José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

«  LA  CORREZE  SOUS  UNE  ROUEE  DE  COUPS »

 
 

 

Un jour de sabbat en Corrèze... 

          Le coup d'envol : il a lieu peu après le passage du 45me parallèle quand Claude,  notre hôte et capitaine de route,  propose une première halte à Beaulieu sur Dordogne devant le tympan de l’église qui fascina jadis Malraux.
Dis, n'est-ce pas merveilleux ?  Quoi, Salvatore ?  La culture, pardi ! Surtout quand on se trouve dans la capitale de la fraise et que des noyeraies vous entourent à perte de vue.    Pour tout vous dire, la veille,  j’avais déjà pris en solo la température du terroir en me heurtant à l’orgueilleuse falaise qui domine Bort-les-Orgues ; une courte mise en jambe autour du Puy de Manzagol et de Neuvic via le
col du Puy de Bort.

Retour au sabbat. Emplettes sur le marché à ciel ouvert de Bretenoux.  Claude y fait une razzia de cabécous « Rocamadour Fermier ».  Une espèce de crottin de Chavignol.
Sur ces entrefaites, la pluie nous rattrape.  Elle gardera nos fesses au frais tout au long de l’ascension du causse de Gramat.  Ascension morose sans coup de reins et la matinée s’achève par un déjeuner dans la ville du même nom entre les goutte-à-goutte de la marquise percée d’un bistrot.  Ultime coup de bec dans un cabécou avant de reprendre la route.
 

Sur la place de Beaulieu-sur-Dordogne



Le coup de cœur : je le dédie à Rocamadour.  La ville occupe un site extraordinaire au-dessus de la rivière et offre un panorama typiquement caussenard.  Le calcaire est omniprésent et imprime sa rude loi : un sol rocailleux où il ne pousse que des chênes rabougris, quelques genévriers et une herbe rase.  Les maisons, les échoppes, les sanctuaires et les fortifications s’accrochent au roc comme des troglodytes.
Sur le conseil d’un riverain, nous grimpons au ciel via un méchant raidillon qui donne accès à la Basilique St Sauveur érigée sur la crypte de St Amadour.  Claude, métamorphosé en cerbère, fait le pied de grue au pied du « Grand  Escalier » pendant que l’équipe accomplit ses dévotions à la Vierge noire.  Exposée dans une sombre chapelle remplie d’ex-voto, ce sont néanmoins les ferrures scellées dans la paroi qui interpellent notre mémoire.
Ensuite, la remontée sur le causse se solde par un coup de froid.  Michel manque à l’appel.  L’empêcheur de tourner rond en est une punaise non identifiée.



Rocamadour

Entre-temps, Jean-Louis, l’anticonformiste s’identifiant à Jacquou le Croquant, tourne le nez dans le guidon dans le sens inverse du parcours.  Ce phénomène possède l’art démoniaque de réduire son SCx à une peau de chagrin : Cx étant le coefficient de pénétration dans l’air et le S la surface frontale (en m2) de l’équipage.  Quel coup de bol quand la technique rejoint la culture, non !
Impasse sur le gouffre de Padirac.  C’est un sport que je redoute depuis le coup de malchance dans l’Assietta.

Regroupement providentiel devant Carennac, petit centre historique qui fut autrefois un siège  ecclésiastique de première importance.  Courte visite à l’ancien prieuré où Fénelon rédigea,  à l’intention des cyclotes,  son fameux « Traité de l’Education des Filles ».  Des principes de bon maintien que Mado, une de nos coéquipières,  eut l’occasion d’étrenner un peu plus tard à Martel.

Le coup de chapeau : je l’adresse aux tandemistes qui m’ont impressionné tant à l’arrêt qu’en mouvement.  C’est un véritable régal d’accompagner des yeux les bielles de cette rutilante mécanique.  Dès la sortie de Carennac, l’équipage reniflant l’odeur des écuries, il se sentit pousser des ailes et s’envola  sans demander son reste pour la galaxie nonardaise.  Eric adressant au passage un salut à son ancienne Ecole des  Travaux Publics d’Egletons.

Quant au reste du groupe, il s’égraina pour franchir l’ultime obstacle de la journée.  En l’occurrence, le col de Teillet qui est planté  à une encablure de notre gîte de
Nonards.  Quel bonheur de se décrasser sous une bonne douche après 118 km et 1152 m de dénivelé.

