José Bruffaerts       Ecrivain Public

   
 

 
 
 
 

     " Bien écrire, c’est l’art de peser les mots "

Confidence pour confidence …

 
 

 

L’E-Bike est-il le meilleur ou le pire des deux-roues ?  

Accrochez-vous !  Mon exposé va provoquer une levée de boucliers parmi la gent cycliste.  La première partie de la bafouille est un coup de gueule, voire un exutoire proféré à l’encontre du matraquage publicitaire des influenceurs.  Parmi ces derniers, on recense d’anciennes gloires du cyclisme belge qui font la promotion du VAE (vélo à assistance électrique). Même des pontes de la télé s’y mettent.  Comme les prix de l’énergie flambent à l’envi, leurs messages sont reçus comme du pain bénit !  Voilà un pavé lourd à digérer, surtout venant de la part d’anciens champions sportifs !  Où allons-nous échouer si les meilleurs se mettent à prôner la facilité ?  Aussi, mon intervention ne fera-t-elle pas dans la dentelle. C’est une certitude !  Tant pis !  Attendu que mes chroniques font vieille France depuis que le VAE supplante le vélo traditionnel dans le cœur et les jambes des cyclistes, mon entourage qui ne comprend pas ma réticence au VAE, m’a épinglé le dossard de la lanterne rouge.  Une étiquette que j’assume pleinement.  En effet, un peu de recul s’avère souvent propice à la réflexion.  Pour contrer le quolibet, je ne dispose cependant que d’un jeu de mots bancals, en l’occurrence celui d’ajouter un W au VAE, ce qui donne WAVE (=onde), soit le Waterloo du VAE !  En d’autres mots, l’onde de choc espérée n’est qu’une invitation à capituler devant l’effort vu que le VAE neutralise trois obstacles majeurs que sont la relance, le vent et le relief.  Bref, les deux engins interprètent un credo différent à l’aune des paroissiens.  Puisque je sème à tout vent comme le Larousse, je m’en vais vous souffler le chaud, le froid et un zéphyr pour calmer les ardeurs rabiques des ultras.

Deus ex machina*

J’applaudis …
Bravissimo mémé parce que c’est le VAE qui t’a remise en selle pour écumer les marchés locaux qui mettent de la couleur dans ton quotidien aux relents, de fin du monde !
Bravo si le VAE redonne de l’espoir aux moins valides !  Impec ! 

J’accepte …
Du bout des lèvres quand le VAE est utilisé comme une mobylette à des fins utilitaires, le champ d’action idéal restant le milieu rural.
 

Je ricane…
Quant au « Turbo », c’est-à-dire le "crac-boum-hue" du VAE, il met tous les adeptes de la formule audax** sur un pied d’égalité.  Extra, n’y a qu’à suivre !  Bien que… le pied bandé d’une chinoise ne tracera jamais comme un 45 fillette !  Exit la discipline, elle ne sera jamais ma tasse de thé !

Je tolère…
Un veto de principe quand le E-Bike s’impose comme cache-misère aux gros bras en mal de décrépitude.  La mention « Bien » pour le vétéran quand ça lui évite la fatale mise à pied.  Me trouvant personnellement dans ce cas de figure, je préfère réduire la distance, les heures de selle et la rigueur du relief.
Un accessit avec tiédeur pour les rois de la pédale qui pètent les flammes grâce au VAE.  La vitesse grise !  Aussi multiplier sa vitesse de croisière par 2 ou par 3 est une pulsion louable.  Par contre, je maintiens que l’effort physique sans aide extérieure reste beaucoup plus noble aux yeux du puriste.  Mon reproche à l’égard de ces « CGV » - cycliste grande vitesse – est d’une tout autre nature.  Ces déchaînés devraient tenir compte que les pistes cyclables traditionnelles ne sont pas adaptées à la vitesse de leurs bolides.
Remède au chassé-croisé ?  Réserver les autoroutes cyclables aux E-Bikes et renvoyer les vieux clous sur la voie publique !  Mieux encore, radier ces derniers de la circulation !  Merci d’avance de ne pas tirer sur le pianiste, il fait de son mieux !

