer cette attitude blasée ?
Elle est le fruit d’une succession de petites
déceptions. Ainsi, le pourcentage de la déclivité, bien
que régulière et pentue, ne nécessite jamais de quoi
grimper aux arbres. D’autant plus que si le randonneur
est équipé en fonction du relief, il n’a pas de raison
de s’inquiéter et, en fin de compte, quand il prend
l’ascension en patience, il parvient au tunnel bien
avant que sa pompe se mette à déconner. Encore si
déconner, elle eût envie ! ! !
Quid le tunnel et son illustre lourde de tous les
honneurs ? Le piège obscur dans lequel tant de
randonneurs ont eu les chocottes ! Pour me plonger un
tant soit peu dans l’atmosphère des conteurs "parpailloneurs",
je m’offre le luxe de refuser l’aide d’une 4 x 4 qui me
propose d’ouvrir la route. Il est une vérité cependant
! Même avec un éclairage performant, on n’y voit
goutte ! Je corse un tant soit peu l’affaire en
renonçant à
chausser mes pataugeasses. La traversée
du tunnel se fait malgré tout sans avatar et sans
difficulté et ce, dans les deux sens. Nickel sur toute
la longueur. Quelque vingt ans plus tôt, le boyau de la
mort devant Val d’Isère m’avait autrement remué les
sangs.
De
la flore, n’en parlons pas ! Je n’ai aperçu qu’un rare
colchique. Et de la faune ? Parlons-en ! Excepté des
moutons par milliers, deux choucas qui s’éternisaient à
reluquer le cuir de mon crâne et une marmotte
phénoménale surprise par un crâneur dégarni, toutes les
autres bestioles s'étaient terrées au plus profond de
leur trou.
Marmotte au aguets
Versant La Condamine, l’asphalte qui se prolonge jusqu’à
la fontaine Ste Anne, en fait un col qui ne le distingue
en rien de ses voisins ubayens. Ensuite, rien de bien
transcendant jusqu’à la buvette du Clausis et la Grande
Cabane du Parpaillon. Une montagne striée, que l'on
découvre entre les derniers mélèzes, écrase la combe de
sa sombre masse rocheuse et monotone. Aucune couleur
chatoyante ne jette un air de gaieté dans ce monde
minéral. A luminosité nulle, pellicule épargnée. A
fortiori, les impressions s’en trouvent mitigées !
Point de gouffre, point de précipice, point de faille.
Le chemin s’infiltre au cœur de la montagne sans faire
appel à des constructions en corniche, sans ouvrages
d’art. Rien de spectaculaire, rien de passionnant !
Sans la déclivité marathonienne, j’eus passé le col du
Parpaillon à la trappe de mes chroniques.
Réflexion faite, le côté versant Embrun a un aspect
positif par rapport à l’ubac puisqu’il donne l’occasion
au randonneur de signer le Livre d’Or à Crévoux. Une
satisfaction personnelle qui n’est compréhensible que
par un fêlé de la même espèce.
Quoi
qu’il en soit, les Alpes du Sud ont beaucoup mieux à
proposer. Il va de soi cependant qu’une telle réflexion
n’engage que l’auteur de ces lignes.