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Un jour de sabbat en Corrèze...
Le coup
d'envol : il a lieu peu après le passage du 45me
parallèle quand Claude, notre hôte et capitaine de route,
propose une première halte à
Beaulieu sur
Dordogne
devant le tympan de l’église qui fascina
jadis Malraux.
Dis, n'est-ce pas merveilleux ? Quoi, Salvatore ? La
culture, pardi ! Surtout quand on se trouve dans la capitale
de la fraise et que des noyeraies vous entourent à perte de
vue. Pour tout vous dire, la veille, j’avais déjà pris
en solo la température du terroir en me heurtant à
l’orgueilleuse falaise qui domine
Bort-les-Orgues ; une courte mise en jambe autour
du Puy
de Manzagol et de Neuvic via
le
col du Puy de Bort.
Retour au sabbat. Emplettes sur le marché à ciel ouvert de
Bretenoux. Claude y fait
une razzia de cabécous « Rocamadour Fermier ». Une
espèce de crottin de Chavignol.
Sur ces entrefaites, la pluie nous rattrape. Elle gardera
nos fesses au frais tout au long de l’ascension du causse de
Gramat. Ascension morose
sans coup de reins et
la matinée s’achève par un déjeuner dans la ville du même
nom entre les goutte-à-goutte de la marquise percée d’un
bistrot. Ultime coup de bec
dans un cabécou avant de reprendre la route.
Sur la place de Beaulieu-sur-Dordogne
Le coup de cœur : je
le dédie à Rocamadour. La ville occupe un site
extraordinaire au-dessus de la rivière et offre un panorama
typiquement caussenard. Le calcaire est omniprésent et
imprime sa rude loi : un sol rocailleux où il ne pousse que
des chênes rabougris, quelques genévriers et une herbe
rase. Les maisons, les échoppes, les sanctuaires et les
fortifications s’accrochent au roc comme des troglodytes.
Sur le conseil d’un riverain, nous grimpons au ciel via un
méchant raidillon qui donne accès à la Basilique St Sauveur
érigée sur la crypte de St Amadour. Claude, métamorphosé en
cerbère, fait le pied de grue au pied du « Grand
Escalier » pendant que l’équipe accomplit ses dévotions
à la Vierge noire. Exposée dans une sombre chapelle remplie
d’ex-voto, ce sont néanmoins les ferrures scellées dans la
paroi qui interpellent notre mémoire.
Ensuite, la remontée sur le causse se solde par un
coup de froid. Michel
manque à l’appel. L’empêcheur de tourner rond en est une
punaise non identifiée.
Rocamadour
Entre-temps, Jean-Louis, l’anticonformiste
s’identifiant à Jacquou le Croquant, tourne le nez dans le
guidon dans le sens inverse du parcours. Ce phénomène
possède l’art démoniaque de réduire son
SCx
à une peau de chagrin :
Cx
étant le coefficient de pénétration dans l’air et le
S
la surface frontale (en m2) de l’équipage. Quel
coup de bol quand la
technique rejoint la culture, non !
Impasse sur le gouffre de Padirac. C’est un sport que je
redoute depuis le coup de
malchance dans l’Assietta.
Regroupement providentiel devant Carennac, petit centre
historique qui fut autrefois un siège ecclésiastique de
première importance. Courte visite à l’ancien prieuré où
Fénelon rédigea, à l’intention des cyclotes, son fameux
« Traité de l’Education des Filles ». Des
principes de bon maintien que Mado, une de nos
coéquipières, eut l’occasion d’étrenner un peu plus tard à
Martel.
Le coup de chapeau :
je l’adresse aux tandemistes qui m’ont impressionné tant à
l’arrêt qu’en mouvement. C’est un véritable régal
d’accompagner des yeux les bielles de cette rutilante
mécanique. Dès la sortie de Carennac, l’équipage reniflant
l’odeur des écuries, il se sentit pousser des ailes et
s’envola sans demander son reste pour la galaxie nonardaise.
Eric adressant au passage un salut à son ancienne Ecole des
Travaux Publics d’Egletons.
Quant au reste du groupe, il s’égraina pour franchir
l’ultime obstacle de la journée. En l’occurrence, le col
de Teillet qui est planté à une encablure de notre gîte
de Nonards.
Quel bonheur de se décrasser sous une bonne douche après 118
km et 1152 m de dénivelé.
Le
coup de génie :
dîner « Chez Pierrot » à
Neuville où l’on fête les retrouvailles en compagnie
des dissidents de la première heure, à savoir les Maurice,
Nicole, Catherine, Jean-Louis et autre Anne- Françoise dont
on n’avait plus vu le bout du nez depuis belle lurette.