Je dénonce…
Vade retro, cyclo en VAE qui fanfaronne pour épater la galerie.
Un zéro pointé quand le VAE flatte l’orgueil du réfractaire à l’effort qui au bout d’une balade de 100 kilomètres claironne à la cantonade : " Je ne me sens même pas fatigué ! " Ben voyons, qui le serait pour si peu !
Double zéro pour les bonimenteurs qui me pèlent les roubignoles pour que j’aille grossir le peloton (d’exécution) des VAE.
Quant aux Ecolos, je leur colle un triple zéro.  Ces derniers bassinent le peuple que tout utilisateur d’énergie non verte est un pollueur de la planète.  Or, les Verts promotionnent le VAE toutes voiles dehors aux dépens du vélo traditionnel.  Donc, j’en déduis que le E-Bike est un moyen de déplacement polluant qui donne bonne conscience à la gent bien-pensante.  Lors d’une enquête pour une revue à gros tirage, un influenceur se fend d’un commentaire quelque peu équivoque : « Mon trajet quotidien à vélo me donne un véritable coup de fouet mental.  Je prends une bouffée d’air frais et j’ai la tête vide quand je rentre à la maison.  Le fait de contribuer (modestement) à la réduction des émissions de gaz carbonique me rend également heureux.  Nous avons toujours notre deuxième voiture mais nous l’utilisons moins (bel effort !) : essentiellement pour transporter les enfants, car il est impossible d’attacher une remorque à un vélo Speed Pedelec, sauf pour transporter un chien.  (Chapeau bas si c’est un dogue !) »  Notez bien qu’en alternative, le ramassage scolaire existe toujours et au pis-aller, il reste l’internat !

Je déplore…
Le vélo-barjo !  Sorry !  C’est vélo-cargo qu’il faut lire.  La caisse à savon, avec ou sans assistance électrique, est un casse-tête chinois puisqu’il va devenir l’encombrant majeur des pistes cyclables dans un proche avenir.  Avec en prime, un danger à la clé pour les autres usagers du trafic lent.  Aussi, suis-je persuadé que la bière, qui peut accueillir 3 enfants en bas âge et tout le brol, incitera un jour le législateur à modifier le code de la route et ce, probablement au détriment du cycliste ordinaire.  En revanche, notez qu’elle me rappelle un très bon souvenir, en l’occurrence le marchand de glace qui, l’été venu, faisait sa tournée le dimanche après-midi.  C’est ringard ! D’accord, passons !  Bref, quoi qu’en pense le public, le vélo-cargo ne sera toujours qu’une pâle resucée du triporteur !  Quant au sosie, sans assistance électrique, c’est carrément un retour au temps de Ben-Hur !  Vive la galère !

Je rejette…
Haro sur la complaisance affichée par les associations sportives qui racolent des membres tristement OGMorganisme génétiquement modifié – et autres affidés raccordés au moindre effort afin de faire valoir une performance égale ou supérieure à celle des stakhanovistes de l’effort sportif !
Malgré des commentaires sévères et peu charitables, tout cycliste, même s’il ne répond pas à l’idée que je me fais du vélo, n’en demeure pas moins un interlocuteur valable.  Quant aux apaches qui guignent mon scalp, qu’ils sachent que, sur les 3 dernières années écoulées, ma distance moyenne annuelle en voiture ne dépasse pas les 1000 km ce qui est 5 fois inférieure à celle parcourue à vélo.  Un score quel-con-que, n’est-ce-pas
 !

Faites votre marché, il y en a pour tous les goûts ! 

