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L’E-Bike
est-il le meilleur ou le pire des deux-roues ?
Accrochez-vous ! Mon exposé va provoquer une
levée de boucliers parmi la gent cycliste. La première
partie de la bafouille est un coup de gueule, voire un
exutoire proféré à l’encontre du
matraquage publicitaire des influenceurs. Parmi ces
derniers, on recense d’anciennes gloires du cyclisme belge
qui font la promotion du VAE
(vélo à assistance
électrique). Même des pontes de la télé s’y
mettent. Comme les prix de l’énergie flambent à l’envi,
leurs messages sont reçus comme du pain bénit ! Voilà un
pavé lourd à digérer, surtout venant de la part d’anciens
champions sportifs ! Où allons-nous échouer si les
meilleurs se mettent à prôner la facilité ? Aussi, mon
intervention ne fera-t-elle pas dans la dentelle. C’est une
certitude ! Tant pis ! Attendu que mes chroniques font
vieille France depuis que le VAE supplante le vélo
traditionnel dans le cœur et les jambes des cyclistes, mon
entourage qui ne comprend pas ma réticence au VAE,
m’a épinglé le dossard de la lanterne rouge. Une étiquette
que j’assume pleinement. En effet, un peu de recul s’avère
souvent propice à la réflexion. Pour contrer le quolibet,
je ne dispose cependant que d’un jeu de mots bancals, en
l’occurrence celui d’ajouter un
W au VAE,
ce qui donne WAVE
(=onde), soit le Waterloo
du VAE !
En d’autres mots, l’onde de choc espérée n’est qu’une
invitation à capituler devant l’effort vu que le VAE
neutralise trois obstacles majeurs que sont la relance, le
vent et le relief. Bref, les deux engins interprètent un
credo différent à l’aune des paroissiens. Puisque je sème à
tout vent comme le Larousse, je m’en vais vous souffler le
chaud, le froid et un zéphyr pour calmer les ardeurs
rabiques des ultras.
Deus ex
machina*
J’applaudis …
Bravissimo mémé parce que c’est le VAE qui t’a remise en
selle pour écumer les marchés locaux qui mettent de la
couleur dans ton quotidien aux relents, de fin du monde !
Bravo si le VAE redonne de l’espoir aux moins valides !
Impec !
J’accepte …
Du bout des lèvres quand le VAE est utilisé comme une
mobylette à des fins utilitaires, le champ d’action idéal
restant le milieu rural.
Je ricane…
Quant au « Turbo », c’est-à-dire le "crac-boum-hue" du VAE,
il met tous les adeptes de la formule audax** sur un pied
d’égalité. Extra, n’y a qu’à suivre ! Bien que… le pied
bandé d’une chinoise ne tracera jamais comme un 45
fillette ! Exit la discipline, elle ne sera jamais ma tasse
de thé !
Je
tolère…
Un veto de principe quand le E-Bike s’impose comme
cache-misère aux gros bras en mal de décrépitude. La
mention « Bien » pour le vétéran quand ça lui évite la
fatale mise à pied. Me trouvant personnellement dans ce cas
de figure, je préfère réduire la distance, les heures de
selle et la rigueur du relief.
Un accessit avec tiédeur pour les rois de la pédale qui
pètent les flammes grâce au VAE. La vitesse grise ! Aussi
multiplier sa vitesse de croisière par 2 ou par 3 est une
pulsion louable. Par contre, je maintiens que l’effort
physique sans aide extérieure reste beaucoup plus noble aux
yeux du puriste. Mon reproche à l’égard de ces « CGV » -
cycliste grande vitesse – est d’une tout autre nature. Ces
déchaînés devraient tenir compte que les pistes cyclables
traditionnelles ne sont pas adaptées à la vitesse de leurs
bolides.
Remède au chassé-croisé ? Réserver les autoroutes cyclables
aux E-Bikes et renvoyer les vieux clous sur la voie
publique ! Mieux encore, radier ces derniers de la
circulation ! Merci d’avance de ne pas tirer sur le
pianiste, il fait de son mieux !