Turenne
Le lendemain matin…
Br…. ! Le jour le plus long sur papier. Or, comme la
veille, Nono le métreur de service ayant nettement
sous-estimé la distance, l’équipe était en droit de se
demander à quelle sauce elle allait être mijotée ? Aussi,
dès le départ, est-il décidé de faire le point à l’heure du
déjeuner !
En fait, la journée sera scindée en deux temps : une matinée
essentiellement axée sur le contemplatif et un tantôt à
caractère randonneur. Mais n’anticipons pas.
Le groupe se disloque une première fois au col de la
Jeanne. Catherine, Maurice et Nicole prennent la
tangente. Salut, à ce soir !
Les autres se frayent un chemin à tâtons, à
coups de carte et de réflexion,
dans la campagne corrézienne. La petite Anne-Françoise
tient bon sans coup férir. Michel reste fidèle à son
image. « Qui va piano, va sano » aime-t-il à se
répéter sans arrêt. Erwan, lui, se complaît dans des
incessants aller-retour. Il pète de santé sous sa bâche de
sudation. Par conséquent, c’est au train de sénateur que le
groupe des « gentils » parvient à
Turenne.
Une grimpette ad honores.
C’est par un lacis de ruelles fleuries que
l’on grimpe à l’assaut de la colline. Plus cyclo que ça,
tu as droit de réclamer une suite royale à l’asile, tous
frais payés par la princesse. Michel a senti le traquenard
et il s’en va se faire voir ailleurs.
Quoi qu’il en soit, le Moyen Age s’illustre avec force dans
ce petit village qui prêta jadis son patronyme à l’illustre
guerrier. Et zou ! Je vous renvoie tous illico à vos
manuels d’Histoire. Mais puisque je suis convaincu que vous
n’irez pas dépoussiérer vos syllabus, traités, opuscules et
autres abrégés, sachez donc que les maisons aux portes et
fenêtres richement travaillées témoignent d’un passé
extrêmement prospère du temps où Turenne était une véritable
principauté libre de battre monnaie, de promulguer des lois
et franche d’impôt.
Celui ou celle qui met ma parole en doute aura droit à un
coup de massue sans
coup de
semonce. Rappelez-vous que l’on n'écrase pas
impunément les orteils d’un Ménapien, dixit Jules César.
On repique du nez dans la vallée de la « Tourmente ».
La montée par la D38 vers
Collonges-la-Rouge est atroce. Style raidillon du circuit
de Francorchamps. Le
coup de bambou se
profile à l’horizon. La petite bourgade de
Collonges-la-Rouge est blottie aux pieds des derniers
contreforts du Limousin. Entièrement bâtie de grès rouge
par des moines de l’ordre de Cîteaux, elle n’aura pas droit
à mon coup de cœur
malgré les maisons à escalier à vis et les tourelles
d’angle. Malgré le quartier de la chapelle des Pénitents.
Le charme d’antan est brisé par un tas de vendeurs de
« cochonneries » pour reprendre les termes de Nono.
On aura beau me dire que c’est là que naquit l’association
des « Plus beaux villages de France », le
tourisme de masse, qui frise trop souvent la débilité,
risque de me donner un coup
de sang. Donc, après une tentative
infructueuse de coup de tampon,
on se laisse glisser sans perdre une minute
jusqu’à Meyssac. Là, on
échoue entre les rayons d’un « Super U» qui est sur
le point de renvoyer son personnel pour la méridienne.
Collonges-la-Rouge
Les vannes
célestes nous autorisent à déjeuner dans les extérieurs du
troquet de la place municipale. Quarante bornes au
compteur, il est temps de faire le point. Il en reste 90 à
couvrir.
Le groupe se disloque une seconde fois. Nono essuie un
coup de pompe. Pierre,
assisté par Marie-Christine comme de son ombre, et
Anne-Françoise décident de l’accompagner dans un circuit
épuré de cols. Le tandem s’en va faire sa vie de son côté.
Reste 5 irréductibles dans la chasse aux cols. Une brune
onctueuse se charge de me donner un
coup de fouet.
Changement de rythme dans le
col des Sarres.
Dans le
col du Planchat,
l'adagio évolue vers l’allegretto. Les
accros de la randonnée se donnent le mot sans piper. Carte
blanche pour un coup de feu,
soit un coup de pied
dans les bons principes du cyclotourisme. Ca ne flingue
pas, mais c’est limite. Les cols se passent le doigt dans
le nez. Au
pas des Vignes,
le groupe se ressoude et comme le tout à droite est de mise,
on se met à tracer comme à l’époque de nos vertes années.