Faites confiance à la pub du VAE ! Informez-vous, ça en vaut la peine !  Derrière le guidon d’un " Touring", vous aurez l’air d’un grand sportif ; avec un " Urban et Comfort ", vous passerez partout ; avec un " Speed Pedelec ", vous irez encore plus loin et plus vite ; avec un " Gravel ", vous bénéficierez d’une dose rapide d’aventure tout terrain ; avec un " Spirit ", vous percevrez des sous au kilomètre parcouru ; avec un " Brompton, pliable électrique ", c’est le passe-partout idéal ; avec un " Cowboy ", la route vous appartient ; avec un " Smart Bike " c’est la rencontre avec un vélo intelligent ; avec un " Longtail ", les petits gabarits prendront leur pied ; avec un " Step-Through ", vous rendrez une femme heureuse ; avec un " Hybrid ", c’est l’équilibre intelligent entre fonctionnalité et plaisir ; avec un " Stealth B52 Bomber ", la bombe est dans le pré et avec un " Rotwild Pro ", la qualité reste et le prix s’oublie !  Hélas, il manque le Wonder Super Bike ", une machine full automatique équipée d’un système de pilotage intégré qui permettrait à l’usager de dormir sur ses deux oreilles pendant le trajet !  Ne souriez pas ! Il existe bien des taxis volants !  Tous les engins précités répondent à une utilité quelconque.  Toutefois, de nombreux modèles sont d’une maniabilité peu aisée pouvant s’avérer un danger pour les autres usagers de la route.
Pour l’instant,
il n’y a qu’un perdant, c’est le cycliste qui utilise ses propres bielles comme seule motricité.  Quel-con-que, je suis !  Par contre, l’usager d’un E-Bike peut rouler la conscience en paix puisqu’il fait du sport tout comme Mr Jourdain faisait de la prose sans le savoir.  Enfin, bienheureux ceux qui savent distinguer un vélo normal d’un VAE : il leur sera épargné bien des fatuités.

Tiens, une dernière brève pour encenser une cyclote anonyme !  Pas plus tard que hier, pratiquement dans les derniers kilomètres d’une randonnée totalisant l’âge de mes artères, une amazone poireaute à mes côtés, sourire aux lèvres, que le feu rouge passe au vert.  Grâce à la rambarde qui fait office de starting-blocks, je m’élance le premier sur la piste cyclable en site propre.  À peine cinq secondes plus tard, la miss me dépasse jupe et sac-bandoulière au vent.  Rien de neuf sous le soleil, je me plais dans les seconds rôles !  Mais comme un peu d’orgueil (en sport) ne fait jamais de tort, je m’accroche.  Et voilà, que la belle farfouille dans son sac et sort son téléphone portable, consulte l’écran tout en roulant à plus de 25km/heure.  Trente secondes plus tard, elle réitère le même show. Entretemps, la piste se dégrade et le trafic routier s’amplifie. Je perds le contact de ma « pacemaker » et mon moral chute dans mes chaussettes.  Je prends un raccourci pour rentrer au bercail.  Tout à coup, qui aperçois-je au loin à l’intersection du raccourci et de la voie principale ?  Mais bon sang, c’est bien sûr !  C’est Paulette, ma supernova, qui bille en tête, écrase les pédales et finit cette fois-ci par se dissiper dans la circulation.  Zut ! J’aurais dû lui demander la marque de ses bonbons préférés ! 

Quel que soit le backlash, sachez que je ne prends plus la peine de chercher à réconcilier mes idées avec celles des autres.  L’idée que je me fais du vélo rejette toutes les combines des camés, les esquives des tricheurs et les étalages des " Electro-(wo)men " !  En fait le VAE ou le E-Bike ressemble à une combinaison fumeuse de la devise de Machiavel et celle de Pierre de Coubertin, c’est-à-dire que la fin justifie les moyens pour aller plus vite, plus fort et plus haut.  Les débats sont ouverts !  Vive le sport !
 