Je dénonce…
Vade retro, cyclo en VAE qui fanfaronne pour épater
la galerie.
Un zéro pointé quand le VAE flatte l’orgueil du
réfractaire à l’effort qui au bout d’une balade de 100
kilomètres claironne à la cantonade : " Je ne me sens
même pas fatigué ! " Ben voyons, qui le serait pour si
peu !
Double zéro pour les bonimenteurs qui me pèlent les
roubignoles pour que j’aille grossir le peloton
(d’exécution) des VAE.
Quant aux Ecolos, je leur colle un triple zéro. Ces
derniers bassinent le peuple que tout utilisateur d’énergie
non verte est un pollueur de la planète. Or, les Verts
promotionnent le VAE toutes voiles dehors aux dépens
du vélo traditionnel. Donc, j’en déduis que le E-Bike
est un moyen de déplacement polluant qui donne bonne
conscience à la gent bien-pensante. Lors d’une enquête pour
une revue à gros tirage, un influenceur se fend d’un
commentaire quelque peu équivoque : « Mon trajet
quotidien à vélo me donne un véritable coup de fouet
mental. Je prends une bouffée d’air frais et j’ai la tête
vide quand je rentre à la maison. Le fait de contribuer
(modestement) à la réduction des émissions de gaz carbonique
me rend également heureux. Nous avons toujours notre
deuxième voiture mais nous l’utilisons moins
(bel effort !) :
essentiellement pour transporter les enfants, car il est
impossible d’attacher une remorque à un vélo Speed Pedelec,
sauf pour transporter un chien. (Chapeau
bas si c’est un dogue !) »
Notez bien qu’en alternative, le ramassage scolaire existe
toujours et au pis-aller, il reste l’internat !
Je déplore…
Le vélo-barjo ! Sorry ! C’est
vélo-cargo qu’il faut lire. La caisse à savon,
avec ou sans assistance électrique, est un casse-tête
chinois puisqu’il va devenir l’encombrant majeur des pistes
cyclables dans un proche avenir. Avec en prime, un danger à
la clé pour les autres usagers du trafic lent. Aussi,
suis-je persuadé que la bière, qui peut accueillir 3 enfants
en bas âge et tout le brol, incitera un jour le législateur
à modifier le code de la route et ce, probablement au
détriment du cycliste ordinaire. En revanche, notez qu’elle
me rappelle un très bon souvenir, en l’occurrence le
marchand de glace qui, l’été venu, faisait sa tournée le
dimanche après-midi. C’est ringard ! D’accord, passons !
Bref, quoi qu’en pense le public, le vélo-cargo ne
sera toujours qu’une pâle resucée du triporteur ! Quant au
sosie, sans assistance électrique, c’est carrément un retour
au temps de Ben-Hur ! Vive la galère !
Je rejette…
Haro sur la complaisance affichée par les associations
sportives qui racolent des membres tristement OGM –
organisme génétiquement modifié – et autres affidés
raccordés au moindre effort afin de faire valoir une
performance égale ou supérieure à celle des stakhanovistes
de l’effort sportif !
Malgré des commentaires sévères et peu charitables, tout
cycliste, même s’il ne répond pas à l’idée que je me fais du
vélo, n’en demeure pas moins un interlocuteur valable.
Quant aux apaches qui guignent mon scalp, qu’ils sachent
que, sur les 3 dernières années écoulées, ma distance
moyenne annuelle en voiture ne dépasse pas les 1000 km ce
qui est 5 fois inférieure à celle parcourue à vélo. Un
score quel-con-que, n’est-ce-pas !
Faites
votre marché, il y en a pour tous les goûts !
Faites confiance à la pub du VAE !