Le
coup de génie : dîner « Chez Pierrot » à Neuville où l’on fête les retrouvailles en compagnie des dissidents de la première heure, à savoir les Maurice, Nicole, Catherine, Jean-Louis et autre Anne- Françoise dont on n’avait plus vu le bout du nez depuis belle lurette.



Turenne

Le lendemain matin…

Br…. !  Le jour le plus long sur papier.  Or, comme la veille, Nono le métreur de service ayant nettement sous-estimé la distance, l’équipe était en droit de se demander à quelle sauce elle allait être mijotée ?  Aussi, dès le départ, est-il décidé de faire le point à l’heure du déjeuner !

En fait, la journée sera scindée en deux temps : une matinée essentiellement axée sur le contemplatif et un tantôt à caractère randonneur. Mais n’anticipons pas.

Le groupe se disloque une première fois au col de la Jeanne.  Catherine, Maurice et Nicole prennent la tangente.  Salut, à ce soir !

Les autres se frayent un chemin à tâtons, à coups de carte et de réflexion, dans la campagne corrézienne.  La petite Anne-Françoise tient bon sans coup férir.  Michel reste fidèle à son image.  « Qui va piano, va sano »  aime-t-il à se répéter sans arrêt.  Erwan, lui, se complaît dans des incessants  aller-retour.  Il pète de santé sous sa bâche de sudation.  Par conséquent, c’est au train de sénateur que le groupe des « gentils » parvient à Turenne. 
Une grimpette ad honores. C’est par un lacis de ruelles fleuries que l’on grimpe à l’assaut de la colline.  Plus cyclo que ça,  tu as droit de réclamer une suite royale à l’asile, tous frais payés par la princesse.  Michel a senti le traquenard  et il s’en va se faire voir ailleurs.
Quoi qu’il en soit, le Moyen Age s’illustre avec force dans ce petit village qui prêta jadis son patronyme à l’illustre guerrier.  Et zou !  Je vous renvoie tous illico à vos manuels d’Histoire.  Mais puisque je suis convaincu que vous n’irez pas dépoussiérer vos syllabus, traités, opuscules et autres abrégés,  sachez donc que les maisons aux portes et fenêtres richement travaillées témoignent d’un passé extrêmement prospère du temps où Turenne était une véritable principauté libre de battre monnaie, de promulguer des lois et franche d’impôt.

Celui ou celle qui met ma parole en doute aura droit à un coup de massue sans coup de semonce.  Rappelez-vous que l’on n'écrase pas impunément les orteils d’un Ménapien, dixit Jules César.
On repique du nez dans la vallée de la « Tourmente ».  La montée par la D38 vers Collonges-la-Rouge est atroce.  Style raidillon du circuit de Francorchamps.  Le coup de bambou se profile à l’horizon.  La petite bourgade de Collonges-la-Rouge est blottie aux pieds des derniers contreforts du Limousin.  Entièrement bâtie de grès rouge par des moines de l’ordre de Cîteaux,  elle n’aura pas droit à mon coup de cœur malgré les maisons à escalier à vis et les tourelles d’angle.  Malgré le quartier de la chapelle des Pénitents.  Le charme d’antan est brisé par un tas de vendeurs de « cochonneries » pour reprendre les termes de Nono.
On aura beau me dire que c’est là que naquit l’association des  « Plus beaux villages de France », le tourisme de masse, qui frise trop souvent la débilité, risque de me donner un coup de sang.  Donc, après une tentative infructueuse de coup de tampon, on se laisse glisser sans perdre une minute jusqu’à Meyssac.  Là, on échoue entre les rayons d’un « Super U» qui est sur le point de renvoyer son personnel pour la méridienne.
 



Collonges-la-Rouge
 

Les vannes célestes nous autorisent à déjeuner dans les extérieurs du troquet de la place municipale.  Quarante bornes au compteur, il est temps de faire le point.  Il en reste 90 à couvrir.
Le groupe se disloque une seconde fois.  Nono essuie un coup de pompe.  Pierre, assisté par Marie-Christine comme de son ombre, et Anne-Françoise décident de l’accompagner dans un circuit épuré de cols.  Le tandem s’en va faire sa vie de son côté.