 

Retour aux sources

Alors voilà !  Après tant d’années de radotages et de dérapages, c’eût été une lacune de passer sous silence ma toute première escapade puisqu’elle a été à l’origine d’un demi-siècle chargé de frasques de bonheur cycliste.  Avant de conter brièvement l’anecdote, une question de circonstance me vient à l’idée !  Quand et comment décrocher en beauté avant de se faire surprendre par la " Grande Faucheuse " ?  En d’autres mots, comment éviter de tomber dans le piège de la randonnée de trop ou inversement, celle qui convient encore mais snobée par la perte de confiance en soi ?  Les pros en matière de santé sportive rétorqueront que le cardiofréquencemètre n’a pas été inventé pour le sportif du dimanche qui sirote une anisette, scotché devant la télé avec les orteils en éventail.  Basta !  Pour ma part, même si l’écran du truc-machin-chose qui mesure les calories brûlées affiche vert sur toute la ligne, je préfère me fier à mes sensations, quitte à rouler en facteur !  Idem quant au wattage (PMA).  Le courrier arrivera au moins à bon port !  C’est ma vérité !
Assez berdelé !
 


Que la fête commence !  Pendant que les jeunes chassent les « Bigs » tous azimuts et que d’autres moins jeunes traquent les dernières nouveautés du Big Cycling telles que les « TGV » et les « Natachas » moi je me suis mis à la recherche du temps passé !  Une quête que les vieux beaux et moins beaux adorent !  Les belles vieilles, aussi ! (Parité homme-femme oblige !)  Bref quand Mr Untel s’en va à Crevant grimper un monument, moi je descends dire bonjour à Satan deux mètres cinquante sous le niveau de l’océan.  À vélo, acheblief ! (svp !)  Misère de misère ! direz-vous, le revoilà qu’il se remet à déconner à fond la caisse.  Eh bien, ricanez les gars !  Et vous les garces, ricassez !  Ma phrase introductive est cousue de fil blanc.  Alors que vous tous, autant que vous êtes, allez souquer sur les pentes du Galibier ou sur tout autre juge de paix, moi je retourne à mes origines puisque mon tout premier " raid ", il y a bientôt un demi-siècle, consistait à rejoindre en une matinée la Costa Belga au départ de ma tour de Woluwe-Saint-Pierre.  Soit près de 135 bornes en compagnie de cousin André, mon inoubliable coéquipier de la première heure (Cf. portrait à découvrir dans la rubrique Malte).  Dix ans plus tard, la course cycliste " open " de « La Marmotte » me fera l’effet d’une promenade de santé en comparaison de cette chevauchée plate comme une crêpe ! 

À l’aube des seventies, il ne se passait guère une sortie sans que l’on se pose mutuellement une colle à propos de tout et de rien.  Systématiquement après un coup de flingue succédait une séance de pédale douce alimentée par une vanne à deux balles.  Tout était sujet à discussion excepté les dossiers juridiques et les histoires de cul.  Et ça, comme le disent si bien les « Inconnus », ça ne vous regarde pas !  André appréciait l’étude de la toponymie, une passion facilitée par sa connaissance approfondie de la langue batave.  Or, vu que moi-même étant éduqué et instruit dans le même micmac linguistique, j’avais du répondant à opposer au baratin de mon partenaire.  Et comme ça ne voletait pas haut, on se crashait régulièrement piquant un fou rire en retombant sur nos pattes !
Après cette mise en route laborieuse, cap vers l’ouest !

Le Passé recomposé 

Vacances de Pâques 1976.  Nous sommes à la mi-avril.  Il fait un froid de canard.  Gelées blanches au petit jour.  Près de trois quarts d’heure sont nécessaires pour traverser Bruxelles.  Pour l’heure, la situation ne se prête guère à la causette.  Aussi fonçons-nous tête dans le guidon jusqu’à la Porte de Bruges située à la sortie de Gand.  C’est une distance qu’on a dans les jambes.  Trois lieues plus loin, fini la belle histoire.  Je tourne les manivelles en me demandant ce que je suis venu faire dans cette galère !  Frigorifié et à bout de forces, je me vois contraint et forcé d’égrener un chapelet d’estaminets qui ont le chic de m’enterrer au lieu de me booster le moral.  Pendant ce temps-là, André le baveux tient le crachoir à des vieux en casquettes et cache-nez croisés sur la poitrine, qui balancent les bras d’avant en arrière pour se réchauffer !  Le jour de gloire du tribun est arrivé.  Plus je m’enfonce, plus il pérore, plus il déconne !  En un tournemain, il efface un an de bizutage et de petites vexations.  De mon côté, je tente de reprendre du pep en me gavant de mini-rochers croustillants à la noix de coco arrosés de " trappistes".   Hélas, Panoramix n’était pas passé par là ! 