Informez-vous, ça en vaut la peine ! Derrière le guidon
d’un " Touring", vous
aurez l’air d’un grand sportif ; avec un " Urban
et Comfort ",
vous passerez partout ; avec un " Speed
Pedelec ", vous
irez encore plus loin et plus vite ; avec un " Gravel ",
vous bénéficierez d’une dose rapide d’aventure tout
terrain ; avec un " Spirit ",
vous percevrez des sous au kilomètre parcouru ; avec un " Brompton,
pliable électrique ", c’est le passe-partout idéal ; avec un
" Cowboy ",
la route vous appartient ; avec un " Smart
Bike " c’est la
rencontre avec un vélo intelligent ; avec un " Longtail ",
les petits gabarits prendront leur pied ; avec un " Step-Through
", vous rendrez une femme heureuse ; avec un " Hybrid ",
c’est l’équilibre intelligent entre fonctionnalité et
plaisir ; avec un " Stealth B52
Bomber ", la
bombe est dans le pré et avec un " Rotwild
Pro ", la qualité reste et le prix s’oublie !
Hélas, il manque le
" Wonder Super Bike ",
une
machine full automatique équipée d’un système de pilotage
intégré qui permettrait à l’usager de dormir sur ses deux
oreilles pendant le trajet ! Ne souriez pas ! Il existe
bien des taxis volants ! Tous les engins précités répondent
à une utilité quelconque. Toutefois, de nombreux modèles
sont d’une maniabilité peu aisée pouvant s’avérer un danger
pour les autres usagers de la route.
Pour l’instant,
il n’y a qu’un perdant, c’est le cycliste qui
utilise ses propres bielles comme seule motricité.
Quel-con-que, je suis ! Par contre, l’usager d’un
E-Bike peut rouler la conscience en paix puisqu’il fait
du sport tout comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le
savoir. Enfin, bienheureux ceux qui savent distinguer un
vélo normal d’un VAE : il leur sera épargné bien des
fatuités.
Tiens, une dernière brève pour encenser une
cyclote anonyme ! Pas plus tard que hier, pratiquement dans
les derniers kilomètres d’une randonnée totalisant l’âge de
mes artères, une amazone poireaute à mes côtés, sourire aux
lèvres, que le feu rouge passe au vert. Grâce à la rambarde
qui fait office de starting-blocks, je m’élance le premier
sur la piste cyclable en site propre. À peine cinq secondes
plus tard, la miss me dépasse jupe et sac-bandoulière au
vent. Rien de neuf sous le soleil, je me plais dans les
seconds rôles ! Mais comme un peu d’orgueil (en sport)
ne fait jamais de tort, je m’accroche. Et voilà, que la
belle farfouille dans son sac et sort son téléphone
portable, consulte l’écran tout en roulant à plus de
25km/heure. Trente secondes plus tard, elle réitère le même
show. Entretemps, la piste se dégrade et le trafic routier
s’amplifie. Je perds le contact de ma « pacemaker »
et mon moral chute dans mes chaussettes. Je prends un
raccourci pour rentrer au bercail. Tout à coup, qui
aperçois-je au loin à l’intersection du raccourci et de la
voie principale ? Mais bon sang, c’est bien sûr !
C’est Paulette, ma supernova, qui bille en tête, écrase les
pédales et finit cette fois-ci par se dissiper dans la
circulation. Zut ! J’aurais dû lui demander la marque de
ses bonbons préférés !
Quel que soit le backlash, sachez que je ne prends plus la
peine de chercher à réconcilier mes idées avec celles des
autres. L’idée que je me fais du vélo rejette toutes les
combines des camés, les esquives des tricheurs et les
étalages des " Electro-(wo)men " ! En fait le VAE
ou le E-Bike ressemble à une combinaison fumeuse de
la devise de Machiavel et celle de Pierre de Coubertin,
c’est-à-dire que la fin justifie les moyens pour aller plus
vite, plus fort et plus haut. Les débats sont ouverts !
Vive le sport !
Retour aux
sources
Alors voilà ! Après tant d’années de radotages et de
dérapages, c’eût été une lacune de passer sous silence ma
toute première escapade puisqu’elle a été à l’origine d’un
demi-siècle chargé de frasques de bonheur cycliste.