Reste 5 irréductibles dans la chasse aux cols.  Une brune onctueuse se charge de me donner un coup de fouet.  Changement de rythme dans le
col des Sarres.  Dans le col du Planchat,  l'adagio évolue vers l’allegretto.  Les accros de la randonnée se donnent le mot sans piper. Carte blanche pour un coup de feu, soit un coup de pied dans les bons principes du cyclotourisme.  Ca ne flingue pas,  mais c’est limite.  Les cols se passent le doigt dans le nez.  Au pas des Vignes, le groupe se ressoude et comme le tout à droite est de mise, on se met à tracer comme à l’époque de nos vertes années.  Erwan emmène le braquet.  Il caracole encore en tête mais il ne peut plus se permettre de fumer la pipe.  Jean-Louis s’amuse à jouer de l’accordéon.  Tant et si bien qu’il manque de se faire déposer. Coup de buis ou coup d’inattention ?  Patricia s’offre à l’occasion un petit caprice qui décoiffe le plumitif de service.  Cette cyclote rivalise avec le meilleur randonneur ayant pignon sur rue.  Quant à Claude, comme c’est un copain, je m’abstiendrai de tout commentaire.  Disons que je l’ai vu toujours pédaler à l’égal de lui-même.  Formule explicite quand on connaît le personnage.  Les autres n’ont qu’à potasser les palmarès, challenges et autres classements divers.

Col de Jordes
.  Longue descente à fond la caisse sur Argentat.
 



Meyssac

A Forgès, la belle histoire capote en cauchemar.  Le ciel se déchire et il se met à pleuvoir comme vache qui pisse.  C’est ce moment douloureux que choisissent  les commensaux de Meyssac pour se retrouver au grand complet sous les appentis d’une station service à proximité d’Argentat.  Bientôt, ce n’est plus une vache mais un troupeau qui se vide.  Et encore, c’est un euphémisme ; nous n’avons pas encore mangé tout notre pain noir.  En effet, voilà que s’abat l'apocalypse sur la Dordogne.  Les arbres se couchent sur la départementale.  Des coups de foudre zèbrent le ciel à donner la pétoche  aux plus téméraires.  Des grêlons, gros comme des agates, obligent les plus courageux à s’abriter en catastrophe.
Le coup de chapeau : je l’attribue sans la moindre hésitation à Anne-Françoise que tous, moi y compris, nous avons lâchement abandonné au cœur des bourrasques.  Elle rentrera au bercail sans émettre une réflexion.  Sans adresser un coup de dent aux machos tant que nous sommes.  Ce petit bout de femme m’a laissé une impression gigantesque.

Coup d’éclat
pour les uns, coup de folie pour les autres.  Bref, nous sommes tous rentrés indemnes  à Nonards, trempés comme des canards par des routes bordées de montagnes de grêlons.  Bilan de la ronde : 130 km pour un dénivelé de 1425 m.
Le lendemain de la tourmente, des congères de grêlons borderont encore  les bas-côtés de la route tard dans la matinée.

Repas du soir :  convivial sans coup fourré ni coup de fusil.

Le jour suivant…
La der des der au départ de Nonards.  Il est décidé d’écourter le trajet initial car le temps presse. Une ronde de 80 bornes et 925 m de dénivelé.   Une fois de plus, dès le départ,  il y en a qui prennent en douce la clé des champs.
Tiens ! Tiens ! Voilà du neuf !  Pierre,  qui s’est déguisé en « Pantani » !  Va-t-il tenter  un coup de maître ou projète-il un
coup de Jarnac ?
Chapelle-aux-Saints : ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, nous devons gérer les dernières heures au mieux des intérêts de tout un chacun.  Donc, pas le temps d’aller boire le coup chez notre cousin « l’Homme du Neandertal ».  La visite de complaisance est remise aux calendes grecques.  Catherine mène la danse et déniche un petit village qui s’habille déjà des chaudes couleurs du Quercy.



Curemonte 

Mon coup de cœur : je le cède volontiers à Curemonte, une bourgade située à l’écart des grands axes touristiques que dominent trois châteaux.  Les maisons y flamboient de grès rouge sous les toits de lauze.  En 40, Colette y trouva  refuge auprès de sa fille et elle relata toutes ses frasques dans son Journal à rebours.
Court briefing sur la place municipale.  Les ouailles du curé sont au lit.  Le 8 mai, n’est pas un jour consacré au Seigneur. On a l’impression de déambuler dans les rues d’un musée.