À hauteur de Eernegem, nous prenons une dernière goutte pour la route.  Nous sommes à moins de 25 bornes de notre point d’arrivée.  Le ciel gris-de-fer ne nous lâche pas.  Nous arpentons le cœur des polders, une étendue artificielle de terre conquise sur la mer grâce à des digues et des barrages dont le niveau est inférieur à celui de la mer.  Il suffit d’ouvrir une ou deux écluses pour que tout l’arrière-pays soit inondé.  Nos cousins Germains y ont subi une de leur plus grosse déculottée historique lors de la bataille de l’Yser en 1914.  Aussi est-il normal que la toponymie de la région tourne autour et alentour du mot « moer » (le pays des Morins) c’est-à-dire une étendue de marécages qui se prolonge jusque dans l’arrière-pays de Dunkerque en France.  Nos amis Français ont appelé ce coin "Les Moëres ", une dénomination correcte qui fait preuve toutefois d’un manque d’imagination !  Quant aux Saxons, ils traduisent ce type de biotope par le terme « moor » (marais).
 



Au moment où nous sommes sur le point de quitter le bistrot, le jingle de la radio retentit et statufie mon partenaire qui ne loupe jamais les infos.  Le speaker révèle l’état de santé de Jacques Brel.  Ses jours sont comptés !  La nouvelle affecte beaucoup André qui présente une foule de points communs avec le poète.  Aussi, par un matin maussade de la Toussaint, dans l’amphithéâtre d’Orange (la Cité des Princes), mon partenaire avait gratifié son parterre d’une tirade de Démosthène, déclamée avec une verve qui eût ridiculisé l’orateur lui-même.  Un numéro époustouflant pour 2 pékins, son jeune frère et moi-même.  Sous une pluie battante qui s’infiltrait insidieusement sous mon anorak rouge fatigué et ruisselait à petits flots le long de mon échine !  Un cauchemar sibérien ! 


Leffinge.  Ça sent les écuries !  Les embruns glacés fouettent nos mandibules.  Démantibulent notre progression, notre besoin de se dépasser !  Tout à coup … voilà qu’André bloque tout à trac au milieu de la passerelle qui enjambe le canal de Plassendale.  Un réflexe acrobatique m’empêche de l’emboutir.

José : Oh hé, t’es givré, fieu !  À un poil près, je te rentrais dedans !  À quoi tu joues là ?

André : Dis-moi monsieur-je-sais-tout, une question à 100 balles sur « Le Plat Pays » ? 

José : Quoi ?  C’est pour ça que tu bloques sans crier gare ?  N’va pas m’dire que c’est le canal pendu qui te fait flipper ? 

André : Pauvre sire !  Lamentable ta saillie ! Je te croyais plus érudit que ça !

La question :
Dans son hymne au « Plat Pays », à qui Brel songe-t-il quand il évoque "Les fils de novembre nous reviennent en Mai " ?



Silence de plomb !  Après réflexion, comme il n’y a pas de vendanges en hiver ni au printemps, il est donc impossible que ce soit des saisonniers ni des journaliers.  Ni des crevettiers ou des sardiniers !  À moins que ce soit une allusion aux amis Wallons, qui dès le printemps venu, retournent gambader en masse à la Mer du Nord ?  Exclu, suppositoire absurde !  Des gratte-moules, alors ?  « No way ! »  Bref, nous pédalons de conserve dans la soupe marinière !  Sans le moindre début de réponse !  Et puis, on oublie le sujet aussi vite qu’il est apparu.  Avec le temps, avec le temps, va, tout s’en va, même les plus chouettes souvenirs et le cousin range ses frasques pour de bon.  Quant à moi, je passe la vitesse supérieure et je me mets à chasser les monuments du cyclisme, les cols, les monts et les chimères à gogo.  Timidement dans un premier temps, de manière officielle et assidue pendant les décennies suivantes. 