Avant de conter brièvement l’anecdote, une question de
circonstance me vient à l’idée ! Quand et comment
décrocher en beauté avant de se faire surprendre par la " Grande
Faucheuse " ? En d’autres mots, comment éviter de
tomber dans le piège de la randonnée de trop ou inversement,
celle qui convient encore mais snobée par la perte de
confiance en soi ? Les pros en matière de santé sportive
rétorqueront que le cardiofréquencemètre n’a pas été inventé
pour le sportif du dimanche qui sirote une anisette, scotché
devant la télé avec les orteils en éventail. Basta ! Pour
ma part, même si l’écran du truc-machin-chose qui mesure les
calories brûlées affiche vert sur toute la ligne, je préfère
me fier à mes sensations, quitte à rouler en facteur ! Idem
quant au wattage (PMA). Le courrier arrivera au moins à bon
port ! C’est ma vérité !
Assez berdelé !
Que la fête commence ! Pendant que les jeunes chassent les
« Bigs » tous azimuts et que d’autres moins jeunes
traquent les dernières nouveautés du Big Cycling
telles que les « TGV » et les « Natachas » moi
je me suis mis à la recherche du temps passé ! Une quête
que les vieux beaux et moins beaux adorent ! Les belles
vieilles, aussi ! (Parité homme-femme oblige !) Bref
quand Mr Untel s’en va à Crevant grimper un monument, moi je
descends dire bonjour à Satan deux mètres cinquante sous
le niveau de l’océan. À vélo, acheblief ! (svp !)
Misère de misère ! direz-vous, le revoilà qu’il se remet à
déconner à fond la caisse. Eh bien, ricanez les gars ! Et
vous les garces, ricassez ! Ma phrase introductive est
cousue de fil blanc. Alors que vous tous, autant que vous
êtes, allez souquer sur les pentes du Galibier ou sur tout
autre juge de paix, moi je retourne à mes origines puisque
mon tout premier " raid ", il y a bientôt un
demi-siècle, consistait à rejoindre en une matinée la
Costa Belga au départ de ma tour de
Woluwe-Saint-Pierre. Soit près de 135 bornes en compagnie
de cousin André, mon inoubliable coéquipier de la première
heure (Cf. portrait à découvrir dans la rubrique Malte).
Dix ans plus tard, la course cycliste " open "
de « La Marmotte » me fera l’effet d’une
promenade de santé en comparaison de cette chevauchée plate
comme une crêpe !
À l’aube des seventies, il ne se passait
guère une sortie sans que l’on se pose mutuellement une
colle à propos de tout et de rien. Systématiquement après
un coup de flingue succédait une séance de pédale douce
alimentée par une vanne à deux balles. Tout était sujet à
discussion excepté les dossiers juridiques et les histoires
de cul. Et ça, comme le disent si bien les « Inconnus »,
ça ne vous regarde pas ! André appréciait l’étude de la
toponymie, une passion facilitée par sa connaissance
approfondie de la langue batave. Or, vu que moi-même étant
éduqué et instruit dans le même micmac linguistique, j’avais
du répondant à opposer au baratin de mon partenaire. Et
comme ça ne voletait pas haut, on se crashait régulièrement
piquant un fou rire en retombant sur nos pattes !
Après cette mise en route laborieuse, cap vers l’ouest !
Le Passé
recomposé
Vacances de Pâques 1976. Nous sommes à la
mi-avril. Il fait un froid de canard. Gelées blanches au
petit jour. Près de trois quarts d’heure sont nécessaires
pour traverser Bruxelles. Pour l’heure, la situation ne se
prête guère à la causette. Aussi fonçons-nous tête dans le
guidon jusqu’à la Porte de Bruges située à la sortie de
Gand. C’est une distance qu’on a dans les jambes. Trois
lieues plus loin, fini la belle histoire. Je tourne les
manivelles en me demandant ce que je suis venu faire dans
cette galère ! Frigorifié et à bout de forces, je me vois
contraint et forcé d’égrener un chapelet d’estaminets qui
ont le chic de m’enterrer au lieu de me booster le moral.