Erwan emmène le braquet. Il caracole encore en tête mais il
ne peut plus se permettre de fumer la pipe. Jean-Louis
s’amuse à jouer de l’accordéon. Tant et si bien qu’il
manque de se faire déposer. Coup
de buis ou coup
d’inattention ? Patricia s’offre à
l’occasion un petit caprice qui décoiffe le plumitif de
service. Cette cyclote rivalise avec le meilleur randonneur
ayant pignon sur rue. Quant à Claude, comme c’est un
copain, je m’abstiendrai de tout commentaire. Disons que je
l’ai vu toujours pédaler à l’égal de lui-même. Formule
explicite quand on connaît le personnage. Les autres n’ont
qu’à potasser les palmarès, challenges et autres classements
divers.
Col de Jordes.
Longue descente à fond la caisse
sur Argentat.
Meyssac
A
Forgès,
la belle histoire capote en cauchemar. Le ciel se déchire
et il se met à pleuvoir comme vache qui pisse. C’est ce
moment douloureux que choisissent les commensaux de Meyssac
pour se retrouver au grand complet sous les appentis d’une
station service à proximité d’Argentat. Bientôt, ce n’est
plus une vache mais un troupeau qui se vide. Et encore,
c’est un euphémisme ; nous n’avons pas encore mangé tout
notre pain noir. En effet, voilà que s’abat l'apocalypse
sur la Dordogne. Les arbres se couchent sur la
départementale. Des coups de
foudre zèbrent le ciel à donner la pétoche aux
plus téméraires. Des grêlons, gros comme des agates,
obligent les plus courageux à s’abriter en catastrophe.
Le coup de chapeau :
je l’attribue sans la moindre hésitation à Anne-Françoise
que tous, moi y compris, nous avons lâchement abandonné au
cœur des bourrasques. Elle rentrera au bercail sans émettre
une réflexion. Sans adresser un
coup de dent aux machos tant que nous sommes. Ce
petit bout de femme m’a laissé une impression gigantesque.
Coup d’éclat
pour les uns, coup de folie
pour les autres. Bref, nous sommes tous rentrés indemnes à
Nonards, trempés comme des canards par des routes bordées de
montagnes de grêlons. Bilan de la ronde : 130 km pour un
dénivelé de 1425 m.
Le lendemain de la tourmente, des congères de grêlons
borderont encore les bas-côtés de la route tard dans la
matinée.
Repas du soir : convivial sans
coup fourré ni coup
de fusil.
Le jour suivant…
La der des der au départ de Nonards. Il est décidé
d’écourter le trajet initial car le temps presse. Une ronde
de 80 bornes et 925 m de dénivelé. Une fois de plus, dès
le départ, il y en a qui prennent en douce la clé des
champs.
Tiens ! Tiens ! Voilà du neuf ! Pierre, qui s’est déguisé
en « Pantani » ! Va-t-il tenter un
coup de maître ou
projète-il un
coup de Jarnac ?
Chapelle-aux-Saints : ainsi que je l’ai déjà fait remarquer,
nous devons gérer les dernières heures au mieux des intérêts
de tout un chacun. Donc, pas le temps d’aller
boire le coup chez notre
cousin « l’Homme du Neandertal ». La visite de
complaisance est remise aux calendes grecques. Catherine
mène la danse et déniche un petit village qui s’habille déjà
des chaudes couleurs du Quercy.
Curemonte
Mon coup de cœur :
je le cède volontiers à Curemonte,
une bourgade située à l’écart des grands axes
touristiques que dominent trois châteaux. Les maisons y
flamboient de grès rouge sous les toits de lauze. En 40,
Colette y trouva refuge auprès de sa fille et elle relata
toutes ses frasques dans son Journal à rebours.
Court briefing sur la place municipale. Les ouailles du
curé sont au lit. Le 8 mai, n’est pas un jour consacré au
Seigneur. On a l’impression de déambuler dans les
rues d’un musée.
Floirac.
Le porche grand ouvert de l’église appelle le pèlerin à se
recueillir. A une coudée de l’édifice se dresse une
imposante tour carrée dont la disposition des blocs de
pierre interpelle Jean-Louis. Il n’est pas le seul à se
remuer les méninges à ce sujet. La procession reçoit un
coup de
grâce. Michel coupe au
court sur Martel, Jean-Louis se farcit la boucle originale.