Vingt ans plus tard !  Un funeste crabe finit par avoir la peau de mon ex-partenaire.  André ferme son parapluie sans connaître la réponse au lièvre qu’il avait levé à l’apogée de sa gloire !  R.I.P ! 

Le temps passe !  Vingt-cinq ans après sa révérence pour l’au-delà.  André est toujours présent dans la mémoire de sa cousine préférée et de son complice des 400 coups.  En mémoire du personnage, il m’incombait donc d’apporter une solution car toutes les chansons de Brel méritent davantage que d’être simplement ânonnées.  "N’oubliez pas les paroles", c’est bien mais un peu réducteur, non !

Nul besoin de faire un long discours, tout le monde sait que la vie a complètement changé depuis l’envolée des autoroutes de la communication.  Aussi me faut-il moins d’une minute pour trouver la réponse à la colle qui nous avait tant fait gamberger.

Le clou (sans tête) de l’histoire 

Le comble de l’histoire, c’est qu’André a vécu 18 mois en compagnie des " Fils de novembre" !  Comment lui, un ténor du barreau de Bruxelles, a-t-il pu éclipser de sa mémoire les péripéties traumatisantes de son service militaire obligatoire, à savoir 8 jours de cachot ferme pour avoir dénoncé dans un journal satirique la tambouille infecte de la caserne ?
Tout s’explique !  André, qui était mon aîné de 6 ans, avait été appelé sous les drapeaux au début des années soixante, c’est-à-dire à l’époque de la création de la chanson.  En ce temps-là, la mobilisation en Belgique durait 18 mois et débutait au mois de novembre.  Enrôlé le 03 novembre 1961, il fut démobilisé fin mai 1963.  Mon seul regret, c’est que le principal intéressé n’a jamais connu la clé de l’énigme.  Quant à moi, j’ai loupé ma vengeance, une fameuse revanche de pavoiser !  Or, Dieu sait pourtant combien j’avais été patient pour que le plat refroidisse à l’extrême !
Par conséquent, en mémoire du temps jadis, j’aime me ressourcer dans la région où le fantôme d’André m’apostrophe à chaque traversée de canal.  Et comme il arrive qu’un canal se perde, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter bon vent et bonne merde !


Il vaut mieux pleurer moins et boire davantage. (Rabelais)

Le cri du cœur ! 

Le grand réconfort de ma vieillesse, c’est le tas de notes prises au cours de mes échappées dont la lecture anime mes veillées.  Nonobstant les ravages du temps et grâce au vélo que je vous ai conté, j’ai encore et toujours 15 ans.  Ok !  C’est un ramassis de ragots qui ne vaut pas un kopek.  Toutefois, une piécette, par-ci ou par-là, suffit à mon bonheur. Fiat lux*** et le vélo-plaisance se transsubstantia en fontaine de jouvence !  Et facta est lux pour que l’inaccessible Pietra philosophale soit mise à portée de main de tous les agités du bocal in saecula saeculorum.  Amen !  Hé oui, il y a des vieilles badernes qui rêvent encore !

 

Septembre 2022

 

NB. Pour info, au moment de ma mobilisation en novembre 1967, la durée du service militaire obligatoire n’excédait plus les 15 mois. (Cf. Sur la Piste aux Etoiles

*deus ex machina : Dieu issu de la machine
** L’audax se définit comme une épreuve de régularité et d’endurance à allure imposée conduite et contrôlée par des capitaines de route régulant la vitesse du groupe.
*** Fiat lux et facta est lux in saecula saeculorum : Que la lumière soit, et la lumière fut jusqu’à la fin des temps ! (Cf. Genèse : la première parole de Dieu

Photos : Stefaan Deroover & José Bruffaerts 

" Le VAE est au cycliste ce que les palmes sont au nageur.
                                                     Sans une aide extra, que du bla-bla-bla 
"



 

   
 

bruffaertsjo@skynet.be

 
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