Pendant ce temps-là, André le baveux tient le crachoir à des
vieux en casquettes et cache-nez croisés sur la poitrine,
qui balancent les bras d’avant en arrière pour se
réchauffer ! Le jour de gloire du tribun est arrivé. Plus
je m’enfonce, plus il pérore, plus il déconne ! En un
tournemain, il efface un an de bizutage et de petites
vexations. De mon côté, je tente de reprendre du pep en me
gavant de mini-rochers croustillants à la noix de coco
arrosés de " trappistes". Hélas, Panoramix n’était
pas passé par là !
À hauteur de Eernegem, nous prenons une
dernière goutte pour la route. Nous sommes à moins de 25
bornes de notre point d’arrivée. Le ciel gris-de-fer ne
nous lâche pas. Nous arpentons le cœur des polders, une
étendue artificielle de terre conquise sur la mer grâce à
des digues et des barrages dont le niveau est inférieur à
celui de la mer. Il suffit d’ouvrir une ou deux écluses
pour que tout l’arrière-pays soit inondé. Nos cousins
Germains y ont subi une de leur plus grosse déculottée
historique lors de la bataille de l’Yser en 1914. Aussi
est-il normal que la toponymie de la région tourne autour et
alentour du mot « moer » (le pays des Morins)
c’est-à-dire une étendue de marécages qui se prolonge jusque
dans l’arrière-pays de Dunkerque en France. Nos amis
Français ont appelé ce coin "Les Moëres ", une
dénomination correcte qui fait preuve toutefois d’un manque
d’imagination ! Quant aux Saxons, ils traduisent ce type de
biotope par le terme « moor » (marais).
Au moment où nous sommes sur le point de
quitter le bistrot, le jingle de la radio retentit et
statufie mon partenaire qui ne loupe jamais les infos. Le
speaker révèle l’état de santé de Jacques Brel. Ses jours
sont comptés ! La nouvelle affecte beaucoup André qui
présente une foule de points communs avec le poète. Aussi,
par un matin maussade de la Toussaint, dans l’amphithéâtre
d’Orange (la Cité des Princes), mon partenaire avait
gratifié son parterre d’une tirade de Démosthène, déclamée
avec une verve qui eût ridiculisé l’orateur lui-même. Un
numéro époustouflant pour 2 pékins, son jeune frère et
moi-même. Sous une pluie battante qui s’infiltrait
insidieusement sous mon anorak rouge fatigué et ruisselait à
petits flots le long de mon échine ! Un cauchemar
sibérien !
Leffinge. Ça sent les écuries ! Les embruns
glacés fouettent nos mandibules. Démantibulent notre
progression, notre besoin de se dépasser ! Tout à coup …
voilà qu’André bloque tout à trac au milieu de la passerelle
qui enjambe le canal de Plassendale. Un réflexe acrobatique
m’empêche de l’emboutir.
José :
Oh hé,
t’es givré, fieu ! À un poil près, je te rentrais dedans !
À quoi tu joues là ?
André : Dis-moi monsieur-je-sais-tout, une question à 100
balles sur « Le Plat Pays » ?
José : Quoi ? C’est pour ça que tu bloques
sans crier gare ? N’va pas m’dire que c’est le canal pendu
qui te fait flipper ?
André : Pauvre sire ! Lamentable ta
saillie ! Je te croyais plus érudit que ça !
La question :
Dans son hymne au « Plat Pays », à qui Brel songe-t-il quand
il évoque "Les fils de novembre nous reviennent en Mai " ?
Silence de plomb ! Après réflexion, comme il
n’y a pas de vendanges en hiver ni au printemps, il est donc
impossible que ce soit des saisonniers ni des journaliers.
Ni des crevettiers ou des sardiniers ! À moins que ce soit
une allusion aux amis Wallons, qui dès le printemps venu,
retournent gambader en masse à la Mer du Nord ? Exclu,
suppositoire absurde ! Des gratte-moules, alors ? « No
way ! » Bref, nous pédalons de conserve dans la soupe
marinière ! Sans le moindre début de réponse ! Et puis, on
oublie le sujet aussi vite qu’il est apparu. Avec le
temps, avec le temps, va, tout s’en va, même les plus
chouettes souvenirs et le cousin range ses frasques pour
de bon. Quant à moi, je passe la vitesse supérieure et je
me mets à chasser les monuments du cyclisme, les cols, les
monts et les chimères à gogo. Timidement dans un premier
temps, de manière officielle et assidue pendant les
décennies suivantes.