Bref, chacun agite l’encensoir à sa mode.
A Creysse,
nous ne sommes plus qu’une poignée à grimper
les degrés de l’église qui, paraît-il, est unique en
France. Un bel effort pour des prunes puisque le portail
est verrouillé à double tour.
Doucement, nous nous acheminons
vers Martel,
petite cité féodale qui n’a aucune accointance avec Charles
d’Herstal dit Charles Martel. Quoique, si Mado ait eu les
coudées franches pour pourfendre le sarrasin de barman, elle
ne se serait pas fait prier pour mettre son dessein à
exécution. Ensuite, retour par monts et par vaux sur
Nonards. Le groupe se morcèle et je parcours les derniers
kilomètres en compagnie de Patricia.
Sur ce, l’heure est venue de saluer l’assemblée ou du moins
ce qu’il en reste.
Pour ma part, en attendant le lendemain pour la descente en
flèche du reliquat des cols corréziens, je m’offre une bonne
bouffe, arrosée d’un bon coup de
rouge, à l’Auberge des Gabariers à
Argentat.
Coup de bol :
entre-temps, des galopins manquent de justesse de me piquer
mon saint-frusquin étalé dans le haillon de ma tire.
Creysse : Cathie - Anne-Françoise - Claude - José
Suite et fin. En solo cette fois-ci.
Une belle
journée se profile à l’horizon. Ca tombe bien parce que mon
programme est réglé comme du papier à musique.
Premier volet : une matinée « cool » consacrée à musarder au
fil de la Dordogne. Coup double
puisque je découvre le site vertigineux du
barrage de l’Aigle serti
dans un écrin de verdure. Quant au petit port
de Spontour, il somnole au
bord des eaux calmes de la Dordogne. Par la même occasion,
j’épingle le
« collet »,
le dernier col corrézien de cette latitude, qui se blottit à
une encablure de là. Mais l’heure n’est plus à la rêverie
et, bien que le paysage enchanteur me rappelle la
merveilleuse vallée de la Semois, il me faut mettre un terme
à cette boucle.
Second volet : mouvance vers le nord en auto. Destination :
Treignac, au pied des monts
des Monédières pour un circuit comprenant le
Suc-au-May, un mont de
France, et trois cols, satellites du point culminant de la
région.
Un peu avant les douze coups de
midi. De sombres nuages roulent sur les crêtes
boisées. Soudain, au moment où je m’élance à l’assaut de la
montagne, un nuage crève et me contraint à chercher refuge à
« La Flambée » où je me tape la cloche en attendant que St
Pierre rustine son arrosoir.
Tout arrive à qui sait lever le coude. Or, comme je ne
crains pas cet exercice, il me faut cependant poireauter
près de deux heures avant de zigzaguer enfin, sous un ciel
gris de fer, sur les pentes à doubles chevrons du col de
Lestards.
Treignac
Puis, coup de
veine ! Au moment où le ciel craque de partout,
et qu’un déluge s’abat sur les Monédières, je trouve abri
dans l’unique aubette du massif à proximité du col des
Géants. Il ne me restera plus qu’à philosopher et à
faire des ronds de jambe pour prendre mon mal en patience.
Deux longues heures d’affilée. Quoi qu’il en soit, je
parviens quand même au sommet du Suc-au-May qui est investi
par des ploucs en manœuvres. Les pentes sont envahies par
des champs de bruyère et des genêts La grisaille écrase les
Monédières et comme la ronde des cols est bouclée au col
du Bos, il ne me reste plus qu’à rentrer à Treignac sur
les chapeaux de roue.
Mon seul coup de blues :
le
col de la Croix de Mission,
le dernier du périple, passe à la trappe de mes objectifs
en raison du temps infecte qui s’est abattu sur la région.
Le mot de la fin.
Toute ressemblance, de quelque nature que ce soit, avec des
personnes qui sont bien vivantes, est rigoureusement
volontaire et intentionnelle de la part de l’auteur.
L’équipe de l'A.C.Clermontoise au grand
complet :
Bénistrand Claude et Catherine, St Loubertbie Erwan,
Gourgues Anne-Françoise, Bonnefont Noël, Almanzor Michel,
Masson Patricia, Clavelier Maurice et Nicole, Boyer Eric,
Guillaneuf Madeleine, Jeandesboz Pierre et Marie-Christine,
Galopin Jean-Louis et l’auteur de ces lignes.
Printemps 2000
bruffaertsjo@skynet.be
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