Floirac.
  Le porche grand ouvert de l’église appelle le pèlerin à se recueillir.  A une coudée de l’édifice se dresse une imposante tour carrée dont la disposition des blocs de pierre interpelle Jean-Louis.  Il n’est pas le seul à se remuer les méninges à ce sujet.  La procession reçoit un coup de grâce.  Michel coupe au court sur Martel, Jean-Louis se farcit la boucle originale.  Bref, chacun agite l’encensoir à sa mode.  A Creysse, nous ne sommes plus qu’une poignée à grimper les degrés de l’église qui, paraît-il, est unique en France.  Un bel effort pour des prunes puisque le portail est verrouillé à double tour.
Doucement, nous nous acheminons
vers Martel
, petite cité féodale qui n’a aucune accointance avec Charles d’Herstal dit Charles Martel.  Quoique,  si Mado ait eu les coudées franches pour pourfendre le sarrasin de barman, elle ne se serait pas fait prier pour mettre son dessein à exécution.  Ensuite, retour par monts et par vaux sur Nonards.  Le groupe se morcèle et je parcours les derniers kilomètres en compagnie de Patricia.
Sur ce,  l’heure est venue de saluer l’assemblée ou du moins ce qu’il en reste.
Pour ma part, en attendant le lendemain pour la descente en flèche du reliquat des cols corréziens, je m’offre une bonne bouffe, arrosée d’un bon coup de rouge, à l’Auberge des Gabariers à
Argentat.

Coup de bol
 : entre-temps, des galopins manquent  de justesse de me piquer mon saint-frusquin étalé dans le haillon de ma tire.



Creysse : Cathie - Anne-Françoise - Claude - José


Suite et fin.  En solo cette fois-ci.
                                                                                                  

Une belle journée se profile à l’horizon.  Ca tombe bien parce que mon programme est réglé comme du papier à musique.
Premier volet : une matinée « cool » consacrée à musarder au fil de la Dordogne.  Coup double puisque je découvre le site vertigineux du barrage de l’Aigle serti dans un écrin de verdure.  Quant au petit port de Spontour, il somnole au bord des eaux calmes de la Dordogne.  Par la même occasion, j’épingle le
« collet », le dernier col corrézien de cette latitude, qui se blottit à une encablure de là.  Mais l’heure n’est plus à la rêverie et, bien que le paysage enchanteur me rappelle la merveilleuse vallée de la Semois, il me faut mettre un terme à cette boucle.
Second volet : mouvance vers le nord en auto.  Destination : Treignac, au pied des monts des Monédières pour un circuit comprenant le Suc-au-May, un mont de France, et trois cols, satellites du point culminant de la région.
Un peu avant les douze coups de midi.  De sombres nuages roulent sur les crêtes boisées.  Soudain, au moment où je m’élance à l’assaut de la montagne, un nuage crève et me contraint à chercher refuge à « La Flambée » où je me tape la cloche en attendant que St Pierre rustine son arrosoir.

Tout arrive à qui sait lever le coude.  Or, comme je ne crains pas cet exercice, il me faut cependant poireauter près de deux heures avant de zigzaguer enfin, sous un ciel gris de fer, sur les pentes à doubles chevrons du col de Lestards.



Treignac

Puis, coup de veine !  Au moment où le ciel craque de partout, et qu’un déluge s’abat sur les Monédières, je trouve abri  dans l’unique aubette du massif à proximité du col des Géants.  Il ne me restera plus qu’à philosopher et à faire des ronds de jambe pour prendre mon mal en patience.  Deux longues heures d’affilée.  Quoi qu’il en soit, je parviens quand même au sommet du Suc-au-May qui est investi par des ploucs en manœuvres.  Les pentes sont envahies par des champs de bruyère et des genêts  La grisaille écrase les Monédières et comme la ronde des cols est bouclée au col du Bos, il ne me reste plus qu’à rentrer à Treignac sur les chapeaux de roue.
Mon seul coup de blues : le
col de la Croix de Mission, le dernier du périple,  passe à  la trappe de mes objectifs en raison du temps infecte qui s’est abattu sur la région.

Le mot de la fin.

Toute ressemblance, de quelque nature que ce soit, avec des personnes qui sont bien vivantes, est rigoureusement volontaire et intentionnelle de la part de l’auteur.

L’équipe de l'A.C.Clermontoise au grand complet :

Bénistrand Claude et Catherine, St Loubertbie Erwan, Gourgues Anne-Françoise, Bonnefont Noël, Almanzor Michel, Masson Patricia, Clavelier Maurice et Nicole, Boyer Eric, Guillaneuf Madeleine, Jeandesboz Pierre et Marie-Christine, Galopin Jean-Louis et l’auteur de ces lignes.

 

                                                                       Printemps 2000

 

bruffaertsjo@skynet.be

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