Vingt ans plus tard ! Un funeste crabe finit
par avoir la peau de mon ex-partenaire. André ferme son
parapluie sans connaître la réponse au lièvre qu’il avait
levé à l’apogée de sa gloire ! R.I.P !
Le temps passe ! Vingt-cinq ans après sa
révérence pour l’au-delà. André est toujours présent dans
la mémoire de sa cousine préférée et de son complice des 400
coups. En mémoire du personnage, il m’incombait donc
d’apporter une solution car toutes les chansons de Brel
méritent davantage que d’être simplement ânonnées. "N’oubliez
pas les paroles", c’est bien mais un peu réducteur,
non !
Nul besoin de faire un long discours, tout le
monde sait que la vie a complètement changé depuis l’envolée
des autoroutes de la communication. Aussi me faut-il moins
d’une minute pour trouver la réponse à la colle qui nous
avait tant fait gamberger.
Le clou (sans tête) de l’histoire
Le comble de l’histoire, c’est qu’André a
vécu 18 mois en compagnie des " Fils de novembre" !
Comment lui, un ténor du barreau de Bruxelles, a-t-il pu
éclipser de sa mémoire les péripéties traumatisantes de son
service militaire obligatoire, à savoir 8 jours de cachot
ferme pour avoir dénoncé dans un journal satirique la
tambouille infecte de la caserne ?
Tout s’explique ! André, qui était mon aîné de 6 ans, avait
été appelé sous les drapeaux au début des années soixante,
c’est-à-dire à l’époque de la création de la chanson. En ce
temps-là, la mobilisation en Belgique durait 18 mois et
débutait au mois de novembre. Enrôlé le 03 novembre 1961,
il fut démobilisé fin mai 1963. Mon seul regret, c’est que
le principal intéressé n’a jamais connu la clé de l’énigme.
Quant à moi, j’ai loupé ma vengeance, une fameuse revanche
de pavoiser ! Or, Dieu sait pourtant combien j’avais été
patient pour que le plat refroidisse à l’extrême !
Par conséquent, en mémoire du temps jadis, j’aime me
ressourcer dans la région où le fantôme d’André m’apostrophe
à chaque traversée de canal. Et comme il arrive qu’un canal
se perde, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon vent
et bonne merde !
Il vaut mieux pleurer moins et boire
davantage. (Rabelais)
Le cri du cœur !
Le grand réconfort de ma vieillesse, c’est le
tas de notes prises au cours de mes échappées dont la
lecture anime mes veillées. Nonobstant les ravages du temps
et grâce au vélo que je vous ai conté, j’ai encore et
toujours 15 ans. Ok ! C’est un ramassis de ragots qui ne
vaut pas un kopek. Toutefois, une piécette, par-ci ou
par-là, suffit à mon bonheur. Fiat lux*** et le
vélo-plaisance se transsubstantia en fontaine de jouvence !
Et facta est lux pour que l’inaccessible Pietra
philosophale soit mise à portée de main de tous les
agités du bocal in saecula saeculorum. Amen ! Hé
oui, il y a des vieilles badernes qui rêvent encore !
Septembre 2022
NB.
Pour info, au moment de ma mobilisation en novembre 1967, la
durée du service militaire obligatoire n’excédait plus les
15 mois. (Cf. Sur la Piste aux Etoiles)
*deus ex machina : Dieu issu de la machine
** L’audax se définit comme une épreuve de régularité et
d’endurance à allure imposée conduite et contrôlée par des
capitaines de route régulant la vitesse du groupe.
*** Fiat lux et facta est lux in saecula saeculorum : Que la
lumière soit, et la lumière fut jusqu’à la fin des temps !
(Cf. Genèse : la première parole de Dieu)
Photos : Stefaan Deroover & José Bruffaerts
" Le
VAE est au cycliste ce que les palmes sont au nageur.
Sans
une aide extra, que du bla-bla-bla " |
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